Un élève de 19 ans a décidé d’écouter les stars de la finance en commençant le plus tôt possible à placer son argent gagné au salaire minimum. Maintenant il veut savoir comment atteindre l’indépendance financière à 50 ans.

La situation

À l’âge où plusieurs ont une image floue de leur avenir, Samuel* a un plan et a déjà commencé à le mettre en œuvre.

« Ça m’a toujours fasciné de voir quelqu’un indépendant financièrement à un jeune âge. Je me dis : il a compris quelque chose que moi, je n’ai pas compris. Pourquoi ça ne pourrait pas être moi ? », raconte-t-il au téléphone avec beaucoup d’enthousiasme.

Depuis qu’il a commencé à travailler à l’âge de 16 ans, il ne garde que 150 $ dans son compte de banque pour ses dépenses. Lorsqu’il reçoit sa paie toutes les deux semaines, il renfloue le compte jusqu’à ce maximum de 150 $. Le reste est investi.

« Je trouve ça dommage de voir des étudiants aller travailler pour pouvoir dépenser. Moi, je travaille pour mettre une partie de l’argent dans des placements et faire de l’argent avec mes économies », explique-t-il.

En trois ans, il a déjà réussi à mettre 20 000 $ de côté.

Comment réussit-il à économiser autant ? Il n’a pas d’auto, ne vapote pas, se déplace à vélo ou en marchant quand c’est possible et habite chez ses parents. Il préfère aussi faire la fête entre amis avec une caisse de bières achetée au dépanneur plutôt que d’aller dans un bar.

« J’achète des choses seulement quand j’ai accumulé l’argent nécessaire et je fais des choix intelligents, explique le jeune homme.

« Par exemple, je viens de m’acheter un vélo usagé à 90 $ plutôt que d’en prendre un neuf à 300 $, poursuit-il. Comme je suis un gamer, l’an dernier je me suis procuré une tour d’ordinateur à 1600 $. Mais au lieu de rentrer au magasin et de tout acheter l’équipement neuf pour aller avec la tour, j’ai récupéré une chaise de gamer usagée et j’ai acheté un écran de seconde main d’un ami de mon père. »

Souffre-t-il de ne pas porter les populaires souliers Air Jordan à 400 $ ? « Non, répond-il sans hésiter. Je ne sais pas si ça vient de mon éducation ou si c’est dans ma personnalité. Je suis économe, raisonnable, et c’est naturel. »

Samuel commencera en septembre une technique en services financiers et d’assurances. Il s’estime choyé de vivre encore chez ses parents et de n’avoir aucun paiement sur une base régulière. « C’est pourquoi je fais mieux d’en profiter maintenant et de placer le plus d’argent possible, le jeu en vaudra assurément la chandelle. »

Après ses études, il prévoit vivre à Montréal et ensuite retourner en banlieue pour acheter une maison. « Quand je vais avoir une copine, travailler à temps plein et avoir des enfants, je veux une maison, c’est dans mes plans. »

Mais son projet principal consiste à s’offrir la retraite le plus tôt possible dans sa vie à partir de placements et d’investissements à long terme, résume le jeune homme.

« J’aimerais placer dans les meilleures années de 5000 $ à 6000 $ et dans les pires, de 2000 $ à 3000 $, donc une moyenne de 4000 $ chaque année. Je veux continuer à placer de l’argent chaque année pour les 30 ans à venir, ce qui va m’amener à mes 50 ans. »

Pourra-t-il atteindre son but ?

Les chiffres

Samuel*, 19 ans

Salaire : 15,85 $/h
Par semaine l’été : de 396 $ à 475 $ (25-30 heures)
Par semaine durant l’année scolaire : de 158 $ à 237 $ (10-15 heures)

Dépenses maximales par semaine : 75 $

CELI : 16 500 $ investis dans un fonds d’actions/valeur actuelle : 18 285 $

Placements non enregistrés : 3500 $ dans un CPG 1 an à 4,5 %

L’analyse

Antoine Chaume-Legault, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Gestion de capital Assante ltée Équipe Major, est impressionné par la rigueur et l’ambition de Samuel.

« En continuant dans cette direction, il va s’offrir une indépendance financière très tôt. Toutes mes félicitations. »

Si, en travaillant au salaire minimum, Samuel a déjà réussi à mettre de l’argent de côté, c’est de bon augure pour l’avenir quand il aura son diplôme et un poste bien rémunéré.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Antoine Chaume-Legault, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Gestion de capital Assante ltée Équipe Major

Quand on vise une indépendance financière jeune, le plus important est de contrôler son niveau de vie, de ne pas tomber dans le luxe trop rapidement ou même de ne pas tomber dans le luxe du tout.

