Tourbières Berger, de Saint-Modeste, près de Rivière-du-Loup, vend plus de 90 % de sa production hors Québec et 75 % à l’exportation. Fondée en 1963, l’entreprise familiale compte 814 employés, dont 384 au Québec, 235 au Nouveau-Brunswick, 118 au Manitoba, 74 aux États-Unis et 3 en Amérique latine. Ses principaux marchés sont les États-Unis, le Canada et le Mexique. Petit tour du proprio.

La marque est à peu près invisible pour le consommateur : « On est dans le commerce B2B (business to business) seulement », dit Marc Bourgoin, vice-président exécutif.

Avec ses huit usines de production au Canada et aux États-Unis, Berger expédie de la tourbe de sphaigne à haute valeur ajoutée dans près de 20 pays, où elle est utilisée par des producteurs horticoles et maraîchers. « La floriculture est notre vache à lait, mais on développe le marché des producteurs maraîchers en serre, dit Marc Bourgoin. Le marché de l’agriculture en environnement contrôlé est en pleine expansion. »

Au début, importée par les Américains

La production a toujours été expédiée à l’étranger, mais ce n’est pas Berger qui l’exportait, explique Claudin Berger, 72 ans, coprésident du conseil d’administration avec son frère Régis.

Au début, leurs « parents vendaient toute leur production à des New-Yorkais, qui la revendaient sous leur marque à eux ».

« Quand je suis revenu dans l’entreprise en 1980, on avait deux distributeurs américains qui achetaient toute notre production et qui la revendaient à des détaillants, comme Lowe’s et Walmart. Et c’était de la tourbe brute, non transformée. »

Les prix étaient décidés de l’autre côté de la frontière.

On nous livrait les sacs de plastique de ces marques, dans lesquels on ensachait la production durant l’été... et à l’automne, on négociait le prix ! Vous pouvez vous imaginer quel pouvoir de négociation on avait quand 90 % de ta récolte était déjà dans les sacs portant les marques des clients.

Claudin Berger, coprésident du conseil d’administration de Tourbières Berger

Vers 1983, Claudin Berger a décidé de lancer la marque Berger. « Mais je m’étais dit ça bien avant. Quand j’avais 16 ans et que je travaillais dans les tourbières – c’était avant la machinerie moderne, c’était avec nos mains, la poussière dans la face tout l’été –, j’avais vu les gens de New York, en vacances à Notre-Dame-du-Portage, qui étaient venus en auto nous regarder récolter ce qu’ils allaient revendre. Je m’étais dit : on pourrait la vendre nous-mêmes. »

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Berger compte 384 employés au Québec.

Expansion, transformation, exportation

Devenir maître chez soi et contourner les intermédiaires a permis aux Tourbières Berger d’engranger plus de profits, et d’améliorer la qualité du produit afin de prendre de l’expansion. « Aujourd’hui, la quasi-totalité de notre production est transformée, à valeur ajoutée », souligne Claudin Berger.

Berger a un laboratoire de recherche appliquée et ses serres lui permettent de recréer la température et l’humidité de clients opérant dans les conditions différentes, explique Marc Bourgoin. « Par exemple, deux serristes, un au Minnesota, l’autre en Floride, qui font pousser des poinsettias n’ont pas les mêmes conditions. »

Les agronomes, microbiologistes et spécialistes des sols de Berger peuvent ainsi développer des mélanges optimaux pour des marchés différents et même parfois du sur-mesure pour des clients spécifiques.

Berger a acquis des tourbières au Nouveau-Brunswick et au Manitoba, où des usines de traitement de la tourbe ou de mélanges à haute valeur ajoutée ont aussi été construites en plus de celles de Saint-Modeste et de Rivière-Pentecôte, sur la Côte-Nord. Berger a aussi une usine de mélanges à haute valeur ajoutée en Californie et une autre au Texas.

Équipe de logisticiens

Ces destinations multiples, à partir de huit points d’expédition, sont gérées par une équipe d’une douzaine de logisticiens qui passent leurs journées à organiser « des dizaines de milliers de voyages par année », par camion, par train et par bateau, dit Marc Bourgoin.

Claudin Berger se souvient-il du premier contrat d’exportation de Berger ? « Non, mais le plus mémorable s’est passé en 1987, quand on a percé le marché japonais. » Il y a eu un élément de chance, une amie de la famille qui parlait japonais et qui enseignait au Japon les a aidés à comprendre leurs interlocuteurs.

« Une fois rendus là-bas, après bien des tractations, on s’est retrouvés dans une salle de courtage pleine d’acheteurs, avec un grand tableau noir au mur, sur lequel s’inscrivaient des commandes, avec les prix à droite. Trente conteneurs, puis trente autres, puis d'autres encore…»

« Je me souviens de m’être dit : mais qu’est-ce qui est en train de m’arriver, là ? »

Berger a eu des clients plus distants encore, comme en Australie. Elle conserve ses clients japonais, mais avec les problèmes logistiques et le coût accru du transport, il faut faire des choix : « On essaie de concentrer nos exportations là où il y a une masse critique », dit Marc Bourgoin.