Dévoilée au pire de la pandémie, une étude du Conseil du statut de la femme a révélé que les entreprises à propriété féminine étaient plus durement frappées par la crise que l’ensemble des entreprises. Par exemple, 31 % des entreprises détenues par des femmes n’ont pas pu maintenir leurs activités avec les mesures de distanciation physique, comparativement à 20 % pour l’ensemble. Aujourd’hui, la situation se rétablit lentement, mais les défis restent nombreux. Survol.

Selon Clémence Joly, analyste des politiques à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), la pandémie a frappé plus durement les PME dirigées par des femmes, notamment « parce qu’elles sont surreprésentées dans les secteurs d’activité qui ont subi les restrictions les plus strictes et les plus longues ». Elle cite les arts, l’hébergement et la restauration parmi les secteurs qui ont subi les baisses de revenus les plus fortes.

Anie Rouleau, fondatrice de The Unscented Company, fait partie des privilégiées qui ont pu tirer leur épingle du jeu pendant la pandémie. Ses produits nettoyants et corporels étant jugés essentiels, l’entreprise roulait à plein régime au plus fort de la crise. Coup de pouce du destin, la PDG présentait son entreprise à l’émission Dans l’œil du dragon en avril 2020, au moment où l’ensemble du Québec avait besoin de produits sanitaires. Selon elle, sa position lui a permis d’agir comme rempart pour ses fournisseurs, dont 84 % sont québécois : « On fait partie de la portion de l’échiquier qui a eu la chance de bien passer à travers la crise. »

Le fait de fabriquer du savon, alors que tout le monde devait se laver les mains, a permis à nos 14 employés de garder leur travail et à tous nos fournisseurs de rester ouverts.

Anie Rouleau, fondatrice de The Unscented Company

Défis persistants et disproportionnés

L’entrepreneure souligne toutefois qu’en général, les femmes propriétaires ont été frappées de façon disproportionnée et que les impacts sont toujours présents. Elle pense notamment au domaine des cosmétiques, une industrie de biens non essentiels dirigée en grande proportion par des femmes. Clémence Joly pointe de son côté vers le secteur des services, où sont concentrées 90 % des PME à propriété féminine, selon la FCEI.

Parmi les défis qui durent, Mme Joly mentionne l’endettement, la difficulté à générer des revenus normaux et les problèmes pour attirer et retenir les employés. Elle sonne aussi l’alarme à propos de politiques fiscales désavantageuses, uniques au Québec, qui pénalisent les PME de quelques secteurs, dont les services.

Les PME qui ne rémunèrent pas 5500 heures n’ont pas accès au taux d’imposition réduit. Elles sont imposées comme une multinationale, ce qui rend leur marge de manœuvre extrêmement limitée.

Clémence Joly, analyste des politiques à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

Des solutions ?

Pour l’analyste, il faut donner aux PME les moyens de se relever et de fonctionner dans un environnement équitable : « Les femmes ont toutes leur place en affaires. Le gouvernement doit les encourager à maintenir leurs activités. Il faut les accompagner en adoptant des réflexes politiques et fiscaux qui considèrent leur réalité. »

Anie Rouleau abonde dans le même sens et rappelle que le soutien aux femmes entrepreneures n’est pas une dépense, mais un investissement : « Une économie équilibrée entre hommes et femmes est une économie en santé. Ce n’est pas notre devoir, c’est notre intérêt. »