Durable et recyclable à l’infini, l’aluminium produit au Québec est aussi le plus vert du monde grâce à l’hydroélectricité. Le métal se retrouve dans plusieurs domaines, de l’agroalimentaire à la mobilité. Il reste néanmoins du chemin à faire avant qu’il s’inscrive véritablement dans une économie circulaire.

Le président-directeur d’AluQuébec, la grappe de l’aluminium, l’admet d’emblée : au Québec, on ne peut pas encore dire mission accomplie en matière d’économie circulaire. « Il y a toujours un travail de conscientisation et d’amélioration. La dure réalité, c’est que pour l’instant, la quasi-totalité de l’aluminium post-consommation est recyclée à l’extérieur de la province », affirme François Racine.

Malgré ce portrait sombre, l’industrie ne reste pas les bras croisés. « Les canettes en aluminium et la consigne sont un bel exemple de succès. Le taux de recyclage des canettes est d’environ 70 % au Québec, contre 45 % aux États-Unis. »

Donner une deuxième vie à l’aluminium

Dans le but de favoriser le réemploi, AluQuébec a mis sur pied le chantier Valorisation et recyclage en 2020.

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François Racine, président-directeur d’AluQuébec

L’équipe tente d’évaluer les projets potentiels pour valoriser le plus possible les rebuts d’aluminium localement. On veut boucler la boucle de circularité au Québec.

François Racine, président-directeur d’AluQuébec

Les déchets de construction, qui comprennent les cadres de fenêtres ou le revêtement extérieur, et les produits de consommation comme les canettes et les bonbonnes d’aérosol font notamment partie des créneaux visés. C’est moins évident pour les infrastructures, qui peuvent durer jusqu’à 100 ans.

AluQuébec voit évidemment d’un bon œil la construction d’un centre de refonte pour recycler localement les rebuts post-consommation, annoncée l’an dernier par Rio Tinto. François Racine se réjouit également que d’autres entreprises planchent sur des projets similaires.

« Ça démontre un changement de mentalité. Le recyclage devient attrayant pour les grandes entreprises avec les objectifs de décarbonation et de réduction de l’empreinte environnementale. Mais pour que la refonte se fasse au Québec, il faut augmenter la masse critique pour justifier l’investissement. Dans le cas contraire, ça prend le chemin de l’Asie. »

Forte demande

Selon l’Association de l’aluminium du Canada, la demande mondiale devrait augmenter de 80 % d’ici à 2050. Il faudra donc produire autant d’aluminium au cours de la prochaine décennie qu’au cours des 100 dernières années.

Pour Alu MC3, PME spécialisée dans la fabrication de structures d’aluminium destinées à l’éclairage, à la signalisation et à d’autres usages d’infrastructure, le Québec aurait tout avantage à faire « le plus de transformation possible ».

« Comme manufacturier, c’est navrant de devoir acheter des États-Unis de l’aluminium transformé là-bas, mais qui provient du Québec », déplore le président du conseil d’administration, Benoit Montgrain.

Ce dernier ajoute que l’électricité représente une partie importante du coût de l’aluminium. « La Chine est devenue en peu de temps le plus grand producteur au monde grâce à des centrales au charbon, qui détruisent l’environnement en plus des gaz à effet de serre générés. »

Innovation 100 % québécoise

En dépit de cette réalité, des entreprises d’ici s’engagent pour changer les choses. C’est le cas notamment de Ferreol, une petite entreprise de seulement six employés dans la région de Québec. Les trois cofondateurs, qui se sont rencontrés au baccalauréat en génie mécanique de l’Université Laval, conçoivent des skis québécois. Leur savoir-faire s’inscrit également dans une boucle d’économie circulaire.

Il y a un an et demi, Ferreol a démarré un projet de recherche à l’Université de Sherbrooke, en collaboration avec Rio Tinto et le Centre québécois de recherche et de développement de l’aluminium (CQRDA). « Il vise à développer des skis recyclables en fin de vie. Pour y arriver, il faut repenser la façon dont les skis sont conçus en valorisant l’aluminium sans compromettre la performance, la durabilité et l’aspect écoresponsable », explique Jonathan Audet.

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Ferreol met au point des skis qui valorisent l’aluminium sans compromettre la performance.

L’équipe réalise maintenant les premiers prototypes. « On a hâte à la neige pour les tester », lance-t-il. L’entreprise espère ainsi réduire l’empreinte carbone du sport et se poser en pionnier du ski durable.

La jeune pousse a aussi développé un nouvel alliage composé d’aluminium et de scandium – provenant de la revalorisation de résidus miniers de Rio Tinto à Sorel-Tracy –, appelé le Scalium. La demande de brevet a été déposée au printemps 2023. « Ça a tellement bien marché que ça a nécessité la création d’une nouvelle entreprise, Ferreol Technologies, pour commercialiser cet alliage aux autres manufacturiers de ski. »

Jonathan Audet remarque avec fierté que, selon plusieurs acteurs de l’industrie, il s’agit de l’un des matériaux les plus résistants, tous domaines confondus. « Ça ouvre la porte à plusieurs opportunités et applications. Notre impact positif sur l’environnement pourrait se décupler. »