(Saint-Adrien) Quand l’artiste Pilou a quitté la métropole pour s’établir à Saint-Adrien afin d’y aménager un studio, il s’est fait traiter de fou. Or, le musicien et réalisateur mène aujourd’hui la transformation de l’église du village des Cantons-de-l’Est en pôle créatif, pour y attirer des artistes de Montréal, de Hollywood et du monde entier. Notre journaliste Émilie Côté a fait le tour du propriétaire… aux mille et un projets.

« Il y a neuf ans, quand j’ai décidé de construire une maison et un studio ici, tout le monde pensait que j’étais fou », raconte Pilou.

« Ici », c’est la municipalité de Saint-Adrien, située à la frontière des Cantons-de-l’Est et des Bois-Francs.

Quand on quitte l’autoroute 55 à la sortie de Richmond, la route qui se rend jusqu’au village de 500 habitants est belle et vallonnée. On passe dans le charmant petit centre-ville de Danville, puis à côté de l’ancienne mine d’amiante de Val-des-Sources (autrefois Asbestos).

Saint-Adrien est juché en haut d’une montagne. En ce mercredi froid de décembre, avant le durcissement des restrictions sanitaires, l’église du village semble vide. Mais une fois à l’intérieur, la scène est inattendue. Spectaculaire, même. La lumière qui passe à travers les vitraux, les ouvriers qui s’activent, le studio dernier cri qui prend forme là où se tenait l’autel, l’orgue qui règne sur les lieux...

Impressionnant chantier !

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Cette grande salle a été transformée en aire commune de travail.

Pilou ouvre la porte d’une grande salle transformée en aire commune de travail, notamment pour le Bureau estrien de l’audiovisuel et du multimédia (BEAM). On y entre, et on oublie un instant qu’on est à Saint-Adrien. On se sent plutôt dans un bureau branché du Mile End. Y travaillent chacun dans leur coin une ancienne employée du Cirque du Soleil (Valléry Rousseau), un compositeur exilé de Los Angeles (Steven Doman), Ryan Strauss (associé de Pilou dans sa maison d’édition), sans compter l’autrice-compositrice-interprète Georgette.

Les yeux de cette dernière, qui porte un couvre-visage, semblent familiers...

« On se connaît ?

– Je suis Emily Shakan. »

Quelle agréable surprise de revoir à Saint-Adrien l’ancienne membre du groupe Motel Raphaël !

  • Ryan Strauss et Emily Skahan forment un couple. Il travaille pour Le Nid et la maison d’édition (Birdhouse Publishing) fondés par Pilou. Elle est l’autrice-compositrice-interprète Georgette, qui a lancé un EP l’automne dernier et fait partie du groupe Motel Raphaël. Ils adorent leur nouvelle vie à Saint-Adrien.

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    Ryan Strauss et Emily Skahan forment un couple. Il travaille pour Le Nid et la maison d’édition (Birdhouse Publishing) fondés par Pilou. Elle est l’autrice-compositrice-interprète Georgette, qui a lancé un EP l’automne dernier et fait partie du groupe Motel Raphaël. Ils adorent leur nouvelle vie à Saint-Adrien.

  • Valléry Rousseau est directrice des opérations du BEAM et du Projet 1606. « Rien de tout cela n’aurait été possible sans elle », lance Pilou. Les deux proches collaborateurs ont quitté Montréal en même temps. Comme Pilou, Valléry Rousseau a travaillé à Shanghai pendant l’Exposition universelle de 2010 alors qu’elle était employée du Cirque du Soleil. En s’établissant à Saint-Adrien après une « écœurantite de la ville », elle ne s’attendait pas à une vie communautaire aux « répercussions rapides et directes ».

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    Valléry Rousseau est directrice des opérations du BEAM et du Projet 1606. « Rien de tout cela n’aurait été possible sans elle », lance Pilou. Les deux proches collaborateurs ont quitté Montréal en même temps. Comme Pilou, Valléry Rousseau a travaillé à Shanghai pendant l’Exposition universelle de 2010 alors qu’elle était employée du Cirque du Soleil. En s’établissant à Saint-Adrien après une « écœurantite de la ville », elle ne s’attendait pas à une vie communautaire aux « répercussions rapides et directes ».

  • Natif de la Californie, Steven Doman est musicien. Il était même parmi les compositeurs de la trame sonore de la série documentaire de Netflix Wild Wild Country. Il a eu le coup de foudre pour une fille originaire des Cantons-de-l’Est (Grace Singh) dans un bar de Los Angeles. Grace est la fille d’un ami de Pilou, le sculpteur d’origine indienne Indra Singh, qui vit près de Saint-Adrien, à Notre-Dame-de-Ham. Steven Doman travaille aujourd’hui avec Pilou au studio Le Nid.

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    Natif de la Californie, Steven Doman est musicien. Il était même parmi les compositeurs de la trame sonore de la série documentaire de Netflix Wild Wild Country. Il a eu le coup de foudre pour une fille originaire des Cantons-de-l’Est (Grace Singh) dans un bar de Los Angeles. Grace est la fille d’un ami de Pilou, le sculpteur d’origine indienne Indra Singh, qui vit près de Saint-Adrien, à Notre-Dame-de-Ham. Steven Doman travaille aujourd’hui avec Pilou au studio Le Nid.

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Mais qu’est-ce que tout ce beau monde-là fait dans un coin reculé des Cantons-de-l’Est ? C’est la faute de Pilou, qui veut faire – entre autres projets – de sa région un pôle cinématographique et artistique. Mais reprenons les choses du début.

