C'est un des amis de Pascale qui nous a écrit. « Elle a 58 ans, a élevé trois belles filles aujourd'hui autonomes. Elle a toujours travaillé très fort, ayant même eu en partenariat une petite entreprise, mais elle se retrouve depuis quelques années avec un salaire modeste. Elle vit seule dans sa maison qu'elle entretient fièrement et décore avec beaucoup de goût. Sauf que pour y arriver et aussi pour maintenir un niveau de vie similaire à celui des gens de son entourage, elle a succombé au crédit... Elle réalise maintenant qu'elle est dans une situation précaire et ne sait pas trop comment faire pour s'en sortir. »

Pascale a accepté de se confier, à son tour.

« Je suis séparée depuis une vingtaine d'années maintenant et j'habite seule, dit-elle. Mes enfants sont partis. »

Au sortir de sa séparation, elle avait acquis en 2004 une petite maison en rangée, payée 95 000 $.

Pendant quelques années, elle a été copropriétaire d'une petite entreprise d'aménagement paysager.

« Je gagnais relativement bien ma vie, sauf que je prends de l'âge, et je me suis vue dans l'obligation, il y a trois ans, de cesser ce travail. C'est très exigeant. »

Elle s'est alors trouvé un emploi dans un grand commerce de détail.

« Mon salaire a diminué de beaucoup, par contre j'ai des assurances et des avantages sociaux qui se sont ajoutés. »

Elle touche maintenant un revenu brut de 43 000 $.

« Mais le coût de la vie augmente, et j'essaie de suivre la cadence avec mon entourage. J'ai été obligée de m'endetter. J'ai une marge hypothécaire, qui commence à être relativement élevée. Je suis un peu coincée. Je ne sais pas si je dois retirer mes REER. »

Les problèmes budgétaires de la femme de 58 ans se répercutent sur sa retraite.

« Je me vois travailler jusqu'à 70 ans, mais en même temps, je suis fatiguée, épuisée. J'essaie de voir comment je peux faire pour me sortir de ce tourbillon. »

Elle a préparé un budget détaillé, qui concrétise et justifie ses inquiétudes. Ses dépenses totalisent 39 800 $, contre un revenu net de 31 700 $, calcule-t-elle.

Elle loue depuis 2017 une voiture dont le contrat se termine en 2022.

Son solde hypothécaire s'élève encore à 109 000 $. Sa marge hypothécaire effleure les 25 000 $.

« Originalement, la maison devait se rembourser à mes 71 ans, mais comme j'ai dû emprunter beaucoup sur ma marge hypothécaire, je ne vois aucune façon que ça puisse se réaliser, à moins de la vendre... »

« Par contre, ma mensualité hypothécaire est beaucoup moindre que ce que je pourrais payer dans un loyer. »

L'année 2019 débute tout juste. Comment redresser la barre ?

LA VIE EN CHIFFRES

Pascale, 58 ans

Salaire : 43 000 $

Épargnes

REER : 40 000 $

CRI : 30 000 $

CELI : 1500 $

Régime de participation différée aux bénéfices (RPDB) avec son employeur : 5527 $

Actifs

Valeur : environ 220 000 $

Solde hypothécaire : 109 000 $

Marge hypothécaire : 25 000 $

Solde sur carte de crédit : 4000 $

LA RÉPONSE

Il n'y aura pas de miracle...

Les dépenses de Pascale sont déjà minimales.

La planificatrice financière Josée Jeffrey, du cabinet Focus Retraite et Fiscalité, a estimé le revenu net de Pascale à 32 868 $, en incluant les crédits d'impôt solidarité et TPS.

Ses dépenses totalisent 36 930 $, pour un déficit de 4062 $.

Hélas, il y a bien peu de place à des compressions budgétaires. 

Dans ce budget, Pascale « rembourse 3580 $ par année sur sa marge de crédit, sans compter ses versements pour sa carte de crédit », souligne la planificatrice.

