Ma fille entre au cégep, dois-je garder le REEE familial ? Et compte tenu de la pénurie de logements, peut-elle acheter un condo à 17 ans ?

Situation

La vie change lorsqu’on devient cégépien et, parfois, celle de la famille doit s’ajuster. C’est le cas de Léa*, 17 ans, qui devra quitter le nid familial. Sa mère, Karine*, a un régime enregistré d’épargne-études (REEE) familial pour ses trois enfants âgés de 10, 13 et 17 ans.

« Je me demandais si je pourrais faire des retraits du REEE pour ma fille tout en continuant à contribuer pour les deux autres enfants, écrit Karine par courriel. Quel sera l’impact sur les subventions ? Faudra-t-il séparer le REEE ? »

Le REEE familial s’élève actuellement à 41 000 $. Karine compte verser 2500 $ par enfant par année jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge de la fin des subventions.

Cette mère célibataire de 40 ans souhaite aussi être le plus équitable possible pour ses trois enfants. Comment devrait-elle gérer les retraits ?

Avec cette entrée au cégep, une autre préoccupation survient, celle de se loger.

Les logements locatifs étant rares, je me demandais s’il était possible et souhaitable qu’elle achète à 17 ans un condo, disons salubre, à 2 chambres, abordable, qu’on trouverait à proximité de la ligne de métro verte dans Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Elle pourrait louer la deuxième chambre.

Karine

« Plutôt que de payer un loyer pour la durée de ses études, poursuit-elle, je lui prêterais la mise de fonds minimale et les frais initiaux, puis je ferais les paiements pour la durée de ses études. Un an après la fin de ses études, on peut supposer qu’elle me ferait des remboursements étalés selon sa capacité financière ou si elle décidait de vendre le condo. »

Le père paierait la moitié du montant normal du loyer d’une chambre, soit 250 $ par mois.

Est-ce que dans cette situation, utiliser le CELIAPP (compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété) serait une bonne idée ? demande-t-elle.

Les chiffres

Karine, 40 ans

  • Revenus annuels : 91 000 $, allocations familiales comprises
  • REER : 84 000 $
  • RVER : 9000 $
  • CRI : 51 000 $
  • CELI : 24 000 $
  • Compte d’épargne : 20 000 $
  • Valeur de la propriété : 300 000 $
  • Hypothèque : 150 000 $
  • Coût de vie : 45 000 $
  • REEE familial : 41 000 $ 
  • Coût estimé du condo : 300 000 $
  • Mise de fonds estimée : 15 000 $

Léa, 17 ans

  • Revenus annuels : 8000 $

L’analyse

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

André Lacasse, planificateur financier du cabinet Services financiers Lacasse

André Lacasse, planificateur financier du cabinet Services financiers Lacasse à Saint-Hubert, en banlieue de Montréal, conseille sans hésitation de séparer le REEE familial en trois régimes individuels.

« Dans les autres provinces, ça ne pose pas de problème, mais au Québec, c’est à éviter », soutient-il.

Il y a la subvention de base de 20 % du fédéral et la subvention de 10 % du provincial. Avant de verser la cotisation du Québec, les fonctionnaires vérifient la cotisation nette de l’année.

Si tu retires 2500 $ pour l’enfant qui s’en va au cégep et que tu cotises 2500 $ pour le plus jeune, le montant net est de zéro. Tu perds ta subvention.

André Lacasse, planificateur financier du cabinet Services financiers Lacasse

Revenu Québec connaît déjà ce problème.

Si Karine décidait de ne plus cotiser pour les autres enfants, la question ne se poserait pas. Mais elle prévoit continuer de le faire.

Lorsque les REEE sont individuels, ils peuvent être transférés entre frères et sœurs quand l’un décide d’arrêter ses études au secondaire.

Le planificateur conseille aussi aux parents de séparer le REEE en trois parties égales. Avec les fluctuations des placements, il peut arriver qu’un enfant ait un montant plus élevé, mais lors de la fermeture des REEE, tout peut être révisé et rééquilibré, assure André Lacasse.

