Pour une PME québécoise qui désire exporter ses biens ou services, commencer par les provinces et territoires du Canada plutôt que par les autres pays semble être le parcours logique à suivre. Pourtant, plusieurs obstacles peuvent rendre ce chemin ardu.

Anie Rouleau, fondatrice et propriétaire de l’entreprise montréalaise The Unscented Company, est chanceuse. Quand est venu le temps d’exporter ses produits corporels et ménagers au pays, peu d’obstacles ont parsemé sa route. « Le gouvernement valorise énormément le hors-Québec. Une petite entreprise comme la mienne a accès à du financement et à des subventions pour l’aider et faciliter les choses », révèle-t-elle.

Exporter ne se fait pas sans frais ni sans paperasse, mais l’entrepreneure n’a que de bons mots pour l’exportation interprovinciale.

La réglementation est la même, c’est plus facile pour voyager, on a la même devise… On est quand même de la même famille !

Anie Rouleau, fondatrice et propriétaire de l’entreprise montréalaise The Unscented Company

Ce conte de fées n’est cependant pas le même pour tous les entrepreneurs. En effet, certains secteurs d’activité se heurtent à des obstacles qui rendent l’exportation interprovinciale difficile, voire impossible. « En agriculture, c’est difficile parce que tu as les réglementations fédérales et provinciales. Pour les produits alcoolisés aussi c’est difficile, parce que toutes les réglementations provinciales sont différentes, en plus des monopoles dans les provinces », explique Jasmin Guénette, vice-président aux affaires nationales pour la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Jessica Harnois

La sommelière et entrepreneure Jessica Harnois corrobore ces informations. Non, ce n’est pas facile d’exporter sa gamme de vins Bù au Canada. « Il faut suivre un processus qui est propre à chaque province et plusieurs règles diffèrent. Il faut parfois embouteiller sur place ou directement dans le pays d’origine », explique-t-elle.

Si elle a réussi à franchir tous les obstacles pour la région Atlantique, il lui reste encore certaines provinces à conquérir. « En Ontario, les acheteurs de la LCBO peuvent avoir à faire un appel d’offres avant de lister un produit. On doit soumettre des échantillons en dégustation pour espérer être sélectionné. Même chose en Colombie-Britannique avec le BC Liquor Stores. C’est différent en Alberta parce que ce sont des indépendants, le gouvernement n’est pas impliqué. »

Vers une reconnaissance mutuelle

Malgré l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC) en juillet 2017, de nombreux obstacles nuisent encore au commerce interprovincial. Selon Jasmin Guénette, on devrait favoriser la croissance de notre commerce intérieur en adoptant une politique de reconnaissance mutuelle. « Si un produit est sécuritaire pour être vendu dans une province, ça devrait être possible de vendre ce produit-là dans les autres provinces du pays sans faire d’autres modifications au produit ou sans être soumis à d’autres règlementations », clame-t-il.

Cette politique de reconnaissance mutuelle permettrait à de nombreux producteurs de fromages, microbrasseries, microdistilleries et autres petites et moyennes entreprises du secteur agroalimentaire de distribuer plus facilement leurs produits partout au pays. Jasmin Guénette souligne que cette politique faciliterait aussi la mobilité de la main-d’œuvre parce que les diplômes et l’expérience seraient reconnus d’une province à l’autre. « Tout ce qui manque, c’est du leadership politique », affirme-t-il.