Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement, la psychologie des investisseurs, la prise de décisions financières. Ses textes sont repris ici le dimanche.

Les professionnels qui s’occupent de nos placements sont-ils capables de battre le marché ? Est-ce le temps d’acheter des CPG ? Est-ce une bonne idée de dire adieu à ses fonds communs après une baisse ? Ce sont les sujets de certaines des questions reçues par courriel cette semaine.

Commençons par Jonathan, qui n’est pas ravi de payer des frais annuels élevés sur ses placements. Il en a parlé avec son conseiller financier, qui a sorti le grand jeu en lui faisant miroiter des rendements excitants.

« Mon conseiller financier me dit que lorsque je paye environ 2 à 2,5 % de frais sur mes placements (ce qui inclut le conseil plus les frais dans chaque placement), s’il réussit à aller chercher 1 % de plus net de frais que l’indice, je suis gagnant. J’aimerais avoir votre opinion sur cette affirmation, surtout que vous parlez souvent de l’érosion des placements à cause des frais ! »

J’ai une question pour votre conseiller financier : si je réussis à aller chercher plus de buts qu’Alphonso Davies, est-ce que je vais jouer pour l’équipe du Canada à la prochaine Coupe du monde ? En d’autres mots, votre conseiller financier vous vend du rêve (pour ne pas dire autre chose). Si vous payez des frais de 2,5 % et qu’il veut battre le marché de 1 %, c’est donc dire qu’il doit faire 3,5 % de plus que le marché, et ce, de manière continue, année après année, pour bien vous servir.

La réalité, c’est que les pros ne parviennent généralement pas à battre ou même à égaler les rendements du marché.

Selon la plus récente analyse SPIVA Canada de la firme S&P Global, plus de 80 % des fonds communs de placement canadiens ont eu des rendements inférieurs à l’indice de leur catégorie sur un horizon de 3 ans, 5 ans et 10 ans. Pour les fonds qui investissent dans le marché américain, c’est pire : plus de 90 % ont moins bien fait sur ces trois périodes. Comme client, on nous présente souvent des fonds qui ont battu le marché ces dernières années en nous disant qu’ils sont de bons placements. Or, un fonds qui a bien fait dans le passé n’aura pas nécessairement de bonnes performances à l’avenir. Cela explique que, selon S&P Global, le taux de survie des fonds communs de placement au Canada sur 10 ans est de 47 % : plus de la moitié des fonds sont fermés, et leurs actifs liquidés ou fusionnés avec ceux d’autres fonds.

Consultez l’analyse de SPIVA Canada (en anglais)

Si votre conseiller financier n’est pas en mesure de placer votre argent dans un portefeuille équilibré et diversifié composé de fonds négociés en Bourse (FNB) indiciels à frais de gestion modiques, ramassez votre ballon et allez trouver quelqu’un qui pourra le faire.

Gilles a une question sur les obligations dans le portefeuille.

« Dans mon portefeuille de placements, je suis à l’aise de ne garder que 20 % en obligations pour l’instant. Je considère les FNB d’obligations, mais quand on peut avoir des CPG à 5 % pour 1, 3 et 5 ans, j’aurais plutôt tendance à privilégier ces derniers. Je pense donc diviser la somme en trois et la répartir sur chacune de ces échéances. Ça pourrait être une bonne stratégie ? Est-ce que je devrais considérer les FNB d’obligations ? »

Comme leur nom l’indique, les certificats de placement garanti (CPG) sont des placements sûrs qui nous promettent une somme déterminée lorsqu’ils arrivent à échéance. Ces dernières années, l’intérêt versé n’était pas très élevé, mais ça a changé avec la remontée des taux. La limitation des CPG, c’est que notre argent est indisponible jusqu’à l’échéance. Pour retrouver un peu de flexibilité, des investisseurs échelonnent les CPG pour qu’une partie de leur placement arrive à échéance chaque année. Ils peuvent ensuite utiliser l’argent, ou le réinvestir en achetant d’autres CPG à ce moment-là, mais ça demande une certaine vigilance pour ne pas laisser les choses traîner. Les FNB d’obligations, en revanche, sont hautement liquides et peuvent être vendus en quelques secondes. Les deux avenues que vous envisagez offrent une bonne protection pour la partie « stable » de votre portefeuille, le tout est de choisir celle qui vous convient le mieux.

Enfin, Nicolas est devant un dilemme : il veut commencer à gérer lui-même son portefeuille, mais, après des mois de chute boursière, il se demande si le moment est bien choisi pour faire la transition.

« Je voudrais placer mes économies dans deux FNB indiciels (actions et obligations) et les gérer moi-même, mais cela signifie vendre mon portefeuille actuel au moment où il est en baisse et manquer la remontée. Faire ce que vous expliquez implique nécessairement de contrevenir à une de vos règles : ne rien faire et laisser votre argent travailler. »

Que vous possédiez un panier d’actions ou des fonds communs de placement, votre portefeuille actuel est basé sur la gestion active. Comme je l’expliquais plus haut, la quasi-totalité des placements gérés activement fait moins bien que le marché dans son ensemble.

Donc, l’idée d’attendre que la valeur de votre portefeuille remonte peut être un mirage, puisque plusieurs actions et fonds communs d’action ne retrouveront jamais leurs sommets précédents.

Aussi, le marché est en baisse cette année (-18 % aux États-Unis, -6 % au Canada), alors vendre des actifs en baisse pour en acheter d’autres en baisse également n’est pas illogique, surtout s’ils sont détenus dans des comptes qui les protègent de l’impôt, comme un REER ou un CELI.

Un mot sur l’autogestion du portefeuille : vous paierez moins de frais, mais assurez-vous d’intégrer les bons comportements d’investisseur, comme ne pas vendre dans une tempête, paniquer en prévision d’une chute, etc. Sinon, vous ne feriez que remplacer un problème par un autre et nuiriez à votre rendement à long terme.

Aucun investisseur n’a de parcours parfait. L’idée est de bâtir le meilleur portefeuille possible dès qu’on peut, pour ensuite l’alimenter tout au long de notre carrière et ignorer les hausses et les baisses du marché.

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