Le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), offert par le gouvernement du Canada depuis le printemps dernier, change complètement la donne pour les premiers acheteurs. Pourquoi ? Et dans ce contexte, le régime d’accession à la propriété (RAP) a-t-il encore son utilité ? Éléments de réponse.

Émile Asselin, 19 ans, est étudiant à la technique en génie aérospatial et travaille à temps partiel. Depuis qu’il est adolescent, il épargne en vue de s’acheter une propriété.

« C’est un investissement et je n’aime pas payer un loyer », dit-il.

En décembre, il a ouvert un CELIAPP, ce qui lui a donné 8000 $ de droits de cotisation pour 2023 et il a eu une autre tranche de 8000 $ en 2024.

Les avantages du CELIAPP

Aux yeux de Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services financiers, le CELIAPP « est l’un des plus gros cadeaux fiscaux que le gouvernement fédéral a faits ».

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers

D’abord, parce que comme pour le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) qui permet de bénéficier du RAP, les cotisations sont déductibles de son revenu imposable. « Mais, contrairement au RAP, explique-t-il, aucun remboursement n’est exigé après avoir sorti une somme de son CELIAPP. De plus, les sommes investies croissent à l’abri de l’impôt, comme dans le compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Le CELIAPP a donc le meilleur des deux. »

De plus, il n’y a pas de retrait maximum dans le CELIAPP, souligne Isabelle Martineau, comptable professionnelle agréée (CPA), conseillère principale en fiscalité au Mouvement Desjardins. « Si une personne cotise 8000 $ par année dans son CELIAPP pendant cinq ans, elle atteint le maximum de cotisations de 40 000 $, illustre-t-elle. Si le rendement est au rendez-vous, après 10 ans, la personne peut avoir, disons 50 000 $. En respectant les conditions, elle peut effectuer un retrait non imposable de 50 000 $ et utiliser cette somme comme mise de fonds pour sa première propriété. C’est l’un des gros avantages du CELIAPP. »

40 000

C’est le nombre maximal de dollars qu’on peut cotiser dans son CELIAPP en respectant le maximum annuel. Mais il n’y a pas de retrait maximum.

Le RAP a pour sa part un retrait maximum de 35 000 $. « Une personne peut décider d’utiliser les deux outils pour obtenir une mise de fonds plus substantielle », ajoute Isabelle Martineau.

Choisir le bon moment

Il faut s’assurer toutefois d’ouvrir son CELIAPP au bon moment. Parce que ce cadeau fiscal du gouvernement fédéral est bon seulement pour 15 ans.

« Le problème, c’est que souvent, les jeunes ne savent pas ce qu’ils veulent faire, affirme Simon Préfontaine. Ils étudient, veulent voyager, aller travailler pendant un moment à l’étranger, etc. Comme on ne peut utiliser le CELIAPP qu’une seule fois dans sa vie, il faut éviter de l’ouvrir précocement puis de le perdre avant de pouvoir réaliser son projet. »

Pour sa part, Émile est certain de devenir propriétaire dans environ six ans. « Je veux terminer mes études collégiales, ensuite aller à l’université, puis commencer à travailler dans mon domaine et acheter », indique-t-il.

Une personne qui renoncerait finalement à son projet ne serait pas désavantagée pour autant.

PHOTO FOURNIE PAR DESJARDINS

Isabelle Martineau, conseillère principale en fiscalité au Mouvement Desjardins

Après 15 ans, si on n’a pas retiré la somme dans son CELIAPP pour acheter une propriété, on peut la transférer dans son REER sans impact fiscal et sans que cela vienne affecter ses droits de cotisation. Donc, même si on n’achète pas de maison, on n’a rien à perdre en ouvrant un CELIAPP puisqu’on profite des déductions fiscales et que ses économies croissent à l’abri de l’impôt.

Isabelle Martineau, CPA, conseillère principale en fiscalité au Mouvement Desjardins

Il faut savoir tout de même que les conditions pour retirer dans son CELIAPP sont assez strictes. « Par exemple, il n’est pas possible d’effectuer un retrait sans impact fiscal pour financer un retour aux études comme c’est le cas avec le REER, soutient Simon Préfontaine. Il faut être certain qu’on n’aura pas besoin de cet argent pour autre chose. »

Reporter ses droits de cotisation et ses déductions

Dès qu’une personne ouvre son CELIAPP, elle obtient 8000 $ en droits de cotisation par année, jusqu’à atteindre le maximum de 40 000 $, donc pendant cinq ans. Si on ne peut pas cotiser autant, il est possible de reporter ses droits de cotisation inutilisés à l’année suivante.

« Par contre, la personne ne peut jamais avoir plus de 16 000 $ de droits de cotisation pour une année », précise Isabelle Martineau.

La personne peut cotiser à son CELIAPP sur une période maximale de 15 ans. De plus, comme pour le REER, un jeune peut reporter sa déduction fiscale. Par exemple, il pourra l’utiliser lorsque son taux d’imposition sera plus élevé.

Si le CELIAPP est incontournable pour acheter une première propriété, le RAP continue d’avoir certains avantages.

« Si on a les droits de cotisation REER suffisants, on peut déposer 35 000 $ en une année, bénéficier des déductions fiscales et retirer le tout pour acheter sa propriété, indique Simon Préfontaine. Avec le CELIAPP, on obtient seulement 8000 $ de droits de cotisation par année. Et on sait que les jeunes se décident souvent à acheter dans un horizon d’un an ou deux. »

Avant d’ouvrir un CELIAPP, les deux experts recommandent de se faire accompagner par un conseiller financier pour prendre les meilleures décisions pour sa situation.