Pascale a raison : elle ne gagnera rien à court terme en vendant sa propriété.

« Au lieu de vendre sa maison, je lui recommande de consolider tout de suite sa marge de crédit et sa carte de crédit », avise la planificatrice. « Sa maison va la sauver, à la retraite. »

Le nouveau prêt hypothécaire consolidé de 136 000 $ entraînera des versements hebdomadaires de 175 $, soit quelque 39 $ de plus que les 136 $ actuels.

La manoeuvre fait disparaître du budget les remboursements de marge et carte de crédit, ce qui ramène le coût de vie à 35 400 $.

« Ce n'est pas énorme, mais au moins on s'embarque dans un processus de remboursement avec un prêt fixe au lieu de ne payer que les intérêts sur la marge, et en plus, on libère une carte de crédit », commente notre conseillère.

Dans sa projection, Josée Jeffrey pose l'hypothèse qu'à la fin de la période de location de sa voiture, en juillet 2022, Pascale la rachète en empruntant pour payer la valeur résiduelle. Sur quatre ans, la valeur de la mensualité est alors inférieure au débours actuel.

On se rapproche de l'équilibre...

LES REVENUS

À partir de juillet 2019, Josée Jeffrey calcule que les crédits d'impôt pour solidarité et TPS passeront de 1395 $ à 2328 $, en raison des faibles revenus de 2018.

Le revenu net atteindra alors 34 800 $.

Oups, il manque encore 540 $ pour boucler le budget annuel...

« Alors on coupe dans les restaurants et dans les cadeaux ou dans l'habillement, et ce, jusqu'en 2022, l'année où elle terminera son bail de location de voiture pour emprunter le résiduel », énonce Josée Jeffrey.

ET LA RETRAITE ?

Reste encore le problème de la retraite.

Premier essai : une retraite à 65 ans. 

Josée Jeffrey suppose que Pascale touchera à 65 ans une rente de la RRQ de 8000 $, et que son employeur continuera de verser 2500 $ par année, plus indexation, au Régime de participation différée aux bénéfices (RPDB). 

« Dès sa retraite, elle devra retirer des REER pour combler son coût de vie, constate la planificatrice. À 70 ans, elle aura épuisé son capital retraite. »

Son budget sera dès lors déficitaire de 15 280 $. Elle pourra alors toucher le Supplément de revenu garanti (SRG), mais il ne comblera que 45 % du manque à gagner.

« Une décision devra alors être prise quant à la vente de la maison », soulève Josée Jeffrey.

À 68 ANS ?

Deuxième essai : une retraite à 68 ans. L'employeur contribue trois ans de plus au RPDB, et la rente de la RRQ est plus élevée parce que touchée plus tard.

Cette fois, son capital de retraite s'épuise dans l'année de ses 79 ans. Heureusement, son prêt hypothécaire est alors acquitté. « Par la suite, le SRG viendra à la rescousse pour combler un manque de seulement 6500 $, car l'hypothèque sera remboursée », observe la planificatrice.

Pascale possédera toujours sa maison. Si elle la vend à 80 ans, sinon plus tard, elle encaissera environ 300 000 $ pour couvrir ses dépenses de fin de vie. « C'est son coussin pour ses vieux jours. »

Si elle vendait maintenant sa propriété pour rembourser ses dettes, un loyer de 800 $ lui procurerait un léger surplus budgétaire. Cependant, à 79 ans, au moment où son hypothèque aurait été remboursée, le loyer pèserait toujours sur son budget. Le Supplément de revenu garanti ne suffirait plus à combler le déficit.

Il n'y a pas de solution magique. 

La retraite se profile à 68 ans, assortie de quelques sacrifices budgétaires...

À défaut, « elle pourrait changer d'emploi, faire plus d'heures. Il n'y a pas de miracle ».

Mais Pascale sait désormais à quoi s'en tenir.

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Photo Robert Skinner, archives La Presse

Josée Jeffrey, planificatrice financière du cabinet Focus Retraite et Fiscalité