Le mois dernier, une jeune pharmaceutique américaine, Alexion, a annoncé l'achat de la discrète biotech québécoise Enobia pour un peu plus de 1 milliard de dollars. Ceux qui se demandaient si l'innovation universitaire québécoise pouvait se commercialiser et créer de la valeur ont là une spectaculaire réponse.

Enobia, typiquement, commence sa vie à l'université, l'Université de Montréal, dans ce cas. Le docteur Philippe Crine travaille sur une maladie génétique du système osseux et cherche les moyens de reminéraliser les os des victimes de cette maladie. Il bricole une enzyme susceptible de faire le travail.

En 2005 on crée Enobia, et sept ans plus tard la transaction miracle a lieu: Alexion allonge 1 milliard pour l'enzyme et tout savoir relatif à ses propriétés. On sable le champagne chez les investisseurs québécois d'Enobia, Capital de risque Desjardins, le Fonds CTI, T2C2 et le Fonds FTQ.

Cas trop rare

Nos méthodes de valorisation de la recherche universitaire et de sa commercialisation s'améliorent, le cas Enobia l'illustre.

«C'est vrai que ça change pour le mieux, mais très lentement», diagnostique Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec.

«Nous avons créé des sociétés de valorisation de la recherche universitaire il y a à peu près 10 ans, dit-il. Mais au départ, le gouvernement du Québec les a nourries au compte-gouttes. Aujourd'hui, on leur consent un budget de fonctionnement pour trois ou quatre ans et on réévalue ensuite. C'est un progrès, mais on n'en est pas encore à penser long terme.»

Prenons Univalor, la société de valorisation de la recherche de l'Université de Montréal. Elle est responsable de commercialiser, quand c'est possible et pertinent, les eurêka de 2000 chercheurs.

«Nous avons 370 projets actifs, un tiers en génie et les deux autres en sciences de la vie», évalue le PDG d'Univalor, Philippe Calais.

Avec un personnel de 17 personnes à nourrir, il dispose d'un budget (triennal, toujours) «de bien moins de 5 millions». Cet argent provient de ses trois commanditaires, l'UdeM, l'École polytechnique et le MDEIE.

Approche concentrée

À McGill, Didier Leconte, le patron de la société de valorisation de la recherche, ne dispose que de cinq analystes techniques de haut vol pour éplucher les 150 dossiers annuels soumis par l'université.

«Nous avons une approche concentrée, explique M. Leconte. Sur les 150 innovations présentées par McGill nous ne plaçons nos sous que dans 10 ou 12 par année, jusqu'à 150 000$ par projet.»

Les programmes fédéraux et provinciaux complètent le panier de pique-nique de l'innovation naissante. Avec le capital d'amorçage et un ange financier ou deux, cela fait une dot totale d'environ 1,2 million pour commencer, précise M. Leconte.

Paul Fortier, vice-recteur, recherche et création, à l'Université Laval, évalue à 2 millions les revenus de licence générés par les innovations de l'institution. «Mais ça nous coûte 1,8 million en frais de brevets uniquement.» Pas encore le Pérou...

«C'est notre jeune âge qui est notre principal problème, estime Philippe Calais. Nous ne sommes là que depuis 10 ans. Isis, l'institution de valorisation des innovations de chercheurs d'Oxford, a 30 ans et la notoriété qui vient avec.»

Quelques Enobia plus tard, ça devrait être une autre histoire.