L’expression « plafond de verre » est utilisée depuis 40 ans pour décrire les barrières excluant les femmes des plus hauts niveaux hiérarchiques de leur organisation. Il existe également la pyramide de verre, les parois de verre, l’ascenseur de verre et la falaise de verre. Le point avec Marie-Thérèse Chicha, professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.

Qu’est-ce que la pyramide de verre ?

Le plafond de verre peut être illustré comme une pyramide afin d’illustrer l’ascension en entreprise. Les femmes vont souvent entrer d’un côté dans des postes de bureau ou d’ouvrières non qualifiées. De l’autre côté, les hommes entrent dans des postes qui mènent à des promotions. Les femmes gravissent quelques marches avant d’être arrêtées par le plafond de verre, alors que les hommes vont bien plus loin.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Thérèse Chicha

Les femmes sont-elles freinées par les parois de verre ?

Oui, elles accèdent à certains postes de cadres seulement, comme directrice des ressources humaines ou des relations publiques, qui ne sont pas considérés par l’entreprise, à tort d’ailleurs, comme ayant un impact sur le chiffre d’affaires et la rentabilité. On ne leur donne pas l’occasion de manifester leurs compétences, car elles sont cantonnées à certains types de responsabilités. Elles montent et butent contre les cloisons sur les côtés.

Et ce n’est pas le cas aussi souvent pour les hommes ?

Les hommes vont être envisagés pour devenir directeur financier ou directeur recherche et développement, des responsabilités considérées comme cruciales pour la rentabilité et l’innovation. Ils auront l’occasion de démontrer leurs compétences et de mettre en évidence leurs performances. Ils pourront donc briser le plafond de verre et accéder à des postes de vice-président ou autre.

Dans quels contextes les hommes peuvent-ils profiter de l’ascenseur de verre ?

On observe une disproportion de la présence d’hommes dans des postes de responsabilités dans les professions à prédominance féminine, comme infirmière, travailleuse sociale ou enseignante. Ils ont un ascenseur qui leur permet de monter vite dans des postes de responsabilités comme chef infirmier, alors que les femmes n’ont pas nécessairement cette vitesse d’ascension.

Les femmes peuvent d’ailleurs « glisser » sur la falaise de verre, n’est-ce pas ?

Quand une entreprise ou un parti politique est dans une situation précaire, les barrières à l’entrée des femmes à des postes supérieurs peuvent tomber. En général, les hommes préfèrent ne pas risquer leur carrière en acceptant des postes précaires, d’autant plus qu’ils ont d’autres choix qui s’offrent à eux. Quand les femmes arrivent à la tête de l’organisation en situation précaire, les risques d’échec sont plus grands et on leur rend la vie plus dure. Elles sont au bord de la falaise, avec plus de risques de dégringoler.

Avez-vous des exemples ?

Lorsque Dominique Anglade est devenue cheffe du Parti libéral du Québec, qui était dans une situation très difficile, ou quand Élisabeth Borne a été nommée première ministre en France durant la crise des retraites.

En quoi le plafond de verre peut-il être multicouche ?

Quand une femme fait partie des minorités racisées, sexuelles, de genre ou qu’elle vit avec un handicap, les discriminations s’accumulent. Toutes ces couches peuvent la ralentir. Pour les minorités, on ne parle plus de verre, mais de béton, car elles ne voient même pas le sommet. Elles n’ont pas l’espoir d’accéder à des postes supérieurs.