Mourir, personne ne peut y échapper. Mais éviter la maladie et la souffrance, voilà ce qu'espèrent la plupart des gens.

Malheureusement, Gilles, de Montréal, n'aura pas cette chance. Dans quelques mois, l'homme de 55 ans devra passer sous le bistouri pour se faire ôter une tumeur. Une opération qui devrait bien se passer, puisque ses médecins estiment son taux de réussite à 85 %. N'empêche, Gilles est stressé, car il demeure toujours un faible risque de rester invalide ou même de quitter ce monde plus tôt que prévu.

«Plus on se rapproche de l'opération, plus je suis anxieux, dit-il. Je commence à faire de l'insomnie.»

La santé avant tout, ça c'est certain. Mais cette situation, Gilles l'admet sans détour, l'inquiète aussi quant aux répercussions qu'elle pourrait entraîner sur les finances de son couple et sur sa retraite. D'autant plus que sa conjointe, Émilie, 55 ans, a elle aussi une santé fragile, étant en congé d'invalidité depuis 2009. Oui, il pourrait toujours travailler à temps partiel après sa convalescence, mais, idéalement, il préfèrerait arrêter l'an prochain, une fois le cancer derrière lui.

Pour sa retraite, Gilles n'a pas de plans mirobolants. Un voyage dans le Sud de temps en temps, jouer un peu au golf l'été, regarder le hockey à la télé, l'hiver. Avec Émilie, il aimerait conserver la maison le plus longtemps possible. Pour ses vieux jours et ceux de sa bien-aimée, il estime qu'un revenu annuel avant impôt de 40 000 $ devrait suffire.

«Mes projets sont-ils en périls?» se demande-t-il.

Une indemnité imposable

Le couple est propriétaire d'une maison de 300 000 $, libre d'hypothèque. Claude possède pour 185 000 $ en REER; Émilie en a pour 150 000 $. Comme ils ont toujours eu un bon contrôle sur leurs finances, ils ont pu éviter les dépenses superflues. Si bien qu'ils n'ont aucune dette.

Pour le moment, Claude touche un salaire de 65 000 $ annuellement; à son départ, il touchera une indemnité d'invalidité estimée à 50 000 $. Il aura également droit, dès janvier 2013, à une rente de retraite - diminuée, car hâtive - de son employeur de 600 $ par mois, non indexée. Émilie reçoit une rente mensuelle d'invalidité de 750 $, soit 9000 $ par an. Ce montant imposable se terminera toutefois lorsqu'elle aura 65 ans; Émilie commencera alors à recevoir la rente mensuelle de la Régie des rentes du Québec (RRQ) de 780 $. Elle touchera aussi, à partir de 65 ans, la prestation fédérale de sécurité de la vieillesse (PSVP) de 530 $ par mois.

Lorsque l'on reçoit une somme forfaitaire lors d'une terminaison d'emploi, comme celle que recevra Gilles, il est possible de transférer directement dans le REER une somme équivalente à 2 00 $ par année de service avant 1996, plus 1500 $ par année de service avant 1989, si l'employé ne participait pas à un régime de retraite auprès de son employeur, explique Pierre Renaud, planificateur financier principal pour le Québec du Groupe Scotia. Malheureusement pour Gilles, puisqu'il travaille pour cet employeur depuis 1999 et qu'il ne possède pas, non plus, de droits de cotisations inutilisés à son REER, la somme de 50 000 $ sera entièrement imposée à la source par son employeur. Le dépôt net avoisinera les 26 000 $.

Le spécialiste sort sa calculette

Avec l'accord de Gilles et Émilie, Pierre Renaud a simulé un budget-retraite équivalent à 80 % de leurs dépenses actuelles (4000 $ par mois), ce qui donne 3200 $ par mois (arrondis à 40 000 $ par année) à partir de janvier 2013. ce montant sera indexé de 2,25 % par an pour respecter les normes de projection de l'Institut québécois de planification financière. M. Renaud a aussi pris pour hypothèse un taux de rendement sur les placements du couple de 4 % par an.

Dès janvier 2013, les revenus du couple passeront de 74 000 $ bruts à environ 17 000 $. Il y a donc un déficit de 23 000 $ à combler pour attendre les 40 000 $ annuels de revenus souhaités. Pour 2013, Pierre Renaud propose d'y aller comme suit: 20 000 $ des 26 000 $ touchés de l'indemnité de départ seront d'abord investis de façon prudente, idéalement dans des CELI partagés entre les deux conjoints afin d'éviter l'imposition des revenus d'intérêts. Les 6000 $ restants seront retirés en 2013, auxquels s'ajoutera une somme de 12 000 $ tirée du REER de Gilles.

Il reste donc 5000 $ à aller chercher. D'où proviendront-ils? Des enfants! Eh oui, les deux enfants du couple ont terminé leurs études depuis peu. Ils s'étaient engagés à rembourser à leurs parents les 35 000 $ (sans intérêt) qu'ils avaient avancés pour eux pour les aider. Dès 2013, Gilles et Émilie recevront donc 5000 $ par année, et ce, pendant 7 ans.

Pour les années qui suivent, Pierre Renaud estime que des retraits annuels d'environ 20 000 $ des REER de Gilles combleront le manque à gagner jusqu'à la fin de 2016. À partir de 2017 commenceront les versements de la RRQ (Gilles et Émilie auront alors 60 ans), ce qui diminuera le besoin des retraits REER d'autant.  Cinq ans plus tard, s'ajouteront les versements de la PSV  et la conversion de leurs REER en FERR (retraits minimums seulement). Tout cela assurera le maintien du style de vie.

En contrôlant leur train de vie, et si aucun imprévu ne vient perturber leur plan, Gilles pourra donc prendre sa retraite au moment souhaité. Mieux, les actifs du couple actifs auront même pris de la valeur à l'aube du 91e anniversaire de chacun, en 2047. Ils vaudront 935 000 $ et seront constitués de la résidence principale de 670 000 $, des FERR de 100 000 $, des CÉLI de 80 000 $ et un surplus accumulé de 85 000 $.

Presque un million de dollars. Ça ne remplacera pas la santé, mais ce n'est pas si mal tout compte fait...

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LA SITUATION


Malade, il est très possible que, à la suite d'une intervention chirurgicale prévue pour 2012, Gilles, 55 ans, ne puisse plus conserver mon emploi actuel. Ses projets de retraite sont-ils en péril?

LES DONNÉES

Gilles 55 ans

Salaire: 65 000 $ annuel

REER: 185 000 $

À recevoir des enfants: 35 000 $

Résidence principale: 300 000 $ (conjointement)

Émilie 55 ans

En congé d'invalidité

Revenu: Rente d'invalidité mensuelle de 750 $

REER: 150 000 $

Aucune dette

LA RECOMMANDATION

Malgré des revenus limités, Gilles et Émilie pourront faire face à des problèmes de santé qui les empêcheront de travailler jusqu'à 60 ans. Ils ont mis de l'argent de côté dans leur REER, ont pris très peu de risque dans leurs choix d'investissement et n'ont aucune dette.  L'indemnité de départ que recevra Claude servira de pont entre sa retraite prématurée et son objectif initial de 60 ans. La combinaison actuelle de discipline budgétaire et d'épargne leur permettra de profiter de leur retraite.

«L'indemnité de départ que recevra Claude servira de pont entre sa retraite prématurée et son objectif initial de 60 ans. La combinaison actuelle de discipline budgétaire et d'épargne leur permettra de profiter de leur retraite.»

- Pierre Renaud, planificateur financier principal pour le Québec du Groupe Scotia

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