Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Bourdon, de Fiera Sceptre.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

L'élément significatif de la semaine, ce sont les banques centrales qui sont venues à la rescousse. Elles vont faire tout ce qui est possible et imaginable pour stimuler l'économie. La Banque Suisse est intervenue pour fixer le taux de change à 1,20 francs suisses pour un euro. Elle est prête à tout pour éviter que la surévaluation du franc, considéré comme une valeur refuge en Europe, nuise aux entreprises et à l'économie de la Suisse qui est un grand pays exportateur.

La Banque de Suède et la Banque du Canada ont changé de ton : elles sont maintenant sur le neutre, alors qu'on s'attendait à des hausses de taux d'intérêt il y a encore quelques semaines. La Banque centrale européenne a aussi fait volte-face.

Et puis, la Réserve fédérale américaine (Fed) est prête lancer une opération « twist ». Cela consiste à vendre des obligations de court terme et à acheter des obligations de long terme. L'objectif est d'aplanir la courbe des taux d'intérêt (en relevant les taux à court terme et en abaissant ceux à long terme) afin de stimuler l'économie.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment ?

On suit la situation sur le marché du travail aux États-Unis, dans la foulée du discours du président Obama. On observe aussi l'offensive de la Fed qui, si elle ne parvient pas à relancer l'économie, a quand même de fortes chances de relancer la Bourse, à court terme.

Que feriez-vous avec 10 000 $ à investir ?

J'investirais la moitié en actions nord-américaines. Avec l'autre moitié, je resterais défensif en achetant des obligations de projets d'infrastructure réalisés en partenariat public-privé (PPP). Par exemple, les obligations du Centre universitaire de santé McGill qui viennent à échéance en 2043 offrent un rendement courant de 4.6 %, alors que des obligations gouvernementales comparables procurent un rendement de 2.9 %. C'est un écart qui est attrayant.

Sinon, on peut aussi choisir des obligations de sociétés canadiennes avec une échéance à long terme, comme celle de Teranet Holding qui a un monopole en Ontario pour fournir l'information sur les cadastres. Ses obligations qui viennent à échéance en 2041 ont un rendement courant de 5.7 %.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

Tous les placements (actions et obligations) qui sont libellés en euros.

La Banque centrale européenne devient beaucoup moins agressive, alors qu'elle parlait encore récemment de hausses des taux d'intérêt. Maintenant, il est probable que la moitié des pays européens se retrouvent en récession. Et il y a un conflit de plus en plus évident entre les pays européens : ceux qui reçoivent l'aide et ceux qui doivent payer. Tout est là pour qu'on assiste à une montée du populisme cette année. Les marchés resteront très volatils. L'euro pourrait baisser à 1,20 $US, par rapport à 1,39 $US en ce moment.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement ?

Ce qui nous a surpris l'an dernier, et qui pourrait encore nous surprendre cette année, c'est que le prix du pétrole reste élevé malgré la faible croissance économique. Le prix du pétrole reflète la nouvelle théorie d'un sommet de la capacité de production (peak oil) avec un nouvel équilibre entre l'offre et la demande à long terme. De plus, il y a une nouvelle dynamique de révolte populaire à l'échelle planétaire, comme on l'a vu en Égypte, en Syrie... et même à Londres. Dans ce contexte, je ne serais pas étonné que le pétrole touche 125 $US.