Dans cette rubrique, notre journaliste se livre à une inspection en profondeur d’un investissement potentiel.

Le prix de l’or est sous pression depuis le début de mai. L’investisseur qui a la conviction que le cours va remonter plus tôt que tard considérera le présent comme un bon point d’entrée. Examinons le cas de la société d’exploration Marathon Gold.

Marathon (MOZ, à Toronto, 0,81 $) est une société d’exploration de Toronto qui construit actuellement la mine d’or Valentine dans le centre de Terre-Neuve. Des travaux d’exploration se poursuivent également dans un rayon de 30 km de la future mine.

Selon l’étude de faisabilité mise à jour en décembre 2022, la mine aurait une production annuelle de 179 000 onces à un coût tout inclus de 1046 US $ l’once. La teneur moyenne est estimée à 1,62 g par tonne, une teneur intéressante pour une mine à ciel ouvert. La durée de vie de la mine s’étend sur 14,3 ans. La première coulée est prévue au premier trimestre 2025.

Les réserves minérales sont estimées à 2,7 millions d’onces et les ressources minérales à 3,96 millions d’onces. Les ressources minérales présumées supplémentaires s’élèvent à 1,1 million. Les réserves minérales sont les quantités du gisement jugées économiquement exploitables à l’heure actuelle.

Valeur appréciable

Selon cette même étude de décembre, Valentine a une valeur actuelle nette (VAN) après impôt de 648 millions à un prix moyen de 1700 $ US l’once et à un taux d’actualisation de 5 %. Le métal se vend environ 1915 $ US ces jours-ci. Le délai de recouvrement de l’investissement est estimé à 2,8 ans. Le taux de rendement interne du projet revient à 22 %.

D’après François Riverin, journaliste spécialisé dans les mines, aujourd’hui à la retraite, il y a de la matière à aimer dans Valentine. La production annuelle va générer des revenus annuels supérieurs à 300 millions US et des fonds nets de trésorerie (free cash flows) de 121 millions par an. La durée de la mine de 14 ans sert de coussin en cas d’éventuelles mauvaises années causées par un prix du métal précieux momentanément déprimé ou encore par des problèmes opérationnels ponctuels.

En revanche, le taux de décapage est élevé à 10 pour 1, trouve-t-il. Ce qui veut dire qu’il faut sortir 10 tonnes de roches stériles pour tomber sur une tonne de minerai. Un taux élevé augmente le risque lié à l’exploitation, souligne M. Riverin.

De son côté, Fred Hickey, auteur de la lettre financière The High-Tech Strategist, met l’accent sur le cours actuel de l’action de Marathon, qui se vend à escompte par rapport à sa VAN, environ 0,30 $ dans le dollar, selon les calculs de Valeurs mobilières Desjardins (VMD) publiés le 19 juin.

Le projet Valentine de Marathon est viable à ce stade et semble très bon marché.

Fred Hickey, dans sa lettre financière de mai dernier

Dans le cas de Marathon, le marché paie actuellement pour ses réserves et ses ressources moins de 50 % de ce qu’il a payé plus tôt dans l’année quand B2Gold a fait l’acquisition pour 1,1 milliard de la junior Sabina, qui a un profil semblable à celui de Marathon.

Au cours des 12 derniers mois, l’action de Marathon a varié entre 0,69 $ et 2,18 $.

M. Hickey, qui a assisté à une présentation du président et chef de la direction Matt Manson (ex-Stornoway) au Forum européen de l’or en avril dernier, souligne que la construction de la mine terre-neuvienne va bon train et qu’elle respecte le budget. En parallèle, le financement a pratiquement été trouvé dans son entièreté, ce qui limite les risques de dilution de l’avoir des actionnaires.

L’investissement requis pour construire la mine est de 467 millions. À la fin du premier trimestre, 64 millions avaient été dépensés. À cette date, le projet était complété à 27 % et la construction à 9 %, dans le respect de l’échéancier et du budget.

Le financement de la mine consiste en un prêt de 225 millions et une encaisse de 130 millions. Le solde est financé par une nouvelle redevance consentie à Franco-Nevada de 1,5 % des revenus futurs en échange de 45 millions US ou près de 60 millions canadiens. Franco détenait déjà une première redevance de 1,5 %. Franco achète aussi 6,5 millions d’actions de Marathon à un prix de 1,0488 $.

Difficultés d’exploitation

Construire puis exploiter une mine représente une tâche titanesque. Les mauvaises surprises sont légion. Du temps qu’il était à la tête de la société diamantifère Stornoway, Matt Manson a livré la mine dans les délais et les budgets. Les difficultés sont survenues à l’étape de l’exploitation. Marathon n’est pas à l’abri d’une telle déconvenue.

Un exemple : la route forestière qui mène au projet Valentine s’est avérée impraticable pendant six semaines lors du dégel printanier, obligeant l’exploitant à faire voyager ses employés en hélicoptère.

Qui plus est, l’analyste John Sclodnick, de VMD, prévoit que terminer la mine nécessitera un investissement additionnel de 40 millions, ce qui porterait l’investissement total à 507 millions plutôt qu’à 467 millions. VMD anticipe une émission d’actions d’une valeur de 70 millions à venir, sans tenir des nouvelles actions de Franco.

Au même prix d’émission que les plus récentes actions acquises par Franco-Nevada, soit 1,0488 $, l’émission ajouterait 60,16 millions d’actions au capital, lequel passerait à 462,46 millions d’actions émises.

La VAN par action de Marathon se fixerait alors à 1,38 $, pour un rendement potentiel de plus de 65 % par rapport au prix des derniers jours. À un prix de l’or de 1800 $ US, la VAN par action passerait à 1,67 $. D’ailleurs, 7 analystes suivant le titre ont un cours cible variant entre 1,50 et 1,75 $. Seuls VMD (2,25 $ par action) et Canaccord (3,50 $) ont un prix cible plus élevé.

Un scénario plus conservateur qui calcule la VAN par action en prenant comme dénominateur le total des actions plus les bons de souscription (warrants) et les options émises arriverait à une VAN par action de 1,10 $ à un prix de l’or de 1700 $ US, soit une plus-value de 36 % par rapport au cours récent de Marathon.

Le jeu en vaut-il la chandelle ? Il en revient à l’investisseur de prendre la décision en fonction de ses objectifs de placement et de sa tolérance au risque. Il vaut toujours mieux consulter son conseiller financier avant d’investir.