Jeudi dernier, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques soutenait que la solution à la crise du logement ne passait pas par la construction de logements par l’entreprise privée. Aujourd’hui, un groupe de droite affirme exactement le contraire.

« La construction de logements, peu importe la gamme, va être bénéfique pour l’ensemble de la société », affirme, dans un entretien, Gabriel Giguère, auteur d’une étude de l’Institut économique de Montréal (IEDM) sur les projets d’habitations bloqués ou entravés par l’administration Plante.

Le groupe de réflexion en faveur de l’économie de marché recense près de 25 000 logements qui n’ont pu être construits à Montréal depuis l’élection du parti Projet Montréal en 2017. « En empêchant la construction de dizaines de milliers d’unités, l’administration Plante contribue à rendre Montréal de moins en moins abordable », affirme Gabriel Giguère, dans un communiqué.

Ce nombre représente l’équivalent de près de 50 % de la totalité des mises en chantier dans la ville de Montréal de 2017 à 2021, lit-on dans la note de trois pages1.

La plupart des projets entravés ou bloqués ont défrayé les manchettes dans le passé : la tour 6 du Square-Children, Bridge-Bonaventure, l’Hippodrome et Pointe Nord à L’Île-des-Sœurs, par exemple.

L’étude de l’IEDM ne le dit pas, mais d’autres administrations municipales bloquent des projets d’habitations, même dans des zones desservies par le transport collectif ou TOD comme Pointe-Claire.

L’étude de l’IEDM va dans le sens d’un reportage de La Presse qui a exposé la situation en décembre 20222.

Dans ce reportage, l’administration défendait son bilan en faisant valoir que les mises en chantier ont été en augmentant avant 2023. Dernièrement, le comité exécutif a aussi créé une cellule facilitatrice afin d’accélérer le processus d’approbation de projets immobiliers.

Déplacements en cascade

Selon l’IEDM, la solution à la crise du logement et à son abordabilité passe par la construction de logements, peu importe le prix.

Pour soutenir ses dires, M. Giguère brandit une étude publiée en 2021 dans le Journal of Urban Economics qui estime que pour chaque tranche de 1000 nouveaux logements construits dans la catégorie haut de gamme, 450 unités se libèrent dans des quartiers où le revenu moyen est inférieur au revenu médian, dont 170 dans les quartiers où le revenu moyen se situe dans le dernier quintile. « Ces déplacements en cascade se font sentir relativement rapidement », précise M. Giguère.

Se basant sur l’étude savante qui a analysé la situation dans 12 villes américaines, l’IEDM estime que la construction de ces nouvelles unités présentement entravées ou annulées à Montréal aurait permis de libérer au moins 10 692 unités dans les quartiers populaires, dont 4039 unités dans les quartiers les plus défavorisés de Montréal.

L’idée que la construction de logement haut de gamme libère des logements moins chers ne fait pas consensus, notamment chez les élus. Le maire de Laval, Stéphane Boyer, a déjà dit dans le passé que construire des logements de 700 000 $ et plus ne règle rien parce que ce sont des logements abordables qui manquent dans le marché3.

« C’est un narratif qu’on entend au niveau municipal, reconnaît M. Giguère. Lorsqu’on regarde les données statistiques, ça ne tient pas la route. »

Dans la région montréalaise, les mises en chantier sont en baisse de 50 % après cinq mois en 2023 alors qu’elles sont en augmentation à Toronto et Vancouver, souligne le chercheur. Pourtant, toutes les régions sont aux prises avec des taux d’intérêt plus élevés et des pénuries de main-d’œuvre dans la construction.

1. Consultez la note produite par l’Institut économique de Montréal (IEDM) 2. Lisez l’article « Des chantiers sur pause malgré la pénurie » 3. Lisez l’article « Crise du logement : les maires refusent de porter le blâme »