Sophie, 61 ans, prépare sa retraite dans un an de son emploi de gestionnaire-cadre dans la fonction publique québécoise.

La situation

Cette retraite prochaine signifie aussi la fin, en octobre 2021, de sa rémunération de 186 000 $ par an, ce qui pourrait influencer ses priorités budgétaires et financières en début de retraite.

En contrepartie, Sophie sait qu’à titre de participante de longue date au « Régime de retraite du personnel d’encadrement » (RRPE) de la fonction publique québécoise, elle bénéficiera de rentes très sûres totalisant de 81 000 $ à 86 000 $ par an, jusqu’à la fin de ses jours.

Cependant, quand elle regarde du côté de son bilan financier, Sophie se soucie d’avoir peut-être négligé l’accumulation d’une épargne-retraite hors de son travail.

En effet, son bilan personnel affiche un actif d’environ 340 000 $, dont 157 000 $ en comptes d’épargne enregistrés (REER, CELI) et en compte bancaire non-enregistré, et quelque 183 000 $ pour sa part de la maison en copropriété avec son conjoint.

En contrepartie, le bilan financier de Sophie demeure grevé d’un passif de 131 000 $ – un peu plus de la moitié de l’actif – qui est constitué de deux éléments : sa part de 120 000 $ du solde du prêt hypothécaire sur la maison et le solde de 11 000 $ sur son prêt-auto.

En fin de compte, le bilan financier de Sophie affiche un actif net d’environ 209 000 $, dont seulement 157 000 $ en actifs financiers dans son épargne-retraite autonome du travail.

Dans ce contexte Sophie s’interroge sur sa capacité financière à l’approche de sa retraite imminente de maintenir son train de vie actif aux environs de 65 000 $ par an (avant impôts et imprévus). D’autant que ce train de vie est déjà bien garni en dépenses de divertissements et de voyages, ainsi qu’en frais de rénovation et d’entretien sur la maison centenaire acquise il y a deux ans avec son conjoint.

Sophie cherche donc conseil sur les moyens disponibles pour rehausser son bilan en épargne-retraite autonome durant sa dernière année de travail.

Quel choix financier devrait-elle prioriser d’ici un an et lors des premières années de retraite, tout en tenant compte des critères d’optimisation fiscale et financière de ses revenus et de ses actifs à moyen et long terme ?

La situation et les préoccupations de Sophie ont été confiées pour analyse-conseil à François Bernier, notaire de profession et directeur de la planification fiscale et successorale pour l’Est du Canada chez la Financière Sun Life, à Montréal.

Les chiffres

REER : 92 000 $
CELI : 30 000 $
Compte bancaire d’encaisse : 35 000 $
Copropriétaire (à 50 % avec conjoint) d’une maison évaluée à 365 000 $
Véhicule (2019) : environ 27 000 $
Part du solde de prêt hypothécaire sur la maison : env. 120 000 $
Solde de prêt-auto : 11 000 $
Revenus en dernière année d’emploi : 185 000 $ d’ici octobre 2021
Revenus en futures rentes de retraite : 81 000 $ jusqu’à 65 ans, 86 000 $ ensuite
Débours liés à la résidence : environ 21 000 $/an (hypothèque, taxes, énergie, entretien/rénovations, assurance)
Débours liés au style de vie personnel : environ 44 000 $/an (alimentation et vêtement, automobile, loisirs/divertissements, voyages, etc)
Train de vie total : environ 65 000 $

Les conseils

D’emblée, François Bernier constate la situation « très avantageuse » de Sophie quant à ses prochains revenus de retraite, et même s’ils s’annoncent à la moitié environ de son salaire élevé de fin d’emploi.

