Quelles formes prendra l'énergie au Québec ? Parcours des pistes énergétiques avec la Ministre des ressources naturelles Martine Ouellet.

Votre politique énergétique pour le Québec est prévue cet automne. Quelle vision en avez-vous?

Il y aura une consultation de l'ensemble des régions du Québec et on sera à l'écoute des gens. Mais il est certain que cette politique énergétique va s'inscrire dans une perspective de diminution des gaz à effet de serre. S'il y a des besoins de production, les priorités vont aller à l'efficacité énergétique et aux économies d'énergie. On sait que la meilleure source d'énergie est celle que l'on ne consomme pas.

Ensuite, s'il y a toujours des besoins, nous allons favoriser très clairement les énergies renouvelables que sont l'hydro-électricité, l'éolien et les autres énergies renouvelables alternatives - les biocombustibles en particulier.

Quelle place envisagez-vous pour le pétrole au Québec?

Comme nous nous plaçons dans une perspective de diminution des gaz à effet de serre, nous allons viser la diminution de la consommation des combustibles fossiles. Ça va se faire beaucoup par l'efficacité énergétique du côté du pétrole et du gaz, car il y a encore des gains importants à faire, mais aussi par le transport en commun et par l'électrification des transports.

On est quand même réaliste, ça ne se fera pas du jour au lendemain. Avec un déficit de la balance commerciale de 12 milliards de dollars par année du côté du pétrole, on pense que le Québec aurait tout intérêt à exploiter son pétrole. Mais il faut que ce soit une exploitation responsable, donc dans le respect des communautés et de l'environnement.

À ce propos, la ville de Gaspé a bloqué les forages exploratoires, qui visaient simplement à savoir ce que contient le sous-sol. Comptez-vous réglementer cet aspect?

C'est clair qu'il y a eu un laisser-aller au cours des dernières années au niveau de l'encadrement. Dans tous les secteurs des ressources naturelles, tant dans les communautés que chez les entreprises, j'entends qu'on souhaite un meilleur accompagnement de l'État. Il a un rôle à jouer en indiquant quelles sont les règles du jeu, pour qu'elles soient claires pour tout le monde. J'ai eu le mandat de la Première Ministre de faire une nouvelle loi sur les hydrocarbures et je l'ai annoncée pour l'automne prochain. Il est essentiel que l'encadrement de l'ensemble de l'exploitation soit plus précis, tant pour l'industrie en termes de prévisibilité que pour les communautés.

Quelles seraient les garanties ou les circonstances qui vous inciteraient à ouvrir le robinet du pétrole albertain?

Il y a plusieurs projets qui n'ont pas tous les mêmes impacts. Dans un premier temps, on va s'assurer des risques environnementaux pour les territoires traversés. Il n'y a pas de risques à courir de ce côté et il faut s'assurer de la sécurité des oléoducs. Ensuite, il faut évaluer quel est l'intérêt économique pour le Québec. Il y a actuellement un avantage d'environ 25$ le baril en faveur du pétrole albertain. Il y a un impact pour les deux raffineurs du Québec, Ultramar à Lévis et Suncor à Montréal. Nous avons toutefois une préoccupation importante concernant l'impact de la provenance du pétrole sur les gaz à effet de serre et des changements climatiques. Nous analyserons aussi ces projets dans cette perspective.

Dans quelles conditions accepteriez-vous ce pétrole des sables bitumineux?

On analyse les projets et on essaie de voir quelles pourraient être les propositions qui permettraient de minimiser l'impact de la source de pétrole des sables bitumineux sur les gaz à effet de serre.

Il existe des solutions à ce sujet?

On y réfléchit.

Vous avez annoncé le 3 février dernier une bonification du programme Rénoclimat de 34,1 millions. Plusieurs spécialistes soutiennent que vous obtiendriez de meilleurs résultats à moindre coût avec une hausse du tarif d'électricité (quitte à adopter des mesures compensatoires pour les faibles revenus). Pourquoi ne prenez-vous pas cette voie?

J'ai géré des programmes d'efficacité énergétique pendant 10 ans. C'était surtout au niveau industriel mais il y avait le même genre de réflexion. J'ai constaté que cette mesure (de hausse de tarif) avait beaucoup d'effets pervers. On a regardé ce qui se faisait ailleurs et ils n'atteignaient pas nécessairement l'objectif de l'amélioration de l'efficacité énergétique.

Dans l'industriel, j'ai trouvé que le plus efficace était l'offre de programmes avec une stabilité au niveau des aides financières. La reconnaissance du travail des industries avait également beaucoup d'impact sur les actions qu'elles menaient.

Il est difficile d'accorder de la reconnaissance au voisin qui change ses fenêtres...

C'est certain qu'au niveau résidentiel, c'est une approche de masse, donc un beaucoup plus grand nombre d'intervenants touchés. Ce que j'ai constaté, et j'imagine que c'est la même chose du côté résidentiel, c'est que toutes les démarches administratives sont la première barrière à l'entrée. Il faudra qu'il soit très simple pour les gens de participer au programme.

Quelle est la place de l'énergie éolienne au Québec, alors qu'Hydro-Québec est en surplus pour plusieurs années encore?

On a décidé au Québec qu'on voulait établir une industrie manufacturière (éolienne), qui est maintenant présente ici. Je crois que dans le futur, l'éolien a sa place au Québec. C'est probablement la meilleure combinaison étant donné que l'éolien est intermittent et qu'avec l'hydroélectricité, les réservoirs peuvent agir comme des batteries géantes. Il est certain qu'à court terme, le besoin n'est pas là, mais si nous voulons qu'à moyen et long terme l'éolien se poursuive au Québec, il est important de soutenir l'industrie manufacturière. Les analyses sont en cours pour définir les prochaines étapes pour traverser la période où nous sommes en surplus.

S'il y avait une démonstration convaincante de la sécurité et du faible risque de l'exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, est-ce que la porte pourrait s'ouvrir?

Je pense qu'au Québec, il y a des alternatives à développer avant le gaz de schiste, par exemple le captage du méthane, dans les sites d'enfouissement ou ailleurs. Et on a là tout un avantage parce que c'est du méthane qui autrement irait dans l'atmosphère. On diminue les gaz à effet de serre et on réutilise quelque chose qui ne serait pas utilisé autrement. C'est dans le biogaz qu'on doit mettre nos efforts.