Aux côtés de quelques centaines d’autres travailleurs humanitaires de plusieurs pays, trois Québécois prendront la mer dans quelques jours pour tenter d’acheminer à Gaza quelque 5500 tonnes de matériel de première nécessité aux Palestiniens – nourriture, trousses chirurgicales, d’accouchement, etc. Mais si cela se passe comme pour les autres Flottilles de la liberté lancées ces dernières années vers les territoires occupés, les trois navires de l’expédition ont peu de chances de réussite.

Appuyés notamment par Amnistie internationale Canada francophone, Nimâ Machouf, épidémiologiste, le DGligor Delev, médecin urgentologue, et Jean-Pierre Roy Valdebenito, infirmier, partiront ces jours-ci vers la Turquie, d’où ils monteront sur les navires.

« Nous ne sommes pas armés, nous partons apporter du matériel humanitaire », a insisté Nimâ Machouf mardi en conférence de presse.

Si le personnel humanitaire occupera deux des trois bateaux, explique-t-elle, c’est pour s’assurer que l’aide humanitaire contenue dans le troisième arrive à bon port. Sur place, assure Nimâ Machouf, les organisations humanitaires sont prêtes à assurer la distribution des denrées.

Nous allons faire tout notre possible pour que l’aide soit acheminée. Si ça n’arrive pas, ce sera parce qu’Israël nous en aura empêchés.

Nimâ Machouf

Des flottilles en soutien à la Palestine sont organisées depuis 2008. Les autorités israéliennes ne les autorisent pas, si bien que les bateaux, interceptés et détournés, n’atteignent pas la bande de Gaza.

En plus des plus de 30 000 morts et des milliers de blessés qu’a faits la guerre entre Israël et le Hamas jusqu’ici, selon l’ONU, « plus de deux millions de personnes à Gaza sont en danger de mort alors que la famine et la malnutrition se répandent », dénonce Nimâ Machouf. « Pourtant, le Canada échoue à exercer une pression significative sur Israël pour mettre fin au siège et permettre l’entrée de l’aide humanitaire. »

En ce moment, à Gaza, un très grand nombre d’amputations doivent être faites, « souvent sur des enfants, à cause du manque de matériel approprié pour procéder à des chirurgies moins drastiques », a dénoncé le DGhassan Boubez, chirurgien orthopédique québécois d’origine palestinienne.

Nimâ Machouf dit compter sur le gouvernement canadien, de même que sur les médias qui suivront l’expédition, pour en assurer la sécurité et le succès.

Destruction à Gaza

Ellen Gabriel, très connue pour son militantisme autochtone depuis plusieurs années, soutient l’expédition. Devant les médias, elle a rappelé qu’on devrait « nourrir les enfants, pas les tuer ».

« Je n’arrive pas à imaginer ce que ça doit être à Gaza, de penser que personne ne se soucie d’eux », a-t-elle dit, ajoutant qu’on devrait être en train d’investir « dans la paix, dans notre jeunesse » plutôt que dans la guerre.

Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, a rappelé que des crimes de guerre ont été commis par le Hamas le 7 octobre.

Ces crimes de guerre ne permettent pas au gouvernement israélien « d’en commettre à son tour ».

« Il y a un problème avec notre système de démocratie internationale, a-t-elle fait valoir. On demande au Canada de reprendre son rôle de leader qu’il a joué dans le passé. »

La Dre Sophie Zhang, médecin de famille et cofondatrice du groupe Médecins du Québec contre le génocide à Gaza, dit qu’après la publication d’une lettre d’appui aux Palestiniens dans La Presse, 610 médecins ont signé la déclaration.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La Dre Sophie Zhang, médecin de famille et cofondatrice du groupe Médecins du Québec contre le génocide à Gaza

« Plutôt qu’un cessez-le-feu, tel que voté par le Conseil de sécurité de l’ONU, Israël a procédé il y a deux semaines à la destruction totale de l’Hôpital Al-Shifa, le plus grand établissement de santé de Gaza. Devant les yeux du monde entier, un millier de Palestiniens* y ont été tués ou blessés, incluant des médecins et des travailleurs de la santé », a-t-elle souligné.

« Plutôt qu’un libre passage à l’acheminement d’aide humanitaire, Israël continue à cibler des véhicules humanitaires, dont celui de World Central Kitchen, où se trouvait un Québécois de 33 ans, Jacob Flickinger, en mission à Gaza. »

Samedi, à 13 h sur la colline du Parlement, à Ottawa, ce groupe de médecins organise une manifestation de type die-in pour réclamer, évoquent-ils par voie de communiqué, « la cessation des attaques ciblées sur l’infrastructure et le personnel de santé », « la fin du blocus illégal, qui empêche l’entrée de fournitures médicales, médicaments et équipements de soins » et « un accès immédiat à l’eau potable et un libre passage à l’acheminement de nourriture et d’aide humanitaire ».

La conférence de presse de mardi, qui s’est tenue dehors, rue Chabanel, à Montréal, a été fortement perturbée par quelques passants qui hurlaient pour enterrer ce que les organisateurs de l’évènement disaient devant les médias, alléguant qu’ils mentaient.

* La citation originale de la Dre Zhang évoquait des milliers de morts et de blessés. Après vérification, elle souligne que selon Euro Med Monitor, il s’agirait plutôt de 1500 personnes tuées ou blessées, au total.