Ce revenu de retraite est prévu à 81 000 $ par an de son régime de retraite des cadres de la fonction publique, jusqu’à son 65e anniversaire. Il s’élèvera ensuite aux environ de 86 000 $ par an avec l’ajout des rentes publiques (RRQ québécois et PSV fédérale ajustée au revenu total)

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

François Bernier, directeur de la planification fiscale et successorale pour l’Est du Canada chez la Financière Sun Life

« À un an de sa retraite à 61 ans, Sophie a le privilège de pouvoir compter sur des revenus de rentes de retraite relativement élevés et pleinement sécurisés jusqu’à la fin de ces jours. Par conséquent, à moins d’imprévus coûteux, Sophie ne devrait pas avoir de soucis pour soutenir son train de vie prévu autour de 65 000 $ par an », répond François Bernier à la première préoccupation budgétaire de Sophie en vue de sa retraite.

Cela dit, M. Bernier constate aussi que le bilan financier personnel de Sophie, à l’exclusion de son régime de retraite d’employeur, pourrait encore être bonifié à l’approche de la retraite.

« De prime abord, c’est de recommandation courante en planification financière de tenter de rembourser les dettes avant d’arriver à la retraite. Dans le cas de Sophie, je lui recommande de rembourser rapidement le solde de son prêt-auto [environ 11 000 $] à même ses liquidités en épargne, indique M. Bernier.

« Quant à son prêt hypothécaire, elle devrait vérifier avec son conjoint leurs capacités budgétaires et les conditions de leur contrat d’emprunt pour déterminer la pertinence d’en accélérer le remboursement. Une telle décision n’est pas vraiment pressante en situation de très bas taux d’intérêt réel [après inflation]. Mais elle aurait l’avantage de rapprocher la fin des débours hypothécaires dans le budget de retraite de Sophie. »

Par ailleurs, comme autre conseil de pré-retraite, François Bernier recommande à Sophie de profiter de sa dernière année de salaire et de taux d’imposition élevés afin de combler la part de « cotisations inutilisées » dans son REER.

« Sophie a pour environ 32 000 $ en cotisations disponibles dans son REER dont elle aurait pourrait encore optimiser le crédit d’impôt pendant que son salaire et son taux d’imposition sont encore à leur sommet de fin de carrière, explique M. Bernier.

« Et si elle parvient à rehausser son actif en REER au-delà du seuil des 100 000 $, ça leur fournira une plus grande marge de manœuvre financière durant ses premières années de retraite alors qu’elle devra ajuster ses priorités budgétaires en fonction de revenu réduit de moitié. »

Quelle marge de manœuvre ?

« On sait que le revenu de rente de Sophie sera à son minimum d’environ 81 000 $ par an durant ses quatre premières années de retraite, jusqu’à son 65e anniversaire et le début des rentes publiques [RRQ québécois et PSV fédérale ajustée aux revenus totaux], répond François Bernier.

« Il s’agira aussi des années de plus faible revenu imposable de Sophie durant toute sa retraite. Donc, c’est durant ces années qu’elle aura avantage à débuter les retraits de son REER parce qu’ils sont considérés comme un revenu imposable. Et ce, avant que débutent ses rentes publiques à 65 ans, qui rehausseront son revenu imposable aux environs de 86 000 $. »

Dans un tel scénario, François Bernier estime que Sophie pourra retirer environ 9500 $ par an de son REER pour combler ses besoins budgétaires durant ses premières années de retraite, tout en évitant de surélever son revenu imposable.

Aussi, mentionne M. Bernier, « considérant son bon niveau de revenu à la retraite, Sophie serait désavantagée, fiscalement, si elle conservait un actif élevé en REER rendu à son 71e anniversaire. C’est l’âge maximal de conversion de REER en FEER, ainsi que le début de décaissement annuel minimal et obligatoire qui augmenterait encore le revenu imposable de Sophie. »

Entre-temps, François Bernier recommande à Sophie de prévoir le comblement des cotisations inutilisées dans son CELI (à 30 000 $ en 2020) avec ses excédents budgétaires prévisibles au fil des ans, notamment après avoir optimisé son REER en début de retraite, et de terminer le remboursement du prêt hypothécaire.

« Dans la situation de Sophie, avec un revenu de retraite imposable relativement élevé, le CELI est le moyen le plus efficace pour continuer de se constituer un avoir financier à faire fructifier pour usage ultérieur à l’abri de l’impôt, que ce soit comme source de revenu d’appoint en âge avancé ou en projet d’héritage à des proches. »