Pandémie, inflation, pénurie de main-d’œuvre, récession potentielle, incertitudes géopolitiques, perturbations dans la chaîne logistique : le contexte est complexe pour l’exportation. Les marchés extérieurs demeurent néanmoins porteurs pour les PME québécoises. Comment gèrent-elles l’incertitude ? Survol.

« C’est simple. En période difficile, certains voient des problèmes, d’autres voient des occasions. Nous, on pense que la situation est propice à mieux s’établir dans les marchés que l’on veut développer », dit Guillaume Robert. Il est le directeur général de RM Stator, fabricant de composants électriques pour véhicules de sport motorisés.

L’entreprise, établie à Coaticook, ne réalise que 20 % à 25 % de ses ventes au Canada. Elle tire la majorité de son chiffre d’affaires, soit 60 %, du marché américain, alors que le reste provient des marchés européen et australien.

Pour s’assurer de demeurer compétitif à l’étranger, RM Stator a dû revoir sa liste de prix au cours des derniers mois. Le problème n’était pas tant l’inflation que les coûts de livraison : avec les problèmes dans les chaînes logistiques et les prix du carburant qui ont explosé, entre autres, ceux-ci ont monté en flèche.

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Guillaume Robert, directeur général de RM Stator

« Il ne faut pas échapper nos prix, dit Guillaume Robert. Il faut maintenir nos marges. Mais on avait des produits à 20 $ dont la livraison nous coûtait 17 $, alors que l’on offre la livraison gratuite. On a donc majoré les prix de nos produits les moins chers. Il faut avoir le courage de prendre ces décisions-là. »

L’importance du marché américain

RM Stator fait de l’exportation aux États-Unis une de ses trois grandes priorités.

« On est surtout en vente directe. Mais ce faisant, on se coupe de 80 % du marché américain, sans parler qu’on commence à atteindre le maximum de parts de marché dans ce type de ventes. On veut donc maintenant entrer chez les grands distributeurs », explique Guillaume Robert.

Le cas de RM Stator n’est pas complètement différent de celui des autres PME de la province. Pour beaucoup d’entre elles, le marché américain demeure un marché de prédilection.

Car les États-Unis continuent d’attirer 70 % des exportations du Québec, note Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ). De 2016 à 2021, le montant total d’exportations est même passé de 57 à 70 milliards de dollars.

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Véronique Proulx

Les PME manufacturières demeurent assez captives du marché américain.

Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec

Et si la vigueur de l’économie de nos voisins du Sud a beaucoup aidé les exportateurs du Québec au cours des dernières années, cette dépendance représente aussi un risque. En Ontario, par exemple, le secteur automobile a subi un choc important résultant d’une baisse massive de ses exportations en raison de la pénurie de semi-conducteurs.

« Pour l’instant, on peut se réjouir, au Québec, puisque nos exportations aux États-Unis ont augmenté de 4,5 % entre 2017 et 2021, mais en Ontario, elles ont baissé de 0,6 % », relève Véronique Proulx.

Trois défis

De façon générale, Véronique Proulx constate que les PME exportatrices jonglent actuellement avec un trio d’enjeux.

Nos exportateurs doivent actuellement composer avec trois grands défis principaux : le risque géopolitique, la pénurie de main-d’œuvre et les perturbations dans les chaînes logistiques.

Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec

Le premier des trois est le risque géopolitique. La guerre en Ukraine, par exemple, affecte l’économie de l’Europe de l’Ouest, et les exportateurs ne peuvent pas se permettre de négliger ce risque.

« Avant, on ne pensait pas trop au risque géopolitique, dit Véronique Proulx. Mais aujourd’hui, on doit le comprendre et analyser ses ramifications dans le marché qu’on cible. »

Le deuxième défi est celui de la pénurie de main-d’œuvre. L’an dernier, celle-ci a coûté 18 milliards aux manufacturiers de la province, selon un sondage de MEQ.

« La raison de cette perte est que l’on refuse des clients et des contrats par manque de main-d’œuvre. Et c’est aussi vrai à l’international ! », explique Véronique Proulx.

« Si vous désirez exporter, demandez-vous donc d’abord si vous avez la capacité d’augmenter la production. Et sinon, pensez peut-être à investir en technologie, question de faire plus avec moins d’employés. »

Enfin, le troisième défi est celui des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement. La PDG souligne que les exportateurs n’ont, au bout du compte, pas énormément de contrôle sur les ruptures, mais explique qu’il importe malgré tout de comprendre les risques.

« On peut peut-être revoir nos points de distribution, ou nos fournisseurs, ou même produire sur place », dit-elle.