L’immobilier a été un très bon type d’investissement dans les dernières décennies. Mais lorsqu’on avance en âge, il faut parfois se résoudre à vendre. Comment déterminer quel est le meilleur moment pour le faire ?

La situation

Nicole*, 77 ans, est propriétaire d’un duplex à Montréal. Elle a vécu longtemps à l’étage, mais depuis 2019, elle habite chez son conjoint qui est à l’aise financièrement. Il ne lui demande pas de loyer et ils partagent les dépenses courantes. Même si elle affirme avoir deux bons locataires, elle avance en âge et être propriétaire commence à lui peser. « Si une fenêtre ferme mal, ça me rend nerveuse, dit-elle. J’ai toujours peur qu’il arrive quelque chose, par exemple que la plomberie coule ou qu’on découvre un problème dans la fondation. »

Elle aimerait avoir une plus grande tranquillité d’esprit et une meilleure qualité de vie. « J’ai peu d’économies, parce que presque tout est investi dans mon duplex, précise-t-elle. J’aimerais pouvoir me servir de mon argent pour faire de gros voyages alors qu’il est encore temps. »

Elle envisage donc de vendre son duplex. Acheté en 1997 à 129 000 $, elle l’a fait évaluer en 2022 et il vaut 694 000 $ ! Elle se demande maintenant s’il serait plus rentable qu’elle le garde encore quelques années ou qu’elle le vende maintenant et qu’elle investisse l’argent obtenu dans un portefeuille.

Les chiffres

Nicole, 77 ans

Rente annuelle de son régime de retraite : 50 000 $

Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) : 45 000 $

Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 6000 $

Valeur du duplex : 694 000 $

Prêt hypothécaire : 55 000 $, terminé de payer dans quatre ans

Se poser la bonne question

Ce qui frappe Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers, dans l’histoire de Nicole, c’est qu’elle ne se pose pas la bonne question. Sans enfant, Nicole et son conjoint ont convenu qu’ils ne se lègueraient pas leurs propriétés. Sa succession irait donc principalement à son neveu et à sa nièce, qui sont déjà en bonne posture financière.

« Nicole ne devrait donc pas se demander ce qui est le plus profitable d’un point de vue financier, mais ce qui lui permettra le plus de profiter de la vie et lui donnera une meilleure tranquillité d’esprit », affirme-t-il.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers

Simon Préfontaine constate tout de même qu’en gardant le duplex, elle verrait une différence dans ses finances dans quatre ans, lorsqu’elle aura terminé de payer son hypothèque. « Mais, à 77 ans, chaque année en bonne santé est précieuse, souligne-t-il. Si elle veut faire de gros voyages, c’est maintenant qu’elle devrait le faire. Bien sûr, pour sortir son argent des murs du duplex, elle aurait différentes options, comme prendre un nouveau prêt hypothécaire, mais elle aurait encore les préoccupations d’être propriétaire. »

Il la met aussi en garde d’attendre trop tard et de se retrouver à devoir vendre rapidement parce qu’un problème de santé survient et qu’elle n’est plus en mesure de s’occuper de son immeuble.

Mettre la pancarte « À vendre »

Simon Préfontaine recommande donc à Nicole de vendre son duplex dès maintenant. Bien sûr, elle doit prévoir qu’elle aura de l’impôt à payer sur le gain en capital. « Mais ce n’est pas si pire dans son cas, puisqu’elle a habité jusqu’en 2019 dans l’immeuble », indique le planificateur financier.

Les gains en capital sont imposés à 50 %, mais seulement pour les parties du duplex où elle ne résidait pas. Puis, son revenu à la retraite n’est pas si élevé, alors son taux d’imposition ne grimpera pas trop.

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers

Il indique toutefois que si elle avait décidé de vendre son duplex au plus tard l’année où elle a atteint 71 ans, elle aurait pu investir une partie de ses profits dans son régime enregistré d’épargne-retraite (REER), puisqu’elle avait encore de l’espace disponible. Ainsi, elle aurait évité d’avoir l’entièreté de cette somme ajoutée sur ses revenus imposables en une année seulement.

« En restant très prudent, j’évalue qu’il lui restera tout de même plus d’un demi-million de dollars dans ses poches après avoir remboursé l’hypothèque, payé la commission à un courtier immobilier et l’impôt, ce qui est une somme importante qu’elle pourra utiliser pour profiter de la vie », affirme Simon Préfontaine.

C’est aussi une somme qu’elle pourra utiliser si jamais son amoureux et elle se quittent. « Avec sa pension et ce qu’elle obtiendra du duplex, elle pourrait facilement se reloger, précise-t-il. Elle peut aussi avoir la discussion avec son conjoint de ce qu’il arrivera si jamais il mourait avant elle. Si elle souhaite rester dans la maison, il pourrait par exemple mentionner dans son testament que Nicole peut y habiter aussi longtemps qu’elle le voudra et que seulement une fois qu’elle aura quitté, la succession mettra la main sur la maison. Parce que c’est difficile de déménager lorsqu’on est âgé. »

Trouver la bonne stratégie de décaissement

Lorsque Nicole aura réalisé la vente, elle aura une somme importante à investir. « C’est stressant pour bien des gens de se retrouver avec une grosse somme d’argent comme ça, alors je lui conseillerais d’abord de se magasiner un conseiller compétent avec qui elle sera à l’aise afin de discuter de son plan avant de vendre, indique Simon Préfontaine. Elle devra trouver une façon de gérer cet argent pour avoir toujours accès aux montants dont elle a besoin tout en étant à l’aise avec le niveau de risque et en faisant quand même le maximum de profit dans les circonstances », explique Simon Préfontaine.

Il pense par exemple aux comptes d’épargne à intérêt élevé et aux certificats de placement garanti (CPG) dont les taux ont bondi récemment.

« Ce sont de bonnes options si elle ne veut pas mettre son capital à risque, précise-t-il. Elle ne dépensera pas un demi-million de dollars dans une année, alors elle pourrait mettre par exemple ses économies pour la première année dans un compte d’épargne à intérêt élevé, puis investir ce dont elle a besoin pour les années suivantes dans des certificats de placement garanti (CPG) un an, deux ans, trois ans, etc. »

Il lui conseille aussi toujours d’évaluer ses besoins à la hausse pour ne pas être prise de court si jamais elle décidait de dépenser plus que prévu une année.

Pour réduire sa facture fiscale, le planificateur financier lui conseille de faire ces placements dans son compte d’épargne libre d’impôt (CELI) jusqu’à ce qu’elle l’ait maximisé. « En 2023, le montant maximum total des cotisations qu’on peut faire dans son CELI atteint 88 000 $ », précise-t-il.

Il souligne que d’autres options pourraient aussi être envisagées pour économiser de l’impôt sur les profits, comme les fonds en catégorie. « Mais elle devrait alors tolérer une part de risque : c’est donc à voir selon son profil d’investisseur. »

Enfin, Simon Préfontaine souligne que maximiser les profits de Nicole est loin d’être la priorité. « Si on dit qu’elle a 10 ans pour dépenser ce qu’elle collectera de la vente de son duplex, cela signifie qu’il faudrait qu’elle dépense plus de 50 000 $ de plus par année, illustre-t-il. On parle donc de vivre avec deux fois plus d’argent que ce qu’elle fait actuellement. Nicole a le beau problème de devoir apprendre à dépenser maintenant ce qu’elle a accumulé toute sa vie. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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