Les machines sont neuves, ont à peine entamé quelques tours et sont le signe d’une révolution dans le domaine de la transformation du maïs biologique. Première usine du genre au Canada, la Minoterie Calico à Saint-Paul, dans Lanaudière, a été construite au coût de 10 millions de dollars. Un pari audacieux, puisque l’entreprise n’a pour le moment aucun contrat avec des acheteurs potentiels. Explications.

L’aventure commence en 1985. Après quelques années à travailler en usine, Sylvain Raynault achète une ferme. Très rapidement, il délaisse la production laitière pour se concentrer sur les grandes cultures. La ferme Bonneterre prend de l’expansion à la suite de son association avec son frère Richard. Las de toujours faire la même chose et voyant une manière d’augmenter sa rentabilité, le producteur décide de convertir ses installations à la production biologique. Épeautre, légumes, haricots, soya trouvent facilement un marché avec des clients comme Bonduelle. Le maïs, lui, se vend à un prix dérisoire.

« Uniquement dans la région, nous sommes passés d’une culture de 1700 hectares en 2015 à 8000 hectares en 2022. Il y a un surplus de production et pas vraiment de transformation pour la consommation humaine, ce qui explique les faibles prix », explique l’homme d’affaires.

La naissance d’une idée

Ayant de bonnes relations avec la meunerie La Milanaise, Sylvain Raynault apprend que l’entreprise n’est pas équipée pour produire de la semoule de maïs biologique et que ses clients doivent s’approvisionner au Colorado.

« J’avais de la difficulté à écouler mon stock et eux en avaient besoin pour la farine dont on se sert pour la fabrication de plusieurs aliments, dont du pain et des pâtes sans gluten. Je me disais que si on construisait une usine, on allait avoir un acheteur. L’idée me trottait dans la tête, mais je n’avais pas le temps de m’en occuper », raconte l’entrepreneur.

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Sylvain Raynault, Richard Raynault et Malorie Aubé, de la Minoterie Calico

Déjà la relève

Loin d’abandonner le projet, mais voyant les années avancer, Sylvain Raynault envisage de confier ce nouveau projet à une relève non apparentée. Il fait la connaissance de l’agronome Malorie Aubé, qui accepte de relever le défi.

« Elle a étudié en Alberta et avait de la drive. On ne l’a pas laissée toute seule. Nous nous sommes entourés et avons eu recours à Inno-Centre, une firme de conseils d’affaires. On a fait une étude de marché. C’est elle qui s’occupe du développement du marché et de la gestion de tout ce qui concerne la minoterie. »

Une usine technologique

Construire la première usine de semoule de maïs et de farine biologique au Canada n’est pas une mince affaire, encore moins en pleine pandémie et en période de rareté de main-d’œuvre. Loin de se décourager, l’entrepreneur a retenu les services de Bühler, une entreprise suisse active dans l’industrie mécanique. « Ce sont les meilleurs constructeurs au monde dans ce domaine. Nous avons robotisé au maximum. Il va y avoir deux ou trois employés seulement pour les opérations, et l’usine peut fonctionner 24 heures sur 24. Grâce à des lunettes de réalité virtuelle, si un problème survient, un technicien en Suisse va pouvoir guider l’employé et offrir de l’assistance technique. »

Toute l’installation est sans poussière, puisque tous les résidus sont absorbés à la source et pourront être vendus comme sous-produit pour l’alimentation animale.

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L’usine de la Minoterie Calico

La création d’un nouveau marché

Sylvain Raynault est si certain que son usine va créer une demande qu’il a déjà prévu son agrandissement. « On peut produire des sacs de 20 à 1000 kg autant de semoule que de farine. Le potentiel par année est de 10 000 tonnes, mais on voit grand. Les locaux sont vastes parce qu’on envisage la réalisation de notre phase II. »

Le producteur ne craint pas non plus de manquer de matière première et est persuadé que les agriculteurs québécois seront aussi au rendez-vous pour assurer l’approvisionnement.