Après avoir perdu chacun un proche d’un cancer rare et foudroyant, Audrey*, 34 ans, et Sébastien*, 40 ans, ressentent une urgence de vivre et se demandent s’ils peuvent se permettre plus de folies dans leur vie.

La situation

Les deux professionnels de la fonction publique sont à la croisée des chemins, disent-ils. Audrey et Sébastien doivent faire des choix pour profiter de la vie avant qu’il ne soit trop tard.

« Disparue à l’âge de 59 ans, ma mère n’a pas réalisé ses rêves qu’elle reportait au moment de la retraite, qu’elle n’a jamais vécue », raconte Sébastien.

Audrey a traversé toute une épreuve en perdant son conjoint lorsqu’elle était enceinte.

Le couple forme aujourd’hui une famille reconstituée avec des enfants de 14 ans, 12 ans et 4 ans.

Au début de la pandémie, les conjoints ont entrepris un ambitieux projet d’autoconstruction. Avec la montée des prix des matériaux, la propriété a coûté plus cher que prévu. Pour qu’elle soit terminée à leur goût, elle nécessite un investissement supplémentaire de 25 000 $.

« Nous avons une très belle propriété qui a une très bonne valeur sur le marché. Mais d’un autre côté, nous avons l’impression de ne pas vivre pleinement notre vie et de nous restreindre constamment au quotidien », explique Audrey.

« Notre situation financière n’est pas précaire vu les sommes touchées en héritage et en assurance vie ainsi que par nos professions, poursuit-elle. Constamment rongés par la crainte de ne pas avoir assez de liquidités pour assurer notre rythme de vie, nous ne faisons pas de folies. »

Le couple songe à changer complètement de mode de vie en troquant la maison contre un condo afin de miser sur le divertissement : voyages, activités pour les enfants et restaurants.

« Selon les prévisions de notre planification financière, nous aurions les moyens de conserver la grosse maison et de nous offrir le divertissement souhaité, mais nous avons peine à y croire », relate Audrey.

Dans leur plan, Sébastien prend sa retraite à 54 ans lorsqu’il aura sa pleine pension et Audrey le suivra à 48 ans, même si elle n’a pas de régime de retraite. Le couple envisage de faire des contrats pendant quelques années.

« Nous sommes rendus à la croisée des chemins et nous ne savons plus dans quelle direction aller. Est-ce l’urgence de vivre à cause des expériences passées qui nous donne cette envie d’en profiter pleinement ? Ou est-ce l’influence de nos parents, qui ont épargné toute leur vie, qui fait en sorte que nous n’osons pas nous donner le droit de dépenser ? »

LES CHIFFRES

Audrey

Salaire : 80 000 $
Régime de retraite : aucun
RRQ estimé à 65 ans : 1006 $/mois
REER : 74 974 $
CELI : 108 104 $
Non enregistrés : 137 492 $ 

Sébastien

Salaire : 130 000 $
Rente de retraite : 78 300 $
RRQ estimé à 65 ans : 1461 $/mois
REER : 220 576 $
CELI : 105 922 $
Non enregistrés : 25 592 $
REEE : 86 262 $ 

Valeur de la maison : 1,7 million

Hypothèque : 590 000 $

Marge de crédit hypothécaire : 63 931 $

Coût de vie actuel : 140 000 $

Coût de vie espéré à la retraite : 100 000 $

Coût de vie augmenté avec les folies : 175 000 $

L’analyse

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Ltée Équipe Major, s’est penché sur les finances du couple et ses questionnements.

Avec leurs revenus annuels et les héritages qu’ils ont reçus, les conjoints sont dans une situation confortable pour leur âge. Mais ils sont devant un dilemme : la retraite anticipée ou la poursuite d’un style de vie onéreux.

