La livraison des voitures neuves peut s’étirer sur plus d’un an. Le prix moyen des voitures d’occasion au Canada a crû de 11 000 $ depuis un an. Les taux d’intérêt explosent. Dans de telles circonstances, comment aborder le traditionnel dilemme entre l’achat et la location ? C’est le temps d’une petite révision en 12 points.

1. L’heureux paiement comptant

En période de taux d’intérêt élevé, l’achat comptant ne doit pas être négligé, notamment si on peut y employer des fonds qui ne procureraient autrement que des rendements modestes.

Renoncer à un rendement de 3 % pour éviter un emprunt à 7 % ? L’économie équivaut à un rendement net de 4 %.

C’est l’équivalent d’un rendement sûr, de surcroît ! « Ne pas payer de l’intérêt, c’est pas mal certain ! », constate avec humour David Poliquin, gestionnaire de portefeuille chez BGY, Services financiers intégrés inc., lors d’une conférence téléphonique tenue avec ses collègues Marc-André Vachon et Vincent Bouchard.

« Quand la personne a déjà des placements, a déjà des actifs ou a déjà une capacité d’emprunt moins coûteuse par ailleurs, acheter sans financer avec le concessionnaire peut être une option très sérieuse. D’ailleurs, on la recommande de façon beaucoup plus importante et fréquente à nos clients depuis les derniers mois », ajoute-t-il.

2. La possession à long terme

« Pour quelqu’un qui veut garder son véhicule longtemps, actuellement et toujours, l’achat demeure la solution qui va permettre d’économiser le plus à long terme », estime Jesse Caron, expert automobile chez CAA-Québec.

Dans les conditions actuelles, on pourrait être tenté d’opter pour la location dans le seul objectif de revendre le véhicule avec profit à la fin de la période de location.

« Mais qui sait si les valeurs se seront maintenues dans quatre ans ? Pour quelqu’un qui achète son véhicule pour le garder longtemps, l’achat demeure la meilleure solution. »

On peut cependant poser le problème autrement.

3. La location : une autre option de financement

Ne vous fiez pas aux apparences : l’achat financé et la location constituent tous deux des dettes.

En réalité, la location équivaut à contracter un prêt remboursable sur 80 à 90 mois, mais dont l’objet doit être rendu, refinancé ou revendu après 36 ou 48 mois.

Pour la location d’un Subaru Crosstrek au montant de 31 117 $, au taux de 3,99 %, la mensualité est fixée à 402 $ (avant taxes) pour 48 mois.

À ce rythme et dans les mêmes conditions, un emprunt standard serait entièrement remboursé en environ 88 mois. Après 48 mois, le solde de ce prêt s’établirait à environ 15 000 $. Selon les données du site du concessionnaire, la valeur résiduelle au terme de la location de 48 mois est fixée à 15 096 $. Attention, la TPS et la TVQ s’ajouteront à la valeur de rachat.

« La location ressemble beaucoup plus à un financement sous forme d’hypothèque, décrit Marc-André Vachon. Avec une hypothèque, il me reste une dette à refinancer après le terme de cinq ans. La même chose pour une voiture en location. »

4. Le jeu de la valeur résiduelle

« La valeur résiduelle est établie par le constructeur en fonction du nombre de kilomètres du contrat, de la durée du terme et de son positionnement de marché », précisent les experts de BGY.

Faut-il s’inquiéter d’une valeur résiduelle ou de rachat fixée plus haut en raison du marché actuel de l’occasion ? À taux d’intérêt similaires, une valeur de rachat plus élevée signifie que les mensualités seront plus basses durant la location, relève Marc André-Vachon. Bien entendu, la valeur de rachat à financer sera plus grande, mais si, à la fin de location, la valeur marchande est inférieure à la valeur résiduelle, rien n’empêche le client de rendre le véhicule. Dans le cas inverse, il pourra profiter d’une valeur marchande supérieure.

5. Le point décisif : le taux d’intérêt

« Le taux d’intérêt va être un élément extrêmement majeur dans l’équation, probablement le plus important », constate David Poliquin.

La question des taxes ajoute une couche de complexité superficielle au dilemme. À la location, les taxes sont ajoutées aux mensualités, tandis qu’à l’achat, elles sont incluses dans le montant financé. « En résumé, soit on paye des intérêts sur des taxes, soit on paye des taxes sur des intérêts ! », s’amuse David Poliquin.

Mais au bout du compte, c’est le taux d’intérêt le plus faible qui dictera habituellement le choix entre l’achat et la location.

CAA-Québec partage cette analyse… dans la mesure où on maintient une saine discipline budgétaire, affirme Jesse Caron.

« Effectivement, la location peut être intéressante si le taux d’intérêt est plus bas que celui du financement, dit-il. Mais il faut faire attention parce que certaines personnes pourraient profiter de ce bas taux d’intérêt pour maximiser la mensualité, en se disant : j’avais un budget pour 600 $, je vais aller à 600 $ en location. » Et acheter un véhicule plus coûteux que prévu.

6. La question du deuxième terme

En matière d’intérêts, toutefois, l’incertitude porte sur le « deuxième terme » de notre location. Au moment de l’acquisition, on ignore généralement dans quelles conditions s’effectuera le financement de la valeur de rachat. Avec un financement à l’achat sur une plus longue période, on règle l’incertitude du taux d’intérêt.

