Lorsqu’on s’en va vers la retraite, on essaie généralement de ne plus avoir de dette. Mais si, au contraire, on décidait d’acheter la maison de ses rêves, au bord de l’eau ?

La situation

Acheter une maison au bord d’un lac, à une heure et demie de route de Montréal. C’est le rêve que caresse Sylvie, 59 ans, et Jean*, 60 ans, et ils souhaitent le réaliser lorsque Sylvie prendra sa retraite dans un an ou deux. Jean compte travailler encore 10 ans.

Actuellement locataires, ils ont regardé quelques propriétés en vente et évalué qu’ils pourraient trouver une maison qui répond à plusieurs de leurs critères à environ 400 000 $. Ils ont les économies nécessaires pour la mise de fonds et sont admissibles au Régime d’accession à la propriété (RAP). Mais, le couple, qui est marié, a somme toute peu d’épargne et un train de vie assez élevé. « Est-ce une bonne idée d’acheter une propriété alors que nous sommes locataires et que nous approchons de notre retraite ? », demande Sylvie.

Les chiffres

Prix du logement par mois : 915 $
Somme dans les comptes bancaires courants : 22 000 $
Dettes : 0 $

Sylvie, 59 ans

Revenu annuel : 135 000 $
Âge prévu de la retraite : 60 ou 61 ans
Rente brute prévue du régime de retraite si la retraite est prise à l’été 2022 : 81 100 $
Rente brute prévue du régime de retraite si la retraite est prise à l’été 2023 : 87 700 $
Rente brute prévue du régime de retraite à l’été 2027 (pour tenir compte de l’arrivée de la rente du Régime de rentes du Québec à 65 ans) : 68 400 $
REER : 40 000 $
CELI : 20 000 $ (cotisation de 500 $ toutes les deux semaines)

Jean, 60 ans

Revenu annuel : 45 000 $
Âge prévu de la retraite : 70 ans
Rente annuelle du Régime de rentes du Québec estimée : 3384 $
REER : 33 000 $
CELI : 15 000 $

Refaire son budget pour épargner davantage

« Acheter une propriété pour ce couple est avantageux financièrement après seulement quatre ans, alors il vaut la peine de faire des efforts pour réaliser ce rêve », indique d’emblée Hadi Ajab, planificateur financier indépendant et représentant en épargne collective rattaché à Services en placements PEAK.

Il en vient à cette conclusion après avoir entré les données du couple dans différents calculateurs, dont celui de l’Autorité des marchés financiers – Est-il préférable d’acheter ou de louer ?.

Mais, pour que le rêve soit confortable d’un point de vue financier, il est d’avis que le couple doit refaire son budget et réduire ses dépenses pour épargner davantage.

« Sylvie a un beau régime de retraite, mais Sylvie et Jean ont 180 000 $ de revenus bruts annuels, ils sont locataires et ont seulement 130 000 $ en actifs : c’est très peu à leur âge, affirme M. Ajab. Considérant que Sylvie place 500 $ toutes les deux semaines, j’estime qu’ils ont besoin d’environ 90 000 $ par année pour vivre et ils ne pourront pas maintenir ce train de vie à la retraite dans leur situation actuelle. »

Il suggère au couple de commencer à vivre dès maintenant comme si Sylvie était retraitée et gagnait environ 80 000 $ par année. « Cela leur permettra de dégager une bonne somme pour épargner », indique-t-il.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Hadi Ajab, planificateur financier indépendant et représentant en épargne collective rattaché à Services en placements PEAK

Le planificateur financier conseille aussi très fortement à Sylvie de cotiser au REER de son mari. « Elle utilisera son propre espace REER et aura le reçu fiscal, mais l’argent sera dans le REER de son conjoint qui n’a pas de régime de retraite, donc il sera moins imposé au moment du retrait que si c’était Sylvie qui sortait ces sommes, explique M. Ajab. C’est un beau moyen de fractionner le revenu du couple. »

Il recommande aussi à Sylvie de prendre sa retraite en 2023 plutôt qu’en 2022. « Sa rente sera de 87 700 $ au lieu de 81 100 $, ce qui n’est pas négligeable et c’est ce montant qui sera ensuite indexé, précise-t-il. Puis, elle aura un an de plus avec son salaire pour épargner. »

Il conseille également au couple de placer la majeure partie de ses 22 000 $ des comptes bancaires courants dans un CELI.