Quand arrive le temps de faire des retraits, il faut être attentif à la question fiscale, prévient l’expert. « Au Canada, on ne paie pas d’impôts sur la première tranche de 16 000 $ de revenus. À moins que l’enfant gagne un gros salaire, il est prudent d’en retirer un peu plus. Parce que si je garde 20 000 $ pour le dernier et qu’il ne va pas aux études, les subventions seront perdues. »

« Quand l’enfant n’a pas travaillé de l’année, ça vaut la peine de retirer une bonne somme, en expliquant à l’enfant qu’une partie de l’argent appartient à ses frères et sœurs », suggère André Lacasse.

Le capital n’est pas imposable.

Avant de contracter une autre hypothèque…

Le planificateur financier observe que Karine a de très bonnes habitudes d’épargne. Cependant, elle n’a pas de régime de retraite à prestations déterminées. « Avant d’aller de l’avant avec une autre hypothèque, ce serait une bonne idée d’aller voir son planificateur financier pour calculer combien elle doit mettre par mois pour sa retraite », conseille-t-il.

Elle doit aussi prendre la peine de bien calculer son budget en notant chaque dépense. Le site de l’Autorité des marchés financiers (AMF) propose un outil qui lui sera fort utile.

Consultez l’outil de l’Autorité des marchés financiers du Québec

Pour ce qui est du CELIAPP, un nouveau programme pour financer l’achat d’une première maison qui sera offert à partir de 2023, les règles détaillées ne sont pas publiées. On sait cependant que les Canadiens de 18 ans et plus pourront déposer 8000 $ par année pendant cinq ans.

Toutefois, il s’agit d’un programme qui permet, comme le REER, de faire diminuer l’impôt à payer lors de sa déclaration de revenus.

« L’étudiant qui gagne 8000 $ n’aura pas de remboursement d’impôt du CELIAPP, soulève André Lacasse. À partir du moment où la personne gagne 50 000 $, elle récupère 37,12 %, ça commence à valoir la peine. »

Condo ou loyer

Est-ce que Léa, âgée de 17 ans, devrait acheter un condo plutôt que de louer un appartement ?

« Acheter quand on est mineur, c’est compliqué », affirme André Lacasse.

Tout d’abord, la banque ne prêtera pas d’argent à quelqu’un qui a des revenus annuels de 8000 $. Pour être propriétaire, son tuteur devra signer l’acte de vente. La mère et la fille risquent donc d’être copropriétaires.

Un jour, la mère devra vendre sa moitié du condo à sa fille et elle devra payer de l’impôt sur le gain en capital, car ce n’est pas sa résidence principale.

« À l’achat, il y a des frais de notaire pour l’hypothèque et le contrat. Ensuite, il y aura encore des frais de notaire lors de la cession pour radier l’ancienne hypothèque et en faire une nouvelle au nom de la fille seulement. Lorsque la fille vendra, il y aura encore des frais de quittance à payer », soulève André Lacasse.

« C’est moins compliqué et moins cher d’attendre à 18 ans. »

L’autre élément important à considérer, c’est le nombre d’années qu’elle compte garder le condo. À 17 ans, qui sait où le destin l’entraînera à la fin de ses études. Aura-t-elle un poste juste à côté de son condo ou dans une autre ville ?

Quand on achète et revend après trois ans, on n’a pas le temps d’amortir les frais de départ, à moins d’être chanceux et que la valeur augmente énormément.

André Lacasse, planificateur financier du cabinet Services financiers Lacasse

« Au-delà de l’aspect émotif, il faut tenir compte de l’aspect financier », soutient André Lacasse.

Pour aider Karine et Léa à prendre une décision, le planificateur financier leur suggère d’utiliser l’outil de l’AMF et d’y entrer les chiffres exacts. Elles sauront s’il est plus rentable d’acheter ou de louer.

Consultez le calculateur de l’AMF « Est-il préférable d’acheter ou de louer ? »

« Si elle trouvait un poste permanent à côté du condo à la fin de ses études, ça vaudrait la peine. Mais à 17 ans, on ne sait pas ce qui va se passer. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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