Les époux Carl et Caroline, dans la fin de la trentaine, sont parents de deux enfants de 9 et 5 ans. Ils bénéficient d’un train de vie familial bien établi avec des revenus bruts qui avoisinent 200 000 $.

Le bilan de patrimoine familial apparaît aussi plutôt bien garni avec des actifs dont la valeur totalise près de 710 000 $.

En contrepartie, en raison de la relative jeunesse de la portion immobilière de ce patrimoine familial, le passif d’emprunts totalise encore près de 540 000 $.

Par ailleurs, même si Carl et Caroline bénéficient chacun d’un régime de retraite à prestations déterminées de leur employeur, leur actif financier qui n’est pas lié à leur emploi (CELI, REER) apparaît sous-capitalisé. Ils cumulent près de 200 000 $ en « cotisations inutilisées » dans ces comptes d’épargne enregistrés à incidence fiscale.

C’est dans ce contexte que Carl et Caroline préparent leur prochain grand projet familial : effectuer à compter de juin 2022 un voyage d’une dizaine de mois avec leurs deux enfants.

Ce périple à l’étranger aura lieu durant une année de congé sabbatique pour les parents et d’école pour les enfants. En guise de préparatifs, Carl s’est inscrit au mécanisme de « salaire différé » auprès de son employeur.

Pour l’essentiel : une réduction de son salaire courant (de 60 000 $ à 50 000 $) pendant trois ans lui permettra de maintenir le versement d’un salaire différé réduit à 23 000 $ durant son année d’absence.

Pour sa part, Caroline n’a pas accès à un tel mécanisme de salaire différé auprès de son employeur. Ce qui signifie qu’elle sera en situation de congé sans solde durant son année d’absence.

Les questions

En ajoutant les revenus nets de loyers, le revenu familial après impôts de Carl et Caroline durant leur année de voyage familial est estimé à 30 000 $, donc réduit des trois quarts par rapport à son niveau récent.

Par conséquent, Carl et Caroline veulent se constituer une « réserve » d’au moins 50 000 $ dans laquelle ils pourraient puiser au fil de leur année de congé.

« Est-ce que nous avons la capacité financière d’un tel projet, même prévu à budget modeste, sans trop compromettre notre santé financière à long terme ? », demandent-ils.

Entre-temps, ils s’interrogent sur la meilleure façon de constituer cette réserve de 50 000 $ d’ici juin 2022, avant l’amorce de leur périple.

Devraient-ils donner la priorité au renflouement de leur CELI après les retraits effectués en 2018 pour l’achat du triplex résidentiel locatif ?

Pour ce faire, auraient-ils avantage à réduire ou interrompre leurs contributions à leur REER et leur REEE jusqu’à leur retour au travail ?

Autre possibilité, Carl et Caroline se demandent s’ils auraient avantage à accélérer leurs paiements de prêt hypothécaire sur leur triplex d’ici son renouvellement, dans deux ans. Ce qui pourrait leur permettre d’en rehausser le montant en guise de réserve financière durant leur année de voyage.

La situation financière et les questions de Carl et Caroline ont été soumises à Sylvain Chartier, qui est planificateur financier et fiscaliste à la division « Gestion privée 1859 » de la Banque Nationale.

Les conseils

« On voit que ce sont des gens sérieux à propos de leurs finances personnelles. Et leur situation semble très favorable pour la réalisation de leur projet de grand voyage familial », constate d’emblée Sylvain Chartier.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvain Chartier, planificateur financier et fiscaliste à la division « Gestion privée 1859 » de la Banque Nationale

« En plus de bons revenus d’emploi, Carl et Caroline bénéficient de régimes de retraite à prestations déterminées – une denrée rare de nos jours –, ce qui équivaut à une forme d’épargne forcée. Aussi, ils cotisent au REEE de leurs enfants, à leurs REER et à leurs CELI, qu’ils ont d’ailleurs déjà bien utilisés pour l’ajout d’un immeuble à revenu dans leur actif familial. »

Dans ce contexte, Sylvain Chartier estime que Carl et Caroline peuvent reléguer au second plan leurs préoccupations concernant l’impact du périple familial sur leur situation financière à long terme, et se concentrer plutôt sur la préparation budgétaire de ce projet d’ici deux ans.

« À leur âge et à cette étape-ci de leur vie familiale, il serait superflu pour eux de baser leurs priorités budgétaires à court terme en fonction de leurs besoins financiers de retraite, dans plus de 20 ans. Il y a tellement de données qui peuvent changer d’ici là. Et au besoin, ils pourront sans doute ajuster leur âge de retraite. »

Cela dit, que leur suggère-t-il comme moyen le plus efficace pour se constituer une réserve de 50 000 $ avant d’amorcer leur voyage ?

« Dans leur situation, le CELI est l’outil parfait pour accumuler du capital pour ce genre de projet, comme ils l’ont déjà fait pour l’achat du triplex », indique Sylvain Chartier.

« Un gros avantage du CELI, au-delà des rendements exempts d’impôt, c’est que Carl et Caroline pourront y effectuer des retraits au besoin durant leur année de voyage et de revenus très diminués, tout en conservant leurs droits de cotisation qu’ils pourront renflouer après leur retour de voyage, selon leur capacité budgétaire au fil des ans. »

Par conséquent, Sylvain Chartier leur recommande de constituer leur réserve financière en contribuant « le plus d’argent possible dans leur CELI, quitte à interrompre les contributions à leur REER et au REEE de leurs enfants ».

Et si ces contributions aux CELI s’avéraient insuffisantes d’ici juin 2022, il leur suggère de recourir à un rehaussement de crédit hypothécaire lié à leur triplex locatif.

Par la suite, c’est à leur retour de voyage que Carl et Caroline devront réajuster leurs priorités budgétaires à court terme, afin de rétablir leur planification financière à long terme.

Entre autres, suggère Sylvain Chartier, il faudra « mettre la pédale au fond dans les contributions au REEE des enfants afin d’en maximiser la subvention fiscale, surtout pendant les cinq années avant que l’aîné atteigne l’âge limite de 17 ans ». (Jusqu'au total admissible de 36 000 $ par enfant.)

Ensuite, selon l’évolution de leur budget, ils pourront répartir leurs surplus entre des contributions à leur REER et leur CELI, ainsi que des paiements additionnels sur leurs emprunts hypothécaires.

Comment décider ? Pour l’essentiel, « tant que le taux de rendement attendu – et après impôts – des placements en REER et en CELI est supérieur au taux d’intérêt des emprunts, les cotisations au REER et au CELI devraient être priorisées », suggère Sylvain Chartier.

Et tant que les taux d’intérêt demeureront bas, « c’est lorsque Carl et Caroline auront comblé l’espace de cotisations dans leur REER et leur CELI qu’ils pourraient alors envisager d’accélérer le remboursement de leur hypothèque ».

*Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

En chiffres

Carl, 39 ans

Revenu : 65 000 $
REER : 39 100 $ CELI : 3000 $
Régime de retraite : rente estimée à 26 000 $/an après 60 ans

Caroline, 38 ans

Revenu : 100 000 $
REER : 63 000 $ CELI : 3000 $
Régime de retraite : rente estimée à 39 000 $/an après 60 ans

Bilan familial

REEE : 38 000 $
Résidence principale : évalué à 208 000 $ (hypothèque : 133 000 $)
Triplex locatif : évalué à 456 000 $ (hypothèque : 395 000 $)