Prévoir 20 % de mise de fonds et les autres frais liés à l’achat

En utilisant le maximum permis dans le RAP, le couple aura 70 000 $ pour sa mise de fonds. Mais le planificateur financier insiste sur l’importance d’atteindre au moins 20 % du prix d’achat de la maison – donc 80 000 $ pour une maison de 400 000 $  – afin de ne pas payer l’assurance prêt hypothécaire qui protège l’institution financière. Il a estimé que si le couple décidait de mettre 50 000 $ en mise de fonds pour une maison de 400 000 $, la prime d’assurance à payer serait de près de 11 000 $. Elle serait ajoutée au montant de l’hypothèque, donc prise en compte dans le calcul des intérêts.

Il faut aussi penser aux différents frais qui s’imposent lorsqu’on achète une propriété, comme l’inspection, le notaire, le déménagement, les droits de mutation, etc.

« Il faut prévoir de 3 à 5 % du prix d’achat, donc disons 20 000 $, précise Hadi Ajab. Le couple devra donc sortir 30 000 $ de son épargne en plus des 70 000 $ qui proviendront du RAP. »

Rembourser le RAP en accéléré

Le couple devra aussi prévoir de remettre rapidement dans ses REER cette somme sortie. Parce que normalement, quiconque profite du RAP a 15 ans pour remettre l’argent, mais le droit de cotisation REER se termine le 31 décembre de l’année où la personne atteint 71 ans.

« Pour remettre 70 000 $ dans leur REER en environ 10 ans, ils auront besoin d’une bonne gestion financière, affirme Hadi Ajab. S’ils n’y arrivent pas, la somme manquante sera ajoutée à leurs revenus imposables lorsqu’ils atteindront 71 ans, ce qui n’est pas l’idéal considérant qu’ils auront déjà plusieurs revenus de retraite. »

Payer le prêt hypothécaire et les frais mensuels

Avec un emprunt de 320 000 $ sur 25 ans à 2,14 % d’intérêt, le versement mensuel serait de 1376 $. « Mais, faire des paiements de 688 $ toutes les deux semaines est mieux, parce que cela permettra au couple de payer environ 10 000 $ de moins en intérêts et de rembourser la totalité du prêt en vingt-deux ans et demi au lieu de vingt-cinq ans. »

Le planificateur financier met aussi l’accent sur l’importance de bien magasiner la propriété afin d’en trouver une qui saura les satisfaire au prix le plus bas possible. Ainsi, peut-être que le couple arrivera à moins s’endetter que prévu. Tout de même, en allant chercher un aussi gros prêt, il invite Sylvie et Jean à réévaluer leur besoin en assurances pour bien se protéger.

Il faut aussi prévoir des frais mensuels plus élevés liés à l’habitation lorsqu’on devient propriétaire en raison notamment de l’impôt foncier et de la taxe scolaire, puis de l’assurance habitation. Le planificateur financier évalue la somme à environ 500 $ par mois.

« Ils doivent prévoir environ 2000 $ par mois avec des versements de 688 $ toutes les deux semaines, alors qu’ils paient actuellement 915 $, précise Hadi Ajab. Les taux d’intérêt peuvent aussi toujours augmenter. D’où l’importance qu’ils réduisent leurs dépenses pour s’assurer d’avoir suffisamment d’épargne pour être vraiment à l’aise financièrement dans la réalisation de leur rêve d’acheter leur maison au bord d’un lac. »

Consultez le calculateur de l’Autorité des marchés financiers : Est-il préférable d’acheter ou de louer ?

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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