« C’est un élément qui peut être en faveur de l’achat », reconnaît David Poliquin.

Malgré tout, le taux d’intérêt au début de la possession demeure un facteur décisif, alors que le montant de la dette est à son zénith. Le principe est le suivant : un bénéfice prochain est préférable à un bénéfice lointain.

Au moment de la transaction initiale, lorsque le taux à la location est favorable, on peut envisager plus sereinement cette option si on prévoit que le financement du deuxième terme pourra se faire sous les auspices d’un prêt hypothécaire à taux favorable ou d’un autre moyen de financement à bas coût, souligne Marc-André Vachon.

7. Une entente préalable

Que ce soit pour un achat ou une location, il y a de fortes chances que le véhicule convoité ne soit pas livré avant plusieurs mois. S’il y a changement d’année-modèle entre-temps, le prix du véhicule pourrait avoir augmenté au moment de la livraison. Les conditions de financement ou de location – taux d’intérêt, valeur de rachat – pourraient également avoir varié.

« On ne veut pas signer le contrat de vente avant de prendre livraison du véhicule même si le concessionnaire fait pression sur nous pour le faire », recommande Jesse Caron.

On signera plutôt une entente préalable dans laquelle le prix est précisé, question de « ne pas se retrouver à payer un prix surévalué par rapport à des conditions de marché qui pourraient avoir changé quand on prendra livraison du véhicule ».

8. Les avantages non financiers

« Il faut comprendre que lorsqu’on fait l’acquisition d’une voiture, les deux options sont à regarder, et c’est souvent une décision qui est très mathématique, énonce David Poliquin. Mais à la base, la location a beaucoup d’avantages sur l’achat. »

À tel point qu’à taux d’intérêt similaires, les experts de BGY tendent à privilégier la location.

Le plus important de ces avantages est la possibilité de rendre les clés au terme de la location.

« Ce n’est pas une obligation, poursuit-il. C’est une possibilité, une option. Avoir une option, c’est toujours favorable. »

Le client conserve la possibilité de rendre la voiture, de la conserver ou de la revendre ou de transférer la location, selon que la valeur de rachat est supérieure ou non à la valeur sur le marché. Bref, il a de la latitude.

9. La garantie d’écart

Un chauffeur de poids lourd n’a pas vu votre VUS et l’a embouti. Il n’en reste qu’une sculpture moderne. Malheureusement, si l’indemnité versée par l’assureur est inférieure au solde du prêt, vous devrez payer la différence (à moins bien sûr d’avoir l’avenant de valeur à neuf).

Cette inquiétude n’a pas lieu d’être avec la location. En cas de perte totale, les mensualités cessent et la garantie d’écart vous rend quitte de tout compte négatif.

C’est d’ailleurs une raison de ne pas verser d’apport comptant lors d’une location.

« Dans le cas où la dette est supérieure à la juste valeur marchande du véhicule lors de l’accident, le comptant que j’ai mis initialement sur l’auto disparaît en même temps que la dette », formule Vincent Bouchard.

10. Le dépôt de sécurité

Il existe cependant une autre manière de verser un apport à la location.

Le dépôt de garantie ou de sécurité ne réduit pas le montant de la dette. Il sera rendu à la fin de la location. Il ne disparaîtra pas en cas d’accident avec perte totale.

Cet apport « ne fait pas baisser le montant sur lequel sont calculés les intérêts, mais il fait baisser le taux d’intérêt global de la location. Et ça, c’est souvent très intéressant », observe David Poliquin. « On fait régulièrement cette analyse pour nos clients. En général, lorsqu’on met 1 $ là-dessus, ce dollar bénéficie de l’équivalent d’un rendement de 6 à 12 %. »

« En général, à taux égal, nous priorisons la location sur l’achat financé, car il y a possibilité de remettre le véhicule à la fin du terme, il y a l’option de dépôt de sécurité et il y a une garantie d’écart », concluent nos experts.

11. L’exception de l’incorporation

Une mise au point finale : le problème de l’achat ou de la location se pose différemment pour les personnes dont l’entreprise est incorporée.

« Lorsqu’on est incorporé, il y a beaucoup d’éléments fiscaux qui entrent en ligne de compte, qu’il y ait utilisation du véhicule à des fins professionnelles ou non ! souligne David Poliquin. On fait les calculs, et dans la majorité des cas, on recommande la location. »

12. Le cas électrique

Vous songez à un véhicule électrique neuf. Est-ce que la progression rapide de la technologie devrait vous inciter à privilégier la location, de crainte que la voiture soit obsolète avant peu de temps ?

Cette préoccupation n’entre pas dans la décision, si on en croit Simon-Pierre Rioux, président de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ), avec qui nous avons établi le contact.

« Au Québec, 93 % des propriétaires de véhicules électriques ont fait l’achat du véhicule, relève-t-il. Vous pouvez vous assurer que les gens ont fait leurs calculs. »

Lui-même avait cette crainte, quand il a acheté en 2013 sa première voiture électrique.

« Est-ce que les véhicules ont perdu leur valeur ? Pas du tout, parce qu’il y avait beaucoup de demande pour des véhicules électriques d’occasion à faible autonomie, simplement parce que les gens voulaient les utiliser pour faire leurs emplettes et leur train-train quotidien. »

Le problème se pose d’autant moins en 2022 que l’autonomie de plusieurs modèles excède 400 km. « Ces véhicules-là ne perdront pas leur valeur. »