Antoine Chaume-Legault, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Ltée Équipe Major

Pour atteindre cette indépendance financière, les premières années sont cruciales, rappelle-t-il.

« La 8e merveille du monde, c’est l’intérêt composé, a dit Albert Einstein. C’est ce que ce jeune homme devra garder en tête. »

Le fait d’avoir de la rigueur dans ses premières années de travail aura un impact considérable sur l’avenir. Ses 10 premières années de travail représenteront plus de 50 % de sa caisse de retraite future, explique le spécialiste.

Comment faire un plan pour les 75 prochaines années ? Comme on ne sait pas si l’élève aura un jour un poste avec un fonds de retraite d’employeur, le planificateur prend en compte seulement les données disponibles, soit les 4000 $ par année que Samuel est sûr de pouvoir épargner.

En plaçant 4000 $ jusqu’à 50 ans avec un taux de rendement de 7 %, Samuel aura dans 30 ans un portefeuille de près de 600 000 $. Une belle somme, mais qui lui permettra de financer un coût de vie de 61 000 $ par année seulement jusqu’à ses 68 ans, ce qui équivaut environ à 30 000 $ net en date d’aujourd’hui. Il faut comprendre que les premières années de l’arrêt de travail sont les plus importantes. Si nous devons piger dans le capital dès lors, c’est presque un échec assuré pour supporter les sorties de fonds des 45 années à venir.

Cependant, s’il travaillait à temps partiel de 50 à 60 ans avec un salaire annuel de 30 000 $, Samuel aurait assez d’argent jusqu’à 95 ans, indique Antoine Chaume-Legault.

Considérant le type de personnalité de Samuel, les 4000 $ d’économie par année pourront facilement être augmentés à 9000 $ à partir de 40 ans. Pourra-t-il arrêter de travailler à 50 ans ? Selon les estimations du planificateur, cette solution l’amènerait jusqu’à 80 ans.

Voici donc la recette proposée pour être indépendant financièrement jusqu’à 95 ans avec un coût de vie annuel équivalent à 30 000 $ net aujourd’hui (61 000 $ en dollars de 2056) : 4000 $ d’épargne chaque année jusqu’à 40 ans, ensuite 9000 $ jusqu’à 50 ans et enfin deux années de revenus annuels de 30 000 $.

Le but est atteint à 52 ans.

Pour faire ses projections, Antoine Chaume-Legault explique qu’il utilise 7 % de rendement jusqu’à la retraite pour ensuite réduire à 5 %.

« De façon générale, quand on fait des plans financiers, on utilise des taux de rendement de 4 ou 5 %. Dans le cas d’un jeune qui a un long horizon d’investissement, on peut prendre un rendement de 7 %. Plus tu es jeune, plus tu devrais en théorie accepter du risque dans ton portefeuille.

« Je lui conseille de placer régulièrement ses épargnes dans des fonds indiciels et de les oublier. Le temps va faire son travail. »

Outre son portefeuille d’investissement axé sur la croissance du capital à long terme, Samuel pourrait diversifier ses actifs en investissant dans un fonds de placement immobilier (FPI), en immobilier locatif directement, dans des actions qui génèrent des dividendes et dans une ou des sociétés privées.

Régler les évidences

Samuel doit aussi protéger son plus gros actif, son cerveau, qui lui permettra de travailler pour les 30 prochaines années, indique le spécialiste.

Aussi longtemps qu’il a de petits revenus, il doit maximiser le compte d’épargne libre d’impôt (CELI) en premier. « Ses revenus sont trop faibles pour prendre les déductions fiscales du CELIAPP [compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété] et on cotise à son REER [régime enregistré d’épargne-retraite] quand on pense que nos revenus actuels sont plus élevés que nos revenus futurs. » Il pourrait cependant déjà cotiser à ces régimes fiscalement avantageux, mais en reportant les déductions fiscales à plus tard.

« L’achat d’une première propriété n’est plus un gage de réussite financière, loin de là », tient à souligner le planificateur.

« Avec les taux d’intérêt élevés, les coûts d’entretien, le coût d’opportunité de la mise de fonds non investie, les taxes et assurances qui augmentent, c’est faux maintenant de dire qu’être locataire, c’est jeter son l’argent par les fenêtres, soutient-il. Être locataire et discipliné dans son épargne rapporte plus que de posséder son condo ou sa maison. »

Samuel devra réviser évidemment son plan lorsqu’il aura des obligations financières et des enfants, rappelle le planificateur, mais ce premier plan lui donne une idée du parcours possible pour atteindre son but.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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