En poussant les taux d'intérêt au plancher, on permet aux gouvernements et aux ménages surendettés de garder la tête hors de l'eau (et peut-être de continuer à vivre au-dessus de leurs moyens). Mais on donne du fil à retordre aux épargnants et aux retraités qui peinent à obtenir des rendements décents sur leurs économies.Depuis 10 ans, un portefeuille équilibré a rapporté 3,7% par an. Et le futur n'est guère plus éclatant. Les obligations rapportent moins que 2%. Les perspectives à la Bourse sont mitigées, car on prévoit une croissance économique modeste à long terme, à travers les pays développés.

Comment s'enrichir quand les rendements sont ultra faibles? Le défi est de taille.

Voici 10 pistes à explorer.

1. MODÉREZ VOS ATTENTES

Des rendements de 10% par année? N'y rêvez plus! Au fil des ans, les planificateurs financiers ont été forcés de revoir les hypothèses qu'ils utilisent pour préparer les plans de retraite.

«On n'a pas eu le choix de s'ajuster. Mais dans la tête des investisseurs, je ne suis pas sûr que ç'a baissé autant», confie Martin Dupras, président du CA de l'Institut québécois de planification financière (IQPF) et fondateur de ConFor Financiers.

Attention coeurs sensibles, voici les normes édictées par IQPF: les investisseurs peuvent espérer un rendement de 7% avec les actions canadiennes, de 4,75% avec les obligations et de 3,5% pour les liquidités. Soulignons qu'il s'agit d'hypothèses à long terme, impossibles à concrétiser présentement avec des taux d'intérêt au plancher.

De ces rendements, il faut soustraire les frais de gestion. L'investisseur peut donc espérer un rendement variant entre 3,75% pour un portefeuille conservateur et 4,5% pour un portefeuille dynamique. Et on n'a pas encore enlevé l'inflation qui gruge 2,25% par année. Cela laisse des rendements réels de 1,5% à 2,25%.

Ce n'est pas beaucoup! Mais c'est réaliste...

2. AUGMENTEZ VOS COTISATIONS

Certains épargnants, démoralisés par les rendements de leur portefeuille depuis 10 ans, sont tentés d'abandonner la partie. Au diable les cotisations REER! Erreur: «Il faut être résilient. Il faut continuer à épargner», insiste M. Dupras.

En fait, «il va falloir épargner beaucoup plus. Les prestations de retraite dépendent des cotisations, plus les rendements, moins les frais. Si les rendements sont moindres, il faut cotiser plus. Sinon, l'équation ne fonctionne plus», expose André Jr Landry, actuaire, planificateur financier et vice-président d'Optimum Actuaires & Conseillers.

3. RÉDUISEZ LES FRAIS DE GESTION

Les investisseurs n'ont pas de contrôle sur les rendements, mais ils en ont sur les frais de gestion. L'industrie des fonds communs de placement est gloutonne. Bon an mal an, les fonds dévorent en moyenne 2,47% de l'actif des investisseurs. C'est trop!

On peut réduire les frais facilement de moitié en optant pour des fonds indiciels (TD indiciel Série E, Altamira, etc.), des fonds communs à frais modiques (Jarislowsky Fraser Série E, Banque Royale Série D, PH & N, Mawer, etc.) ou encore des fonds d'ordres professionnels (Férique, FMOQ, Fonds des professionnels, etc.).

Mais les Fonds négociés en Bourse (FNB) sont encore moins coûteux. Plusieurs FNB (iShares, BMO, Horizon BetaPro, Claymore, Vanguard) prélèvent moins de 0,5% par année. Cela fait 2% de plus dans vos poches!

Une autre solution, si vous avez assez d'actifs: achetez directement des obligations et conservez-les jusqu'à l'échéance, suggère M. Dupras. Vous paierez moins cher en commission d'achat (dissimulée dans le taux qu'on vous offre) qu'en frais de gestion avec un fonds d'obligations.

4. REMBOURSEZ VOS DETTES

Le meilleur placement, c'est le remboursement des dettes, soutient Hélène Bronsard, vice-présidente de Raymond Chabot gestion privée. Les Canadiens ont un taux d'endettement record de 153%, ce qui implique qu'un ménage qui dispose de revenus de 100 000$ après impôt a des dettes de 153 000$.

«Profitez des bas taux d'intérêt pour gérer et rembourser vos dettes et ramener votre budget à un niveau confortable», conseille Mme Bronsard. Videz les cartes et les marges de crédit. Remboursez le prêt auto. Faites des paiements anticipés pour vous débarrasser plus vite de l'hypothèque.

5. PAYER LE MOINS D'IMPÔT POSSIBLE

Ne faites pas de cadeau au fisc. Mettez vos épargnes à l'abri de l'impôt. Remplissez votre CELI (compte d'épargne libre d'impôt) qui permet de mettre 5000$ par an à l'abri de l'impôt. Si vous avez des enfants, utilisez le régime enregistré d'épargne-études qui verse des subventions de 30% à 60%, selon le revenu familial. Si vous approchez de la retraite, songez aux fonds de travailleurs qui offrent un crédit d'impôt de 30% (Fonds de solidarité) à 40% (Fondaction). Et bien sûr, maximisez votre Régime enregistré d'épargne-retraite (REER).

