C’est dans l’urgence que l’artiste multidisciplinaire d’origine arménienne Lousnak Abdalian a conçu l’installation d’un jour Drapeaux blancs destinée à sensibiliser la population à la mort de milliers d’enfants dans les conflits armés en cours. Que ce soit à Gaza, en Israël, en Ukraine, au Soudan, en Arménie, au Yémen…

« L’enfant est l’ultime drapeau blanc, nous dit Lousnak, qui a vu tomber, à l’âge de 7-8 ans, les premières bombes sur Beyrouth, en 1975. La seule présence d’un enfant devrait être un signal pour s’arrêter. Peu importe son origine, on ne peut pas monopoliser la douleur d’un enfant tué… »

Même si Lousnak cible toutes les guerres, ce sont les bombardements tous azimuts à Gaza qui l’ont convaincue de faire un geste artistique.

Plus de 11 000 enfants sont morts là-bas jusqu’à présent. C’est épouvantable, et ça continue. Ça m’empêche de dormir… Dans un contexte comme celui-là, je crois que les artistes ont un rôle à jouer. Parfois, on arrive à mieux communiquer la peine, la douleur et l’injustice.

Lousnak Abdalian

Dans le but de créer une installation à la fois inclusive et participative, l’artiste montréalaise a recueilli des draps blancs dans une douzaine de villes de la province. Montréal, Québec, Trois-Rivières, Aylmer, Saint-André-Avellin… Des draps blancs à la mémoire de tous ces enfants morts, peu importe le conflit dans lequel ils ont péri.

Mais pour que l’installation ne soit pas « morbide », Lousnak s’est tournée vers des enfants bien vivants, du Québec, pour contrebalancer l’effet des draps blancs qui s’apparentent à des linceuls.

Elle a contacté des directions d’écoles primaires pour qu’elles demandent à leurs jeunes élèves de dessiner des messages de paix. « C’est facile de dessiner la guerre, les bombes, mais la paix, c’est plus difficile à représenter, nous dit l’artiste visuelle. Cela dit, j’ai insisté pour qu’ils fassent des dessins joyeux. »

Les enfants ont répondu à l’appel. On y retrouve toutes sortes de dessins, et des drapeaux de plusieurs pays en guerre.

Aux draps blancs et aux quelque 400 dessins d’enfants qui seront disposés dans la grande salle de la galerie MAI, s’ajoutera une vidéo de deux minutes qui tournera en boucle et dans laquelle on retrouvera des dessins de Lousnak, avec des mots de l’autrice Najla Saïd, fille d’Edward Saïd, intellectuel américain d’origine palestinienne – auteur de L’orientalisme (mort en 2003).

Le tout a été mixé sur la musique du compositeur français d’origine libanaise Élie Maalouf, qui joue du bouzouki.

« J’ai demandé à Najla d’écrire des mots ou des haïkus, qui sont en fait inspirés de bribes de conversations entre enfants palestiniens captées à Gaza », précise Lousnak. Les mots écrits en anglais ont été traduits en français, en arménien et en arabe. Des « bonhommes allumettes » ont été dessinés à la craie par l’artiste, mais de sa main gauche, pour « créer un lien » avec le monde de l’enfance qu’elle représente.

Les mots de Najla Saïd se retrouveront également disposés pêle-mêle au sol – écrits sur des feuilles de papier – au milieu des draps blancs et des dessins d’enfants.

L’espace pour se promener à travers tous ces objets sera restreint. C’est important. Pour que les gens soient conscients de ce qu’ils voient, mais aussi où ils mettent le pied. C’est une installation à la mémoire des enfants morts, donc je ne veux pas que les visiteurs soient trop à l’aise de marcher dans ce parcours non plus… Ça leur permettra aussi d’apprécier chacun des éléments.

Lousnak Abdalian

Une fois l’installation montréalaise passée – elle aura lieu une seule journée, le samedi 20 avril –, l’objectif de Lousnak est de présenter son expo dans d’autres villes et même dans d’autres pays.

« On va commencer par d’autres villes au Québec, à l’intérieur et même à l’extérieur, mais éventuellement, j’aimerais aussi la présenter dans d’autres pays. Le but est de sensibiliser le plus de gens possible à la réalité des guerres. Je veux montrer le trop de morts d’enfants, je ne pense pas que les gens s’en rendent compte. »

Drapeaux blancs, à la galerie Montréal, arts interculturels (MAI), le 20 avril, de 12 h à 18 h.