Les conjoints Louis*, 32 ans, et Amélie*, 27 ans, projettent l’acquisition de leur première propriété après plusieurs années comme locataires.

La situation

« Nous économisons depuis quelques années pour acheter une propriété, indique Louis en discussion avec La Presse. Nous sommes ambivalents entre acheter notre première propriété à notre goût en 2024, malgré les taux hypothécaires et les prix élevés, ou demeurer en logement locatif pour un ou deux ans, en attendant les baisses de taux d’intérêt tout en cotisant davantage à nos comptes d’épargne enregistrés [REER et CELI] dont l’actif pourrait servir de mise de fonds. »

Louis et Amélie anticipent le coût d’achat d’une première propriété « à leur goût » aux alentours de 500 000 $.

Ils ont déjà obtenu une préqualification d’emprunt hypothécaire à hauteur de 400 000 $. Ce prêt s’ajoutera à la mise de fonds prévue d’un minimum de 100 000 $ pour éviter les surcoûts de l’assurance prêt hypothécaire.

Quant à l’impact budgétaire de leur projet de première propriété, Louis et Amélie prévoient que leurs coûts résidentiels totaux pourraient s’élever aux environs de 38 000 $ par année, soit 18 000 $ de plus que leur budget courant de locataires.

Aussi, parce que leur prochain lieu de résidence serait plus éloigné de leurs lieux de travail, Louis et Amélie anticipent l’ajout de 10 000 $ à leur budget annuel de transport.

En fin de compte, leur projet de transition de locataires à propriétaires pourrait rehausser leur budget total de train de vie aux environs de 94 000 $ par année, par rapport à leur budget courant aux environs de 66 000 $.

Avec leurs revenus d’emploi totalisant quelque 145 000 $, et des habitudes d’épargne qui leur ont permis d’accumuler quelque 236 000 $ dans leurs REER et CELI personnels, Louis et Amélie estiment avoir les moyens d’une première propriété et d’une majoration conséquente de leur train de vie.

Ils cherchent conseil afin de valider la préparation financière de ce projet de première propriété, ainsi que son impact sur leur planification financière personnelle à long terme.

Aussi, ils s’interrogent sur le moment opportun pour réaliser leur projet : dès cette année malgré les taux d’intérêt et les prix élevés, ou attendre une éventuelle baisse des taux et des prix des propriétés tout en continuant d’accumuler de l’épargne pour leur mise de fonds.

La situation de Louis et d’Amélie a été soumise pour analyse-conseil à Daniel Lanteigne, qui est planificateur financier et associé principal au cabinet de services financiers Groupe Mirador, établi à Québec.

Les chiffres

Louis*, 32 ans

– revenus d’entrepreneur : 85 000 $

Actifs financiers :

– en REER : 42 000 $
– en CELI : 91 000 $
– dans un compte de placement non enregistré : 15 000 $
– en avoir d’actionnaire de PME personnelle : env. 317 000 $

Passif :

– solde de prêt-auto : 25 000 $

Amélie*, 27 ans

– revenu d’emploi : 60 000 $

Actifs financiers :

– en REER : 22 000 $
– en CELI : 66 000 $

Budget commun :

Revenus bruts : 145 000 $
Débours de train de vie : 66 000 $ par année
(20 000 $ liés au logement, 46 000 $ liés au style de vie)

Les conseils

D’entrée de jeu, Daniel Lanteigne constate que les conjoints Louis et Amélie démontrent « une aptitude et une capacité de se fixer des objectifs financiers et de les atteindre ».

Louis et Amélie doivent tenir compte du fait que leurs coûts totaux de logement auront un impact croissant sur l’évolution de leur situation financière à long terme.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Daniel Lanteigne, qui est planificateur financier et associé principal au cabinet de services financiers Groupe Mirador

Cela dit, pour la bonne suite de leur projet de première propriété, Daniel Lanteigne les met en garde contre deux éléments qui, parfois, embrouillent le processus décisionnel des premiers acheteurs.

En premier lieu, des motifs de décision comme l’attente d’une baisse des taux d’intérêt ou d’une baisse des prix de l’immobilier résidentiel « relèvent de la conjoncture économique et ne peuvent pas être facilement anticipés », indique M. Lanteigne.

Concernant une baisse des taux, « on peut penser qu’une fois l’inflation contenue, les taux d’intérêt redescendront. Or, il est très possible que la Banque du Canada décide de se conserver un coussin [de taux d’intérêt relevés] afin de pouvoir agir au besoin pour redresser des conditions économiques difficiles », signale Daniel Lanteigne.

Quant à l’éventualité d’une baisse des prix de l’immobilier, « le jeu de l’offre et de la demande continue de battre son plein. Les prix demandés par les vendeurs ne baisseront pas tant que la demande des acheteurs demeurera soutenue », estime M. Lanteigne.

Il conseille aussi à Louis et à Amélie de ne pas se laisser influencer par les pressions sociales pour l’achat d’une première propriété parmi les couples de leur âge, au détriment des « réalités financières » d’un tel projet.

« Louis et Amélie l’entendent sans doute souvent : “Tous les couples de notre âge achètent une maison. Pourquoi pas nous ?” Ou encore : “Payer un loyer, c’est payer l’hypothèque de quelqu’un d’autre” », signale Daniel Lanteigne.

De telles réflexions ne tiennent souvent pas compte du fait que de nombreux premiers acheteurs doivent obtenir un endossement financier ou des fonds de leurs proches afin de pouvoir se qualifier pour un premier emprunt hypothécaire.

On commet aussi l’erreur, indique M. Lanteigne, de comparer le montant de loyer payé et le montant des seuls futurs paiements hypothécaires « sans tenir compte des coûts d’intérêt et des autres coûts de la propriété comme les droits de mutation, les taxes municipales et scolaire, les assurances, les frais d’entretien et de rénovations, etc. ».

D’où l’importance pour le couple de bien réfléchir à son projet en fonction de ses objectifs.

« Dans leur cas, je considère qu’ils n’ont pas à se presser dans leur projet. Un report d’ici cinq ans pourrait même leur être avantageux pour consolider la préparation financière », signale Daniel Lanteigne.

Il conseille entre-temps à Louis et à Amélie d’accorder une attention particulière à ces deux éléments :

– Ouvrir un CELIAPP (compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété) et maximiser les cotisations avec crédit d’impôt aux montants permis, c’est-à-dire 8000 $ par année ou 40 000 $ à vie pour chacun des conjoints.

« Le CELIAPP est un nouveau type de compte d’épargne enregistré qui allie les atouts du REER [épargne-retraite] et du CELI [épargne générale], rappelle Daniel Lanteigne.

« Le CELIAPP permet de faire fructifier des économies à l’abri de l’impôt, et les retraits ne sont pas imposables et sans obligation de remboursement subséquent. »

– Optimiser les cotisations en REER en fonction de leur allocation fiscale annuelle.

En procédant ainsi, rappelle Daniel Lanteigne, Louis et Amélie continuent de profiter des avantages fiscaux des cotisations REER sur leurs revenus imposables tout en augmentant leur actif dans lequel ils pourront puiser un RAP (régime d’accession à la propriété) en guise de mise de fonds pour leur première propriété résidentielle.

Selon les normes courantes, chaque conjoint d’un couple de premiers acheteurs peut retirer jusqu’à 35 000 $ de son REER personnel dans le cadre d’un RAP, ce qui peut totaliser 70 000 $ en mise de fonds pour l’achat conjoint d’une première propriété.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

Appel à tous

Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ?

Soumettez votre cas à notre équipe