Un bémol: les travailleurs à faibles revenus (20 000$ et moins) n'ont pas à se serrer la ceinture pour cotiser à leur REER. Les programmes sociaux (pension de Sécurité de la vieillesse et Supplément de revenus garantis) leur permettront de maintenir leur niveau de vie à la retraite. Pire, les retraits d'un REER leur feraient perdre ces prestations. Pour eux, il vaut mieux épargner dans un CELI.

6. VISEZ DES DIVIDENDES ÉLEVÉS

Si les rendements de la Bourse demeurent faibles et volatiles, les compagnies solides qui versent un bon dividende peuvent être une bonne façon d'aller chercher un rendement stable, indique Mme Bronsard.

Présentement, les dividendes versés par les sociétés de l'indice de la Bourse canadienne, le S & P/TSX, offrent un rendement de 2,7%. C'est supérieur au taux d'intérêt de 2% des obligations canadiennes 10 ans, ce qui est très rare. C'est sans compter que le traitement fiscal des dividendes canadiens est plus avantageux que celui des revenus d'intérêt.

7. ÉLARGISSEZ VOS HORIZONS

De plus en plus, les caisses de retraite utilisent l'indice mondial «tous pays» comme référence dans la construction de leur portefeuille, dit M. Landry. L'indice ACWI (All Countries World Index) reflète la composition boursière de tous les pays développés ainsi que des pays émergents, qui forment environ 15% de la Bourse mondiale.

Les particuliers devraient aussi faire une place aux pays émergents dans leur portefeuille, question de profiter de leur croissance économique plus vigoureuse. Au Canada, il existe des FNB de marchés émergents (iShares, BMO, Vanguard, etc.). À la Bourse américaine, on peut trouver des FNB qui investissent dans tous les pays du monde (iShares MSCI ACWI Index).

8. INTÉGRER DES PLACEMENTS ALTERNATIFS

La diversification de portefeuille peut aller au-delà des placements traditionnels que sont les actions et les obligations. «Un investisseur peut mettre 10 à 20% de ses actifs dans les placements alternatifs», suggère M. Landry.

Cela peut vouloir dire investir dans les projets d'infrastructure, dans les matières premières... quoique la Bourse canadienne est déjà très lourde en ressources naturelles. Certains FNB investissent dans un panier de placements alternatifs (iShares Alternatives Completion Portfolio Builder Fund, iShares Global Completion Portfolio Builder Fund).

Les placements alternatifs peuvent aussi inclure les fonds à rendement absolu, qui mettent l'emphase sur la préservation du capital, plutôt que sur la performance par rapport à un indice. «C'est bien beau de battre l'indice en relatif, mais si l'indice perd 10% et que vous perdez 8%, vous n'êtes pas très avancé», dit M. Landry.

9. DES HYPOTHÈQUES COMME ALTERNATIVE AUX OBLIGATIONS

Les taux d'intérêt resteront faibles au moins jusqu'en 2014. N'empêche, si vous êtes à la retraite, il faut garder des titres à revenus fixes dans votre portefeuille. Assez pour assurer votre train de vie durant trois à cinq ans, dit Mme Bronsard. «Si les titres boursiers chutent, vous ne serez pas obligé de vendre à perte», explique-t-elle.

Quand on dit revenus fixes, on parle de fonds de marchés monétaires, d'obligations, de certificats de revenus garantis... qui ne rapportent pas beaucoup plus que 2% par an. Une alternative? Les fonds d'hypothèques commerciales, avance Mme Bronsard. Mais seulement une poignée de fonds d'hypothèques sont offerts au grand public (Banque Nationale hypothèque, TD Hypothécaire).

10. SONGEZ À UNE RENTE VIAGÈRE... POUR PAYER L'ÉPICERIE

Pour ceux qui n'ont pas de régime de retraite, la rente viagère est à considérer. «Non, ce n'est pas le meilleur moment pour acheter une rente, parce que les taux d'intérêt sont bas, admet M. Dupras. Mais ça permet de se garantir des revenus pour sa vie durant.»

L'idée est de couvrir ses dépenses essentielles. Si vous avez besoin de 25 000$ pour vivre et que vos rentes actuelles ne vous procurent que 20 000$, vous pourriez acheter une rente qui vous assurerait 5000$ par année jusqu'à la fin de vos jours.

Attention: il faut magasiner, consulter un courtier qui vous présentera une dizaine de soumissions. D'un assureur à l'autre, on voit facilement un écart de 10% pour des rentes très similaires, avance M. Dupras. Ce n'est pas rien!

À votre décès, la rente peut être réversible, ce qui permet à votre conjoint de continuer à recevoir 60% du montant. La rente peut aussi être garantie, durant 5 ou 10 ans, ce qui est utile pour des gens qui ont des enfants toujours aux études, ou une hypothèque à payer pendant encore quelques années.

Prenez le temps de réfléchir: l'achat d'une rente est une décision irréversible: impossible de récupérer son capital par la suite.