Le studio Le Nid

Pour les présentations : Pilou, c’est Pierre-Philippe Côté. Il avait à peine 20 ans quand il chantait Alive Again avec Champion. Il a signé la bande originale de plusieurs films, dont Le règne de la beauté, de Denys Arcand. Il a réalisé les premiers albums de David Giguère et de Philippe Brach. Il a accompagné en tournée Ariane Moffatt et Tomás Jensen. Il a lancé des albums sous le pseudonyme de Peter Henry Phillips. On lui doit aussi l’album La vraie nature – Chansons par Pilou.

En 2010, il a conclu une série de spectacles en Chine (où il accompagnait Marie-Jo Thério à l’occasion de l’Exposition universelle de Shanghai) quand il a eu l’appel du large. « L’opulence de tout cela, tous les gens qu’il y avait... C’était trop », se souvient Pilou.

Quand il est rentré à Montréal, il avait besoin d’air et d’espace.

Il est tombé amoureux de l’actrice Geneviève Boivin-Roussy (District 31, O’). Puis ils ont décidé de s’établir dans le coin de pays où a grandi Pilou.

Pilou a annexé à son studio Le Nid un loft permettant à des artistes d’y séjourner. Philippe Brach, Elisapie, Beyries, Matt Holubowski, Fanny Bloom et Ines Talbi font partie de ceux qui y ont passé du temps pour créer et enregistrer des chansons. Pilou a également fondé la maison d’édition Birdhouse Publishing et la maison de disques Label Étiquette.

> Consultez le site du studio Le Nid

Des projets, encore des projets

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L’église de Saint-Adrien a été mise en vente au coût symbolique de 1 $, « pour quiconque avait un projet ».

Aujourd’hui, Pilou porte plusieurs autres chapeaux, dont celui de président et directeur créatif du Bureau estrien de l’audiovisuel et du multimédia. Il a aussi fondé la société de développement immobilier à impact Projet 1606, qui orchestre la transformation de l’église de Saint-Adrien en centre de création multidisciplinaire.

L’église de Saint-Adrien a été mise en vente au coût symbolique de 1 $, « pour quiconque avait un projet ». « Le but était de préserver le bâtiment et de lui trouver une vocation », raconte Pilou.

Quand les travaux évalués à 1,3 million de dollars seront terminés, l’église de Saint-Adrien – chauffée grâce à des serveurs de cryptomonnaie (voir écran suivant) – sera un pôle créatif avec un studio de captation et d’enregistrement. Il y aura aussi des locaux de bureaux. Une coopérative d’ingénieurs (ALTE) y a déjà élu domicile.

« Pour les besoins de la musique et du cinéma, il y aura des studios de postproduction pour l’image et le son, indique Pilou. Il y aura plusieurs régies, dont une surround 5.1. »

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Le Grand Studio sera aménagé dans l’ancien chœur de l’église.

Les plans du Grand Studio – aménagé dans l’ancien chœur de l’église – ont été réalisés par l’acousticien Nicolas Grou, de Grantham Acoustique.

Pilou nous surprend à regarder dans les airs. « La lumière est folle, hein ? »

Affamé de cinéma

Le BEAM veut recevoir des équipes de tournage ou de postproduction, ou tout simplement un compositeur de musique de film de Los Angeles. Surtout que Pilou vient d’acheter l’auberge voisine de l’église (avec le réalisateur Matt Charland) et qu’un projet d’écovillage de minimaisons est dans l’air. Il y aura de quoi loger des équipes nombreuses...

Créer un esprit d’équipe dans des conditions gagnantes, c’est l’idée d’un hub créatif.

Pilou

Pilou sait que son projet de pôle cinématographique est possible depuis le tournage du film Les affamés, de Robin Aubert, en 2016. L’équipe a tourné dans un champ de Ham-Nord, tout près de Saint-Adrien, où Robin Aubert possède une maison.

La directrice des lieux de tournage Astrid Barrette-Tessier a alors séjourné pendant trois mois chez Pilou. « Je suis comme devenu son fixer », raconte-t-il.

Pilou – qui a d’ailleurs remporté un prix Iris pour la musique du film Les affamés – s’est ensuite mis à conseiller des producteurs de publicités qui cherchaient « un pit de sable » ou un décor de mines. Il a aussi tendu des perches aux élus pour attirer d’autres tournages. Sans trop de succès...

Jusqu’à ce que Pilou reçoive en 2017 un appel pour le tournage d’un clip du DJ Kygo pour sa chanson Stargazing. Un désistement quelques jours avant le tournage a même fait en sorte qu’il a finalement lui-même agi comme producteur exécutif du clip. « J’avais booké 80 figurants. »

Son équipe a réussi à faire de la pyrotechnie et même à « faire voler un vaisseau avec un tracteur de ferme ».

« C’est là que la MRC nous a aidés à monter le projet du BEAM », raconte Pilou.

Ensuite, il y a eu des clips de London Grammar et même celui, récemment, de L’Amérique pleure, des Cowboys Fringants. Sans compter de nombreuses publicités.

Entre-temps, Les affamés est devenu le premier film québécois acheté par Netflix, alors que le clip de Stargazing a généré plus de 12 millions de vues sur YouTube.

Comme quoi Pilou n’était pas si fou de relancer sa carrière à Saint-Adrien.

> Lisez « Une église chauffée aux bitcoins »