(Montréal) Les maisons de chambre redeviennent de plus en plus populaires dans certaines villes canadiennes qui souhaitent régler le manque de logements abordables, mais des experts en dénoncent les pièges.

Par exemple : le vice-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Benoît Dorais, a annoncé mardi que la municipalité avait exercé son droit de péremption pour une centaine de maisons de chambre détenues par le secteur privé. La mesure lui permet d’obtenir la priorité d’achat si l’un de ces immeubles est mis en vente.

Il a indiqué que Montréal avait déjà procédé à l’achat de quatre de ces maisons et espère en acheter d’autres. « C’est la principale solution pour lutter contre l’itinérance, a-t-il déclaré. Habituellement, c’est la dernière chose qu’on peut s’offrir. C’est la dernière étape avant de se retrouver dans la rue. »

M. Dorais était présent à l’inauguration d’une nouvelle maison de chambre qui pourra accueillir 20 femmes vulnérables menacées de se retrouver à la rue. L’établissement, qui sera géré par l’organisme Chez Doris, comprend des chambres pour une personne bien décorées, des salles de bain privées et des salles communes comme des cuisines et des salons.

L’ancienne auberge a été achetée contre 2,5 millions. Le coût des rénovations s’est élevé à 5 millions. Elles ont été financées par les différents ordres de gouvernement et des donateurs privés.

Montréal n’est pas le seul endroit au Canada qui est séduit par ce type de logements.

La Ville de Vancouver a indiqué que le nombre de logements 1 pièce avait dégringolé de 23 % de 2019 à 2023. Cette baisse avait été compensée par le nombre l’achat de pensions et d’hôtels par le gouvernement et l’arrivée de logements subventionnés.

« Remplacer [les logements 1 pièce] par des unités autonomes est la priorité de la Ville de Vancouver, écrit-on dans un courriel. Néanmoins, en raison de l’actuelle crise des sans-abri et de la demande non satisfaite pour des logements abordables, nous continuerons à dépendre des logements 1 pièce comme dernier recours. »

Le conseil municipal de Toronto a adopté à la fin de 2022 un programme qui comprend la légalisation des maisons de chambres d’ici 2024. Un nouveau règlement entrera en vigueur en même temps pour établir des normes, des règles et des contrôles réglementaires, a souligné la Ville par courriel.

Jill Grant, professeure émérite en planification de l’Université Dalhousie, à Halifax, croit que l’importance accrue des maisons de chambre est une bonne chose. « On reconnaît enfin qu’une personne célibataire ayant de très faibles revenus n’a pas beaucoup d’options pour se loger », souligne-t-elle.

Elle rappelle que les maisons de chambres étaient populaires au début du XXe siècle, mais leur nombre a décliné après la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements favorisant la propriété immobilière.

Plusieurs de ces maisons sont passées sous le pic des démolisseurs dans les années 1980 et 1990, les propriétaires craignant devoir répondre à une réglementation plus sévère. Au cours des dernières années, la croissance de la valeur des maisons a incité les propriétaires à convertir leurs unités à des formes de logement plus lucratif, ajoute la Pre Grant.

Jino Distasio, un professeur de géographie urbaine à l’Université de Winnipeg, dit que les maisons de chambre ont toujours représenté « un problème » pour les gouvernements voulant établir un équilibre entre le besoin de logements abordables et les piètres conditions de vie dans lesquelles ces locataires vivent.

Il mentionne que les maisons de chambre sont souvent situées dans de vieux immeubles. Les locataires ne sont pas toujours protégés par un bail. Plusieurs existent de façon illicite, c’est-à-dire qu’ils sont à l’abri d’une inspection. Elles peuvent être surpeuplées, ce qui peut provoque une grande violence.

« On peut constater souvent que des maisons de chambre existent sans respecter les normes de base du code des bâtiments. Et, on le sait, cette peut provoquer des incendies et autres problèmes », dit le Pr Distasio,