Patrick* et Nathalie*, en couple depuis trois ans, ont toujours cru qu’ils ne pourraient jamais arrêter de travailler pour prendre leur retraite, à moins d’accepter de vivre pauvrement.

À 61 ans, Patrick estime qu’il a fait plusieurs mauvais choix de vie. Tout d’abord, avec son ex-conjointe, il a consenti des dépenses qu’aujourd’hui il regrette. Ensuite, il y a son métier de musicien, une grande passion, qui vient cependant avec une instabilité financière.

« Si j’avais réfléchi assez longtemps à mon avenir, je n’aurais pas persévéré aussi longtemps dans ce domaine-là, confie-t-il au téléphone, j’aurais changé de domaine plus tôt. »

« J’ai fait un bac à 52 ans, j’ai étudié pendant quatre ans et demi, mais je suis retourné aux études trop tard pour envisager de prendre une retraite. »

Quant à Nathalie, 54 ans, elle a travaillé longtemps dans le milieu communautaire avec un petit salaire sans fonds de pension. « Séparée et avec deux enfants, j’arrivais difficilement à économiser, raconte-t-elle au bout du fil. Un jour, j’ai réussi tant bien que mal à mettre 2000 $ dans mes REER et ce n’est pas parce que je vivais au-dessus de mes moyens. »

Patrick, 61 ans
Salaire : 94 000 $
RRQ estimée à 65 ans : 675 $
Compte d’épargne : 13 000 $
CELI : 17 000 $
Carte de crédit : 10 000 $

Nathalie, 54 ans
Salaire : 94 000 $
REER : 32 000 $
CELI : 7000 $
CRI : 5900 $
RRQ estimée à 65 ans : 1195 $

Hypothèque : 117 000 $ (valeur de la maison 230 000 $)
Coût de vie du couple : 7000 $ par mois

Il y a quelques années, tous deux ont réussi à décrocher un emploi bien rémunéré avec un fonds de pension dans la fonction publique. À la suite d’un règlement de convention collective, ils recevront bientôt une somme de 20 000 $ chacun et une autre de 2500 $.

On ne sait pas quoi faire avec l’argent de nos nouveaux salaires. Comment peut-on améliorer nos rendements d’ici à ce qu’on prenne notre retraite si, évidemment, la retraite est possible ?

Nathalie

« Ma préoccupation la plus grande, c’est de continuer à espérer en vain que je pourrai un jour arrêter de travailler alors que ce n’est pas réaliste, avoue Patrick. Je veux me faire dire honnêtement : “Oublie ça, tu vas travailler jusqu’à la fin de tes jours !” »

La réponse

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller expert en gestion de patrimoine pour la gestion privée de la Banque Laurentienne, s’est penché sur les finances du couple. Selon ses calculs, si Nathalie et Patrick sont prêts à mettre les efforts qu’il faut, ils pourront un jour arrêter de travailler.

« La bonne nouvelle, c’est qu’ils peuvent prendre leur retraite, affirme Pierre-Raphaël Comeau. La question, c’est quand. »

Premièrement, abordons la question du fonds de pension. Comme Nathalie est fonctionnaire depuis 12 ans et que Patrick l’est depuis 5 ans, ils n’auront pas le revenu de retraite d’un fonctionnaire qui a 35 ans de service derrière la cravate. Ensuite, la structure de ce type de fonds de pension fait en sorte qu’il est plus payant en fin de carrière.

« Le pourcentage du revenu de retraite est calculé en fonction du nombre d’années de travail et du salaire moyen des cinq années consécutives les mieux payées, explique Pierre-Raphaël Comeau. Ils viennent d’obtenir une augmentation de salaire, ce qui fait augmenter la moyenne de leurs cinq années consécutives. »

« Même s’ils se fiaient à leurs épargnes personnelles pour prendre leur retraite plus tôt, poursuit le conseiller expert, ce n’est pas une bonne idée, parce qu’ils perdent les années qui paient bien. S’ils ne sont pas malheureux au travail et que la santé le leur permet, ils feraient mieux de rester en poste encore quelques années. Sans compter que si Monsieur arrête de travailler plus tôt que Madame, elle ira au boulot pour payer une partie de la retraite de Monsieur. »

Le scénario le plus réaliste serait donc une retraite ensemble dans six ans. En 2027, à 60 ans, Nathalie pourra compter sur une pension de 42 000 $ par année tandis que Patrick, à 67 ans, aura 21 000 $ par année.

Pierre-Raphaël Comeau suggère également de reporter à 70 ans les deux pensions des gouvernements, soit la Sécurité de la vieillesse et celle du Régime de rentes du Québec, car elles seront alors plus élevées. Afin de combler le manque de revenus de 60 à 70 ans pour Nathalie et de 67 à 70 ans pour Patrick, ils pourront utiliser des REER.

Que faire avec le rattrapage salarial ?

Lorsqu’ils recevront le montant de rattrapage salarial, prévu au printemps, le conseiller expert en gestion de patrimoine suggère de le mettre au complet dans un REER.

« Étant donné qu’ils ont déjà des revenus de 94 000 $ par année, ce montant supplémentaire d’environ 20 000 $ chacun va leur coûter une fortune en impôt, explique-t-il. Ils pourraient prendre un 5000 $ de REER du Fonds de solidarité FTQ ou du Fondaction pour avoir une meilleure déduction fiscale. Ils sont proches de la retraite, ça devient donc précieux. »

Pour le reste, Nathalie contribue déjà à raison de 217 $ par mois dans un REER en plus d’une somme d’environ 1000 $ à 2000 $ par année. Elle doit poursuivre sur cette voie.

Pierre-Raphaël Comeau suggère que le montant d’augmentation salariale de 260 $ net par mois soit mis aussi dans le REER de Nathalie et de Patrick.

De son côté, Patrick doit absolument faire un effort de rattrapage. Il doit verser 500 $ par mois dans son REER en plus des 260 $. Il pourrait aussi faire travailler plus fort une partie de l’argent qui dort dans son compte d’épargne et dans son compte CELI, estime Pierre-Raphaël Comeau. Il conseille de garder 10 000 $ comme fond d’urgence et d’investir le reste.

Nathalie et Patrick devraient songer à investir dans un portefeuille composé à 35 % d’actions, selon le conseiller expert.

« Oui, ça fait beaucoup de contributions REER pour Patrick, mais son salaire a augmenté et son taux marginal joue entre 41,12 % et 45,71 %. À la retraite, il paiera vraisemblablement 37,12 % et il profite immédiatement d’un remboursement d’impôt pour payer la carte de crédit. »

En pleine pandémie, avec le télétravail, le couvre-feu, la recommandation de ne pas circuler entre les zones et encore moins de voyager, c’est le moment idéal pour éviter les dépenses non nécessaires, comme une nouvelle voiture, et de donner la priorité aux économies en vue de la retraite, conclut le planificateur.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.