(Ottawa) La Cour fédérale a rejeté la demande du commissaire à la protection de la vie privée du Canada, qui lui demandait de reconnaître que Facebook avait enfreint la loi régissant l’utilisation des informations personnelles dans un dossier découlant de l’affaire Cambridge Analytica.

Dans sa décision, le juge Michael Manson conclut que le commissaire à la protection de la vie privée n’a pas démontré que le géant des médias sociaux, aujourd’hui appelé Meta, n’avait pas obtenu un consentement valable des utilisateurs de Facebook ou qu’il n’avait pas su protéger adéquatement leurs renseignements personnels.

Un rapport d’enquête de 2019 de Daniel Therrien, commissaire fédéral à la protection de la vie privée à l’époque, et de son homologue de la Colombie-Britannique avait cité des lacunes majeures dans les procédures de Facebook. Ils ont appelé à des lois plus strictes pour protéger les Canadiens.

L’enquête faisait suite à des informations selon lesquelles Facebook avait laissé une organisation extérieure utiliser une application numérique pour accéder aux informations personnelles des utilisateurs, et que ces données avaient ensuite été communiquées à des tiers.

L’application, connue un certain temps sous le nom de This is Your Digital Life, encourageait les utilisateurs à répondre à un « questionnaire de personnalité », mais recueillait beaucoup plus d’informations sur les personnes qui installaient l’application, ainsi que des données sur leurs amis Facebook.

Les destinataires de ces informations comprenaient la société britannique Cambridge Analytica, qui était impliquée dans des campagnes politiques américaines et des messages ciblés.

Environ 300 000 utilisateurs de Facebook dans le monde ont ajouté cette application, ce qui a entraîné la divulgation potentielle des informations personnelles d’environ 87 millions d’autres personnes, dont plus de 600 000 Canadiens, selon le rapport des commissaires à la protection de la vie privée.

Les commissaires ont conclu que Facebook avait enfreint la loi canadienne sur la protection de la vie privée en n’obtenant pas le consentement valide et significatif des utilisateurs et de leurs amis, et qu’il disposait de « garanties inadéquates » pour protéger les informations des utilisateurs.

Facebook a contesté les conclusions de l’enquête et a refusé de mettre en œuvre les recommandations du rapport.

L’entreprise a déclaré qu’elle avait essayé de travailler avec le bureau du commissaire à la protection de la vie privée et de prendre des mesures qui iraient au-delà de ce que font les autres entreprises.

Au début de 2020, le commissaire Therrien a demandé à la Cour fédérale de déclarer que Facebook avait enfreint la loi régissant l’utilisation des renseignements personnels par le secteur privé – la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

Facebook dépose sa requête

À son tour, Facebook a déposé sa propre requête, demandant au tribunal de rejeter la conclusion du commissariat selon laquelle les pratiques laxistes du géant des médias sociaux permettaient l’utilisation de données personnelles à des fins politiques.

Facebook a déclaré que le bureau du commissaire s’était lancé à tort dans un vaste audit des pratiques de confidentialité de l’entreprise sous le couvert d’une enquête sur des plaintes concernant une violation spécifique de la loi.

Dans une décision complémentaire, le juge Manson a par ailleurs rejeté la requête de Facebook.

Mais le juge a également rejeté les arguments du commissaire à la protection de la vie privée concernant les pratiques de l’entreprise de médias sociaux.

Le commissaire avait soutenu que Facebook n’avait pas obtenu le consentement significatif des utilisateurs avant de divulguer leurs informations à l’application This is Your Digital Life.

Le commissariat a déclaré que si Facebook vérifiait l’existence de politiques de confidentialité, et que sa politique de plateforme et ses conditions d’utilisation exigeaient que les applications tierces divulguent les fins pour lesquelles les informations seraient utilisées, il n’a pas vérifié manuellement le contenu de ces politiques tierces.

Le commissaire a également déclaré que Facebook n’avait fourni aucune preuve de ce que les utilisateurs avaient appris lors de l’installation de l’application This is Your Digital Life.

Facebook a fait valoir que ses politiques à l’échelle du réseau, les contrôles des utilisateurs et les ressources éducatives représentaient des efforts raisonnables en vertu de la loi canadienne. Il a également critiqué la suggestion du commissaire d’examiner manuellement la politique de confidentialité de chaque application comme étant peu pratique, car cela obligerait le personnel juridique à examiner des millions de documents.

Le juge Manson a déclaré que le tribunal devait « spéculer et tirer des conclusions non étayées à partir d’images des diverses politiques et ressources de Facebook sur ce qu’un utilisateur lirait ou non, ce qu’il pourrait trouver décourageant et ce qu’il comprendrait ou ne comprendrait pas ».

En conséquence, le commissaire n’a pas réussi à établir que Facebook avait enfreint la loi concernant le consentement valable, a-t-il écrit.

Le juge Manson était également d’accord avec l’argument de Facebook selon lequel une fois qu’un utilisateur l’autorise à divulguer des informations à une application, les obligations de protection de la société de médias sociaux en vertu de la loi canadienne prennent fin.

Meta a déclaré lundi dans un communiqué qu’il était satisfait de la décision. « Au cours des dernières années, nous avons transformé la confidentialité chez Meta et mis en place l’un des programmes de confidentialité les plus complets au monde. »

Vito Pilieci, un porte-parole du commissaire à la protection de la vie privée, a déclaré que le bureau avait initié la demande auprès du tribunal pour protéger la vie privée des Canadiens. « Dans cet esprit, nous examinons la décision du tribunal pour déterminer les prochaines étapes. »

Meta finance un nombre limité de bourses qui soutiennent les journalistes émergents à La Presse Canadienne.