STAT, Haute démolition, Mégantic, Les perles, Bruno Marcil multiplie les rôles au petit écran, sans jamais abandonner le théâtre. Acteur, musicien… potier. À la veille de la première d’Abraham Lincoln va au théâtre – au TNM –, La Presse fait le point avec cet artiste polyvalent, qui a plusieurs cordes à son arc.

Dire que Bruno Marcil est polyvalent relève de l’euphémisme. Bien qu’il ait énormément joué au théâtre, la télé lui a mis le grappin dessus assez rapidement. Son personnage de chef séducteur dans les pubs de Plaisirs gastronomiques a bien sûr contribué à sa popularité.

Mais saviez-vous que l’acteur, qu’on a pu voir aussi au cinéma (C’est pas moi, je le jure, Souterrain, Arlette), fait également de la musique ? Vainqueur de Ma première place des Arts en 2006, il a sorti deux albums et même fait la première partie de Robert Charlebois ! Une passion qu’il dit avoir mise de côté aujourd’hui.

Mon grand plaisir était d’écrire de la musique, mais je n’ai pas trouvé le milieu de la musique super le fun. J’aime encore jouer pour mon propre plaisir, mais je n’ai plus cette envie-là.

Bruno Marcil

« Aujourd’hui, je fais de la poterie, c’est ma nouvelle passion, poursuit Bruno Marcil en riant. C’est de la terre que tu montes en pot, il n’y a pas de jugement. Il n’y a pas de “T’es bon ou t’es pas bon”. Je suis le seul juge. Tu as une idée en tête et le résultat n’a souvent rien à voir avec l’idée de départ. Tu es dans ta bulle. C’est très le fun. Je retrouve le même plaisir qu’en faisant de la musique. »

Une « bulle de fun » qui est bienvenue, parce que dans la vie de tous les jours, l’horaire de Bruno Marcil est plutôt chargé.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Bruno Marcil multiplie les rôles au petit écran. Il joue notamment dans la quotidienne STAT.

Jusqu’au 8 avril, il jouera dans Abraham Lincoln va au théâtre, une pièce de Larry Tremblay créée en 2008, mise en scène cette fois par Catherine Vidal. Et inspirée d’un fait réel : l’assassinat du président américain qui a mis fin à l’esclavage par l’acteur et sympathisant des États confédérés John Wilkes Booth. Un assassinat qui a eu lieu… dans un théâtre !

« J’incarne le metteur en scène Marc Killman, qui a décidé de mettre en scène la mort d’Abraham Lincoln pour illustrer ce qui s’est passé le jour où John Wilkes Booth a tué le président, qui a fait que l’Amérique a changé, et qu’encore aujourd’hui, on subit ce contre-choc-là. Pour lui, c’est le moment clé où la société américaine est devenue une société de spectacle. »

Pour ce faire, il engage deux acteurs – interprétés par Luc Bourgeois et Mani Soleymanlou – qui incarneront les figures comiques de Laurel et Hardy. Killman lui-même s’attribue le rôle d’Abraham Lincoln. « Le problème c’est que Killman disparaît pendant les répètes, précise Bruno Marcil, donc les deux acteurs le remplacent par un autre metteur en scène, joué par Didier Lucien… C’est pas mal fucké ! »

Revenir au théâtre

Malgré ses nombreux engagements à la télé, Bruno Marcil revient toujours au théâtre, notamment au TNM – où on l’a vu au fil des ans dans Le roi Lear, Les femmes savantes, Tartuffe, Sainte Carmen de la Main.

Pour moi, le théâtre est le gym de l’acteur. C’est là où on va au plus creux de ce qu’on a, là où il faut que tu saches exactement ce que tu fais, pour le magnifier. Ça oblige à engager le corps au complet, d’être dans l’instant présent. Et puis j’aime tellement les répétitions. Il y a un grand plaisir à chercher ensemble, à avoir des illuminations, des échecs aussi.

