« Je souffre de la COVID longue depuis plusieurs mois et je crois que je serai dans l’impossibilité de reprendre mon travail de gestionnaire, qui comporte une énorme charge de travail et de stress », a confié Pascale*.

La situation

Elle vient d’avoir 59 ans.

« Évidemment, ça amène beaucoup d’incertitude par rapport à l’avenir. »

L’idée a surgi au cours des derniers mois. Elle s’est précisée, jusqu’à s’imposer. « La dernière année a changé mes plans et je souhaiterais envisager une retraite à 60 ans », dit-elle.

« L’enjeu, c’est qu’il y a eu divorce en 2018, poursuit-elle. J’ai donc dû repartir à zéro. Ce qui fait que je me retrouve encore aujourd’hui avec un prêt hypothécaire important. C’est ça, entre autres, qui est inquiétant, compte tenu de la situation, et à un moment de ma vie où j’aurais probablement souhaité – les enfants viennent de partir de la maison – me gâter davantage. »

Elle est gestionnaire dans une entreprise de la Montérégie. « Avec une charge de travail qui a toujours été importante, mais avec laquelle j’ai toujours réussi à naviguer au fil des années, malgré différentes épreuves de vie. Mais avec la COVID, malheureusement, ça ne fonctionne pas comme j’avais l’habitude que ça fonctionne. »

Elle a toujours cotisé au maximum aux régimes de retraite à cotisations déterminées de ses différents employeurs.

Les chiffres

Pascale, 59 ans

Placements
REER : 100 000 $
CRI (fédéral) : 150 000 $
CRI (provincial) : 82 000 $
CELI : 21 000 $
RIC (Régime d’investissement coopératif) : 56 000 $
Régimes à cotisations déterminées
Régime complémentaire de retraite : 373 000 $
REER : 110 000 $

Propriété
Valeur approximative : 400 000 $
Solde hypothécaire : 148 000 $

J’ai quand même réussi à amasser, compte tenu des circonstances, une somme intéressante. Mais en raison de l’hypothèque et de certains travaux qui doivent être faits, j’ai des préoccupations, avec les enjeux de santé dans la dernière année.

Pascale

Elle poursuit : « J’ai même envisagé la possibilité de vendre la maison, mais compte tenu du contexte immobilier, je ferais mieux de la garder, même si elle n’a pas fini d’être payée. »

Le solde hypothécaire s’élève à 148 000 $. Elle veut encore contracter un prêt de 50 000 $ pour des travaux qui devront être effectués fin 2022 ou en 2023.

Elle estime son coût de vie à 50 000 $, dont 25 000 $ relatifs à la maison.

Elle a connu son lot d’épreuves, suggère-t-elle sans donner de détails. « Tant qu’on a la santé, on se dit qu’on peut passer à travers tout, mais c’est la première fois que je suis malade. Je suis quelqu’un d’hyper en forme, mais du jour au lendemain, avec la COVID, ça a pris une autre tendance. »

« La situation actuelle engendre face à mon avenir beaucoup d’inquiétude, et vos précieux conseils seraient une grande source de réconfort. »

Voyons voir.

La réponse

La situation de Pascale a touché la planificatrice financière Josée Jeffrey, du cabinet Focus Retraite et Fiscalité, qui s’est entretenue avec notre lectrice pour préciser certains éléments. « C’est un cas très humain, lance-t-elle. Elle a pris conscience que la vie est vraiment très fragile. »

La planificatrice relève d’abord que Pascale touche des prestations d’assurance invalidité avec son employeur. « Elle a un grand espoir de guérison, constate-t-elle. Elle ne veut pas s’avouer vaincue, et elle a dit qu’elle ne toucherait plus d’invalidité à 60 ans. »

PHOTO FOURNIE PAR JOSÉE JEFFREY

Josée Jeffrey, planificatrice financière et fiscaliste, cabinet Focus Retraite et Fiscalité

La planificatrice a donc fait ses calculs en fonction d’une retraite à 60 ans sans invalidité.

En outre, son assurance invalidité hypothécaire continuera à payer ses mensualités jusqu’à ses 60 ans.

Josée Jeffrey lui suggère de verser la somme ainsi épargnée dans le régime de retraite de son employeur. « Si elle paie sa part, l’employeur va verser sa part même si elle ne travaille pas. On va gonfler son régime de retraite pendant un an. »

Prendre soin de sa maison

La planificatrice intègre dans son scénario les travaux de rénovation envisagés par Pascale, qui concernent le parement décati de sa maison.

