Alors que la famille nucléaire est maintenant un modèle parmi tant d’autres, il faut s’assurer, lorsqu’on se remarie, que ses enfants ne seront pas oubliés dans l’héritage.

La situation

Lise* et Daniel* sont mariés depuis 2012. Elle a des enfants, lui non. Le couple possède des immeubles locatifs. Une grande question préoccupe Lise : « Comment rédiger mon testament pour léguer un héritage à mes enfants sans toutefois, si je meurs la première, priver Daniel des revenus des immeubles dont il aura besoin pour vivre à la retraite ? »

Chacun aura une rente du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) en plus d’économies dans le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) et le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), investies environ à 60 % en actions et à 40 % en revenus fixes. « Est-il réaliste de prendre notre retraite à la fin de l’année ? », demande Lise.

Elle se demande à quel moment les immeubles devront être vendus pour que le couple ait les fonds nécessaires pour assumer ses besoins à la retraite. Le couple pense retarder le plus possible la demande de ses rentes gouvernementales afin d’obtenir davantage d’argent mensuellement, et ce, jusqu’à la fin de ses jours.

Les chiffres

Daniel, 65 ans

Salaire annuel : 87 000 $
REER : 275 000 $
CELI : 64 000 $
Rente annuelle RREGOP : 23 000 $ si la retraite est prise à 65 ans, qui s’ajoutera à la rente du Régime de rentes du Québec (RRQ)

Lise, 60 ans

Salaire annuel : 87 000 $
REER : 158 000 $
CELI : 79 000 $
Rente annuelle RREGOP : 42 400 $ si la retraite est prise à 60 ans, qui sera ajustée à 31 800 $ après 65 ans avec la rente du RRQ

Immobilier détenu en parts égales

Valeur estimée de la résidence principale : 500 000 $
Prêt hypothécaire : 140 000 $
Valeur estimée du premier immeuble à revenus : 1 800 000 $ (payé 672 000 $)
Prêt hypothécaire : 652 000 $
Revenus annuels de location : 90 000 $
Dépenses annuelles, incluant le remboursement du prêt hypothécaire : 75 000 $
Valeur estimée du deuxième immeuble à revenus : 1 000 000 $ (payé 692 200 $)
Prêt hypothécaire : 436 000 $
Revenus annuels de location : 64 000 $
Dépenses annuelles, incluant le remboursement du prêt hypothécaire : 51 000 $
Coût de vie estimé à la retraite pour le couple : 75 000 $

L’analyse

Une retraite plus confortable qu’anticipé

En pensant au coût de vie du couple à la retraite, Lise a avancé un chiffre d’environ 75 000 $ par année. Mais elle se questionne à savoir si cela est réaliste avec les nombreuses variables à considérer : investissements à faire dans les immeubles, inflation, besoins en soins de santé, etc.

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers, a une bonne nouvelle pour le couple. Il a fait des prévisions selon les normes de l’Institut québécois de la planification financière (IQPF) avec un rendement de 5,1 % par année et il apparaît que le couple peut prendre sa retraite à la fin de 2022 et vivre avec 110 000 $ par année tout au long de sa vie sans devoir vendre ses immeubles.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers

« On est clairement devant un couple qui est inquiet financièrement alors qu’après avoir accumulé son argent toute sa vie, il est rendu à l’étape de le dépenser », indique-t-il.

Le planificateur financier précise en plus que son estimation des revenus des immeubles est extrêmement prudente et qu’il n’a pas considéré dans ses prévisions qu’un jour, les prêts hypothécaires de la maison et des immeubles seront remboursés, alors le couple pourrait avoir encore plus dans ses poches.

« Lise et Daniel pourraient donc augmenter leur train de vie de 46 %, ce qui est bien considérant qu’ils ne sont pas certains d’avoir évalué avec justesse leurs dépenses, précise-t-il. Ils ont donc suffisamment de surplus pour penser pouvoir prendre leur retraite sans s’inquiéter, tout en gardant leurs immeubles. »

Léguer la moitié des immeubles aux enfants

Lise peut donc envisager différents scénarios pour l’héritage de ses enfants sans s’inquiéter du confort de son mari à la retraite. Elle pourrait par exemple léguer sa part des deux immeubles à revenus à ses enfants. Cette avenue signifie toutefois qu’ils seront copropriétaires avec Daniel, donc qu’ils devront prendre les décisions relatives aux immeubles ensemble. « Pour que ce soit une option viable, il faut qu’ils aient une bonne relation », indique M. Préfontaine.

Mais Daniel pourrait vivre sans tracas financier avec cette option, évalue le planificateur.

« Tous les autres avoirs de Lise, donc 60 % de sa pension de la RREGOP, son REER, son CELI et sa moitié de la maison, iraient à Daniel, précise-t-il. Il pourrait ainsi vivre jusqu’à la fin de ses jours avec 90 000 $ par année, ce qui est encore plus que ce que Lise prévoit qu’ils auront besoin par année à deux. »

Lise devra toutefois préciser une chose importante dans son testament : « Elle doit dire qu’elle lègue sa moitié des immeubles à ses enfants et la facture fiscale qui y est associée, parce que sinon, elle ira à la succession, donc à Daniel », explique le planificateur financier.

Et la facture fiscale de ce legs risque d’être salée. « Cela dépend du gain en capital, imposé à 50 %, précise M. Préfontaine. Il est déjà de plus de 1,4 million au total et il faudra voir qu’elle sera la valeur des immeubles lors de l’année du décès. »

Pour éviter que ses enfants aient à payer la facture fiscale, le planificateur financier indique que Lise pourrait magasiner une police d’assurance vie si son état de santé le lui permet.

« Il y a des produits spécialisés pour des cas comme celui-ci, ajoute-t-il. Parce que si les enfants n’ont pas les liquidités pour payer cette facture fiscale, que feront-ils ? Ils pourraient devoir vendre l’immeuble, ou le réhypothéquer, mais pour cela, ils auraient besoin de l’accord de Daniel. »

D’autres solutions à envisager

Si Lise préfère de pas lier ainsi Daniel à ses enfants, il y a une panoplie d’autres solutions possibles. « Lise pourrait décider de tout léguer à Daniel, mais de prendre une grosse assurance vie, par exemple de 2 millions de dollars, avec ses enfants comme bénéficiaires, et payer cette police avec les revenus des immeubles, indique-t-il. Mais, encore là, elle doit avoir la santé pour que cela soit possible. »

Le couple pourrait aussi décider dans les prochaines années de vendre ses immeubles à revenus. « Ainsi, ils n’auraient plus à s’en occuper et Lise pourrait léguer le montant qu’elle veut à ses enfants, précise M. Préfontaine. Mais, à moins d’un grand changement dans leur situation, ils n’auront pas besoin de vendre pour subvenir à leurs besoins. Ils doivent plutôt trouver des façons de dépenser leur argent. »

Il leur conseille de consulter un planificateur financier pour faire une projection à la succession afin d’effectuer le meilleur choix en fonction des détails de leur situation et de leurs envies.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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