Bruno Marcil

En même temps que les répétitions et les représentations d’Abraham Lincoln va au théâtre, Bruno Marcil tourne dans la quotidienne STAT – deux à trois jours par semaine –, où il incarne l’infirmier Daniel Laramée à l’hôpital Saint-Vincent. Là-bas, le rythme est un tantinet plus rapide qu’au théâtre.

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Dans STAT, Bruno Marcil incarne le personnage de l’infirmier Daniel Laramée.

« Il faut être prêt, il faut être autonome, parce que ça va vite. C’est comme si on faisait un film par semaine ! Mais il y a un côté sportif que j’aime beaucoup et l’équipe est formidable. Mon expérience au théâtre m’aide à dessiner mon personnage et à l’habiter rapidement, à lui donner une palette de couleurs. L’auteure [Marie-Andrée Labbé] le voit évoluer et elle peut l’enrichir à son tour. »

Autre projet dans lequel Bruno Marcil s’est beaucoup investi : Mégantic. La série dans laquelle il incarne (dans un des épisodes) le personnage de Vincent Lamarre (inspiré de la vie de Pascal Lafontaine).

« C’est un gars qui se trouvait au Musi-Café de Mégantic avec toute sa gang le soir de la tragédie, mais qui est rentré chez lui pour s’occuper de ses enfants. Sa femme, son frère, sa belle-sœur, ses amis sont restés, et sont tous morts dans l’incendie. Il avait une entreprise d’excavation avec ses frères et son père, il est retourné sur le site avec sa pépine pour tirer des wagons avant qu’ils n’explosent pendant que ses proches mouraient… »

L’acteur s’était déjà frotté à la tragédie de Lac-Mégantic dans la pièce Les Hardings – présentée au théâtre, puis diffusée par Télé-Québec.

« Il n’y a rien qui me lie à Mégantic. C’est pour ça qu’il fallait faire attention, parce qu’on a été loin dans la tragédie, que ce soit dans la série ou dans la pièce, avec Alexia Bürger. J’ai parlé à beaucoup de gens qui ont perdu des proches. Il y en a qui voulaient qu’on leur foute la paix, mais il y en a qui ont perdu leur fils ou leur fille et qui voulaient qu’on se souvienne. Parce que c’est une tragédie qui aurait pu être évitée. »

PHOTO LA PRESSE CANADIENNE / TÉLÉ-QUÉBEC

Martin Drainville, Bruno Marcil et Patrice Dubois dans la pièce Les Hardings

Il y a aussi Les perles, une série de 12 épisodes qui sera diffusée prochainement sur Club illico – qui met en vedette Bianca Gervais –, dans laquelle il interprète un homme d’affaires de la Côte-Nord. Et un film, Grand Nord, d’Annick Blanc, dans lequel il joue notamment avec Marc Beaupré, Frédéric Zouvi-Millaire et Maxime Génois.

Avec tous ces projets, et le succès qu’il remporte, Bruno Marcil passe-t-il encore dans les cadres de portes ? Le comédien sourit.

On fait un métier qui nous demande d’être excessifs, d’aller dans des zones fragiles. On va loin… On se fait applaudir comme si on était extraordinaires, mais quand on revient chez nous, on est dans un quotidien qui est ordinaire, donc on peut se perdre là-dedans. C’est un équilibre difficile à trouver. On peut ne plus passer dans les cadres de portes. À brasser trop.

Bruno Marcil

À 50 ans, Bruno Marcil a le luxe de refuser des projets. Il décide en fonction du contenu, des équipes, mais aussi de la vie et de ses deux filles.

« J’aime profondément ma job, mais je ne suis pas prêt à tout hypothéquer pour être sur l’affiche. J’aime mon métier, j’aime jouer, mais je ne veux pas faire juste ça, je veux pouvoir passer du temps avec mes filles. Je suis aussi lucide. Ce métier-là est extraordinaire, mais on nous oublie très vite aussi. Ce n’est pas vrai qu’on marque les consciences. On change les choses à notre manière, comme le dentiste change les choses à sa manière. »