« Je veux qu’elle rénove, exprime-t-elle. C’est une maison qui a besoin de beaucoup d’amour. »

Cet amour lui sera rendu plus tard : « Ça lui servira de coussin de sécurité quand elle s’en ira en résidence. »

Les 50 000 $ nécessaires seront empruntés sur une marge hypothécaire remboursable en 10 ans. Son coût de vie se trouve ainsi révisé à 55 794 $, dont 25 000 $ pour ses dépenses autres qu’hypothécaires.

La marge et le prêt hypothécaires seront acquittés à ses 70 ans. Ensuite, « elle s’en va avec son petit 25 000 $ de coût de vie ». En dollars d’aujourd’hui, bien sûr.

Se pose maintenant la question de ses revenus de retraite entre 60 et 70 ans.

C’est ici que ça se complique.

Des rentes et des épargnes disparates

Josée Jeffrey organise les retraits de manière à reporter à 70 ans la perception des rentes publiques, RRQ et PSV, les bonifiant ainsi respectivement de 42 % et de 36 %.

Pascale se garantira dès lors une rente indexée à vie de 28 288 $ en dollars d’aujourd’hui, qui couvrira une bonne partie de son coût de vie, ramené sans hypothèque à 25 000 $.

D’ici là, elle devra soutenir un train de vie de 55 800 $.

« Pascale détient plusieurs placements enregistrés ayant de nombreuses contraintes de retrait, relève notre planificatrice. On ne peut pas retirer d’un compte de retraite immobilisé (CRI), il faut d’abord transférer les sommes dans un fonds de revenu viager (FRV). »

Parce que les activités de ses anciens employeurs étaient de compétence provinciale pour l’un et de compétence fédérale pour l’autre, Pascale possède un CRI provincial et un CRI fédéral.

« Chaque juridiction possède ses particularités quant au décaissement. Il y aura donc deux FRV différents », précise Josée Jeffrey.

Le CRI fédéral porte véritablement le nom de régime enregistré d’épargne-retraite immobilisé (RERI). Les particuliers de 55 ans et plus peuvent transférer jusqu’à 50 % de la valeur totale de leur RERI, à une seule occasion, dans un REER ou un FERR.

La moitié de son RERI (CRI fédéral) de 150 000 $ sera donc transférée en REER. Le solde de 75 000 $ sera converti en un fonds de revenu viager restreint (FRVR), duquel des retraits minimaux obligatoires devront être faits. Si Pascale n’a pas besoin de tout cet argent pour boucler son budget, l’excédent pourra être versé dans un régime d’épargne-retraite immobilisé restreint (RERIR).

Les 82 000 $ détenus dans un CRI provincial seront transférés dans un fonds de revenu viager (FRV), d’où des sommes peuvent être retirées avant 65 ans. Le même destin attend les fonds détenus dans son régime de retraite à cotisations déterminées.

Synthétisons : à 60 ans, au terme de toutes ces manœuvres et au début de sa retraite officielle, Pascale détiendrait alors 84 000 $ en placements et CELI, 370 000 $ pour l’ensemble de ses REER et 518 000 $ dans ses CRI et FRV de tout acabit.

Des REER, Josée Jeffrey planifie des retraits de 25 000 $ par année jusqu’à 65 ans, puis de 55 000 $ pour les quatre années suivantes.

Les CRI et FRV fournissent 50 000 $ jusqu’à 65 ans et diminuent ensuite leur contribution de 60 %.

Ses REER et ses CRI fondent rapidement jusqu’à 70 ans, mais parce que les retraits obligatoires excèdent légèrement son coût de vie, un petit surplus annuel sera transféré dans ses placements, qui contribueront plus tard aux revenus.

Les ponctions ralentissent de façon draconienne à 70 ans, alors que les rentes publiques entrent en jeu et que le coût de vie se stabilise à environ 25 000 $.

Au travers des retraits et des flux, Pascale conservera encore une petite réserve à 96 ans – la proverbiale probabilité de survie de 25 %.

Et n’oublions pas l’amour que doit lui rendre sa propriété, pour soutenir le coût supplémentaire d’une résidence, le moment venu.

En somme, Pascale peut dès maintenant respirer, en dépit de la COVID longue.

*Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ?

Soumettez votre cas à l’équipe de Train de vie