Paul*, 50 ans, est un entrepreneur en services-conseils technologiques dont le revenu personnel et celui de sa femme permettent de soutenir un train de vie confortable avec leurs trois enfants au secondaire et à l’université. Mais, à une dizaine d’années de son projet de retraite, et de la possibilité de vendre son bloc d’actions de la PME qu’il dirige avec ses associés, Paul se préoccupe de l’absence d’actifs financiers autres que ces actions dans sa contribution au patrimoine familial.

La situation

Cet avoir en capital-actions est évalué à environ 3 millions de dollars. Mais il s’agit d’une évaluation sommaire dont la valeur réelle ne sera monnayable qu’à la revente de son bloc d’actions.

De leur côté, les comptes personnels de Paul en régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et en compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ont à peine 1600 $ en actifs. Paul dispose de 240 000 $ en valeur de droits de cotisation inutilisés !

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Un entrepreneur prépare sa retraite qu’il veut confortable pour lui et pour ses proches.

Les chiffres

Actifs financiers :

  • en régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 1500 $ (somme accumulée de cotisations inutilisées : 166 000 $)
  • en compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 0 (plein montant de 81 500 $ en droits de cotisation inutilisés)
  • en régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) : 23 500 $ (2 enfants de 12 et 16 ans)
  • en actions de PME de services-conseils : environ 3 millions (valeur estimée selon ses récents résultats et des transactions d’actions de PME comparables)

Actifs non financiers :

  • résidence principale : environ 670 000 $ (en copropriété à 50 % avec sa femme)

Passif :

  • solde de prêt hypothécaire résidentiel : 272 000 $ (détenu à 50 % avec sa femme)
  • solde de cartes de crédit personnelles : environ 3000 $

Revenu personnel :

  • d’emploi et de contrats : 135 000 $ (brut)

Principaux débours personnels :

  • liés à la résidence familiale : 36 000 $
  • liés au train de vie familial : 46 000 $
  • liés à la fiscalité personnelle : 43 000 $

Pour remédier à cette situation, Paul envisage de se prévaloir d’une marge de crédit hypothécaire sur la maison familiale, prévue jusqu’à 250 000 $ en fonds accessibles à un taux d’environ 4,5 %.

En procédant ainsi, Paul pense pouvoir optimiser ses avantages fiscaux liés aux cotisations de « rattrapage » en REER pendant ses années de plus haut revenu imposable.

« Est-ce un bon moyen de renflouer rapidement mon REER afin de bénéficier de “retours d’impôt” au maximum durant les quelques années de travail avant ma retraite ? Et ce, malgré les coûts d’intérêt plus élevés qu’auparavant sur une marge de crédit hypothécaire ? », demande Paul.

La situation de Paul a été soumise pour analyse-conseil à Daniel Lanteigne, planificateur financier et associé principal à la firme-conseil Reverber Stratégies financières, établie à Québec.

M. Lanteigne est aussi président sortant du conseil d’administration de l’Institut québécois de planification financière (IQPF).

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Un entrepreneur prépare sa retraite qu’il veut confortable pour lui et pour ses proches.

Les conseils

« La situation de Paul est semblable à celle de beaucoup d’entrepreneurs. Son indépendance financière en vue de la retraite se matérialisera à la vente de ses actions dans l’entreprise », constate d’emblée Daniel Lanteigne.

Dans ce contexte, il considère comme « très pertinente » la question de Paul sur la possibilité d’emprunter en marge de crédit hypothécaire pour renflouer son REER encore très dégarni, tout en optimisant les remboursements d’impôt de ses cotisations pendant ses années de plus haut taux d’imposition personnel.

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Daniel Lanteigne, planificateur financier, conseiller en sécurité financière et associé principal chez Reverber Stratégies financières (SFL Gestion de patrimoine) et ex-président du conseil d’administration de l’Institut québécois de planification financière 

« Le REER est l’un des derniers abris fiscaux pour les particuliers, et son attrait est indéniable, rappelle M. Lanteigne.

« Pour être rentable, la cotisation annuelle au REER doit procurer une possibilité de récupération d’impôt supérieure à l’impôt sur le revenu qui sera dû à son retrait, une fois à la retraite. »

Dans son analyse de la situation de Paul, Daniel Lanteigne estime qu’en fonction de son taux d’imposition actuel, il peut s’attendre à récupérer l’équivalent d’entre 41 % et 47 % des cotisations au REER de l’ordre de 20 000 $ à 40 000 $ par année.

« À première vue, ce serait vraiment très bien, admet M. Lanteigne.

« Mais il y aurait moyen pour Paul de faire encore mieux du point de vue fiscal s’il attendait pour effectuer ses cotisations en REER avec les liquidités provenant de l’éventuelle revente de ses actions de PME. »

Comment faire ?

Daniel Lanteigne rappelle qu’en tant qu’actionnaire-dirigeant d’une PME, Paul sera admissible à l’exemption fiscale sur le gain en capital pour la disposition d’actions de PME (ECGC, en jargon fiscal) jusqu’à un montant de l’ordre de 913 000 $, selon les critères en vigueur pour 2022.

« Dans l’hypothèse où Paul revend toutes ses actions de PME pour 3 millions de dollars lors d’une année où il s’agit de son seul revenu, il en résulterait un gain en capital de 3 millions dont la moitié, soit 1,5 million, serait alors du revenu imposable pour Paul, explique Daniel Lanteigne.

« Or, il pourrait en déduire l’équivalent de 50 % du montant d’exemption de 913 000 $ relatif à l’ECGR, soit environ 456 000 $. Cette déduction abaisserait son revenu imposable aux environs de 1,04 million, et son impôt à payer aux environs de 525 000 $, indique M Lanteigne.

« Ensuite, si Paul effectuait alors une “super-cotisation” de 160 000 $ à son REER, il pourrait en récupérer environ 85 000 $ en réduction d’impôt. En fin de compte, ça pourrait réduire aux environs de 440 000 $ l’impôt à payer sur le gain en capital provenant de la revente de ses actions de PME. »

Quant à la pertinence d’emprunter pour renflouer un REER, Daniel Lanteigne considère qu’il s’agirait d’une démarche mal avisée pour la plupart des particuliers, tant du point de vue financier que fiscal.

« Je ne recommande pas d’emprunter pour cotiser au REER parce que ça comporte des coûts et des risques financiers qui excèdent habituellement les avantages fiscaux à court terme », résume Daniel Lanteigne.

D’une part, explique-t-il, les coûts d’intérêt sur un prêt pour cotiser à un régime d’épargne enregistré (REER, CELI, REEE) ne sont pas admissibles à la déduction fiscale des frais d’emprunt pour investir à des fins de revenus.

De plus, emprunter pour effectuer des cotisations et des placements de « rattrapage » en comptes d’épargne ou d’investissement comporte un risque important de concentrer des achats d’actifs financiers à un mauvais moment dans les marchés.

« Parce qu’il est très difficile — sinon impossible pour les particuliers – d’anticiper les mouvements des marchés financiers, il est presque toujours préférable qu’ils s’en tiennent à des achats périodiques par des montants prédéterminés, indique Daniel Lanteigne.

« C’est ce qu’on désigne en planification financière comme la “méthode du coût moyen”, ce qui constitue une stratégie d’investissement mieux dosée et moins risquée pour un particulier. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique est réel, le prénom utilisé est fictif.

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