Il aurait été facile – et sans doute plus rentable – de plier bagage pour aller s’installer à Montréal. Mais le créateur de balados et artiste de théâtre Julien Morissette a préféré rester en Outaouais pour aider à redorer l’image de sa région natale, que trop considèrent encore « comme un désert culturel à l’ombre d’Ottawa ». Rencontre avec un ambassadeur convaincu et convaincant.

Le week-end dernier, Julien Morissette a probablement été l’un des hommes les plus occupés de Gatineau.

Cofondateur et directeur artistique du studio Transistor Média, il est à la tête depuis sept ans du Festival de la radio numérique (FRN) qui se tient dans le Vieux-Aylmer. Chaque année, excluant celles volées par la pandémie, il rassemble autour du centre culturel La Basoche de nombreux festivaliers passionnés par la baladodiffusion et ses différents dérivés. La dernière édition n’a pas fait exception.

Je me suis donné pour mission de provoquer de l’effervescence culturelle dans le secteur avec une offre événementielle unique au Québec : une sorte de camp de vacances du podcast !

Julien Morissette, responsable du Festival de la radio numérique

Tout autour de La Basoche, des affiches colorées du FRN rappelaient aux passants la tenue de l’évènement. Les cafés, les bistros avaient aussi pris la balle au bond pour mettre en évidence la programmation des diverses activités de cette année, depuis le gala de lutte de fin de soirée jusqu’à la journée familiale passée sous le signe de Passe-Partout ou d’El Kapoutchi.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le week-end dernier, le Festival de la radio numérique a proposé plusieurs activités familiales, dont une séance de dessin autour des personnages de Lotus et Cali.

L’homme de 34 ans se réjouit de voir ses concitoyens embrasser ainsi ce jeune festival consacré à un médium somme toute assez jeune.

Autre source de satisfaction : permettre aux artistes de passage à chaque festival de découvrir une région qu’ils connaissent souvent peu. Ou mal.

Plusieurs des personnes qui viennent travailler au festival ou dans nos studios ont une mauvaise perception de la région : soit elle a mauvaise réputation, soit elle n’a pas de réputation du tout. Ils pensent que le coin est un désert culturel.

Julien Morissette, responsable du Festival de la radio numérique

Le président du conseil municipal de Gatineau, Steven Boivin, qui a cofondé le Festival de la radio numérique en 2017, est du même avis : « La ville de Gatineau se cherche beaucoup sur le plan culturel. Trop souvent, les référents qu’ont gardés les gens, c’est Luce Dufault ou Pierre Lapointe… qui ne vivent plus ici ! Le festival permet de nous positionner sur l’échiquier culturel. Gatineau est vu comme une ville de fonctionnaires ; elle pourrait devenir la ville du son, un berceau pour cette forme d’art… »

L’Outaouais à jamais

Julien Morissette aurait pu lui aussi suivre le chant des sirènes pour s’établir dans la métropole, mais cela n’a jamais été une option pour lui. « Je suis né à Hull, j’ai fait mes études primaires, secondaires et collégiales ici. Même quand j’étais à Montréal pour mon baccalauréat en cinéma, j’étais très impliqué dans le milieu culturel hullois, notamment avec mon groupe de musique Tracteur Jack. À l’époque, il fallait traverser en Ontario pour trouver un studio d’enregistrement et des techniciens… »

Cette loyauté a toutefois un prix, admet celui qui a longtemps porté le chapeau de contrebassiste de tournée.

Je dois sans cesse défendre l’intérêt de venir travailler dans la région. À l’Union des artistes, quelqu’un m’a déjà carrément dit de déménager à Montréal parce que je ne ferais jamais de carrière artistique en Outaouais !

Julien Morissette, responsable du Festival de la radio numérique

« De plus, poursuit-il, les conseils des arts veulent de la diversité, régionale notamment, mais ils sont frileux quand vient le moment d’ajouter des nuits d’hôtel, du transport ou des repas au budget. »

Or, l’homme a plus d’un tour dans son sac et il a réussi à convaincre des artistes de renom de faire un saut chez lui pour participer à ses projets : Sophie Cadieux, Marie-Thérèse Fortin, Sylvie Drapeau et Patrice Dubois sont du nombre.

Dans ses projets, Julien Morissette ne perd jamais une occasion de poser les projecteurs sur la région où il a grandi. Ainsi, dans sa balado Hantées, présentée notamment sur la plateforme OHdio de Radio-Canada, il raconte les histoires paranormales survenues dans le Vieux-Aylmer. Une seconde saison de cette création mêlant réalité et fiction est en route. Il a aussi organisé trois Kino-Radio où des artistes venus du Québec, du Canada et de l’international ont arpenté la région pour créer in situ (et en 48 heures) une œuvre radiophonique.

« On dit que l’Outaouais n’a pas d’identité culturelle ? Ça me donne de belles pages blanches pour écrire des récits ! », lance Julien Morissette avec philosophie.

Transistor média en bref

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Affiche du Festival de la radio numérique à Gatineau

Naissance du FRN en 2017, puis du studio Transistor Média en 2018

  • Mission : créer, produire et diffuser des œuvres audionumériques
  • Fondateurs : Steven Boivin et Julien Morissette
  • Nombre d’employés : 8 plus une dizaine de pigistes
  • Plus de 90 projets de balados depuis sa création, soit l’équivalent de 600 épisodes
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