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Ltée Équipe Major

Avoir une maison de plus de 1 million de dollars est un choix de style de vie, soulève le planificateur financier. Une telle résidence principale vient avec des frais d’entretien plus élevés qu’une propriété à 700 000 $. « Ce type de maison vient parfois aussi avec une pression sociale de mettre des fleurs devant la maison et des voitures luxueuses. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Ltée Équipe Major

Avant de réorganiser les finances du couple, Antoine Chaume tient à ce que les deux réfléchissent à leurs véritables rêves. « Ils doivent déterminer ce qui est vraiment important pour eux. Si c’est d’avoir la grosse maison et le statut qui vient avec elle, c’est certain qu’ils ne seront pas en mesure de prendre leur retraite à un âge où aucun Québécois ou presque n’est en mesure de la prendre. »

À moins évidemment d’augmenter leurs revenus de façon substantielle, précise-t-il. Or dans la fonction publique, si Sébastien a le bonheur d’avoir un bon régime de retraite, il n’a pas ce type d’augmentation.

Le scénario du statu quo

Le planificateur estime que la famille dépense actuellement 140 000 $ sans l’ajout de folies. Cependant, les revenus nets sont d’environ 130 000 $. Augmenter le coût de vie à 175 000 $ ou même à 150 000 $ afin de se permettre des extravagances conduirait le couple à la catastrophe financière, soutient-il.

« Garder la maison et arrêter complètement de travailler à 54 et à 48 ans avec un coût de vie annuel de 100 000 $, c’est un scénario impossible à réaliser. Il manque 1,6 million. À 68 ans et 74 ans, ils n’auront plus d’argent. »

Le scénario avec des contrats

Si Sébastien et Audrey ne vendent pas la maison, prennent leur retraite comme prévu en 2035, mais ajoutent des revenus annuels d’emploi à temps partiel de 125 000 $ pendant 10 ans, ils n’atteignent pas leur but non plus. Il manque encore 1 million, estime Antoine Chaume. À 78 et 85 ans, l’argent est épuisé.

Cependant, si les conjoints vendent la maison en 2035 au moment de prendre leur retraite, déjà on se rapproche du but. Un coût de vie de 100 000 $ serait possible, évalue le planificateur. La valeur de la propriété aura atteint environ 2,3 millions, car la croissance des prix de l’immobilier est en moyenne de 2,5 %, en temps normal, rappelle le planificateur. Le couple pourrait alors acheter un condo comptant et aurait de l’argent jusqu’à 96 ans.

Le scénario vente de la maison

« Ils sont dans le même schéma que la majorité des Québécois, soit que leur propriété vaut 50 % de leurs actifs nets, observe Antoine Chaume. Si ta stratégie financière est semblable à celle de tous les Québécois, tu auras le même résultat que la majorité des Québécois. Pour te démarquer et atteindre l’indépendance financière à 48 et 54 ans, tu dois faire des choix de style de vie différents de la majorité des gens. »

S’ils vendent leur maison immédiatement pour acheter un condo luxueux de 1 million en argent comptant, Audrey et Sébastien épargneront 10 000 $ par année en frais d’entretien et de taxes. Cette somme pourra servir à bonifier leur voyage et autres folies.

Ils pourront prendre leur retraite en 2035 en faisant des contrats pendant 10 ans qui ajouteront 125 000 $ de revenus par année.

Aussi, en épargnant 30 000 $ d’hypothèque annuellement, Audrey et Sébastien auront deux possibilités : investir les 30 000 $ pour assurer un coût de vie de 106 000 $ par année et arriver à 96 ans avec un surplus de 1,5 million.

Ou encore, bonifier leur coût de vie à 120 000 $ les 10 premières années pour ensuite le ramener à 100 000 $ et terminer leur vie à 96 ans en ayant épuisé tous leurs actifs.

Contrairement à la majorité des familles, le couple est suffisamment assuré pour ses besoins, observe le planificateur. Cependant, il passe à côté des subventions gouvernementales de 30 % pour les REEE qui ne sont pas maximisés, souligne Antoine Chaume.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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