De plus en plus de consommateurs se questionnent sur les pratiques commerciales de leur médecin. Leur malaise est symptomatique de la place grandissante du privé dans le système de santé au Québec.

À la mi-mars, le Collège des médecins du Québec a d'ailleurs fait une sortie publique pour dénoncer la confusion entourant les frais imposés par les médecins.

Les patients n'ont pas l'habitude de payer pour une consultation. La vaste majorité des médecins participe à la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ).

Or, la médecine privée est en croissance constante au Québec. Les médecins peuvent se retirer de la RAMQ et faire cavalier seul. Depuis trois ans, leur nombre a bondi de 26%. Actuellement, on dénombre 218 médecins non participants, soit 141 omnipraticiens et 77 spécialistes. Cela représente 1,5% de l'ensemble des médecins.

Ces médecins peuvent demander les prix qu'ils veulent. C'est la loi du marché. Le problème, c'est que les patients ne réalisent pas toujours qu'ils sont face à un médecin privé.

Prenez Paloma. En décembre dernier, elle a consulté une dermatologue pour faire enlever un grain de beauté à sa fille de 17 ans. «Jamais lors de la prise du rendez-vous, il n'a été question que la clinique était privée et qu'il y aurait des frais», affirme-t-elle.

Sur place, la réceptionniste a demandé à la jeune fille sa carte d'assurance-maladie et lui a indiqué qu'il y aurait des frais de 40$ pour l'intervention. Mais, lorsque la mère est revenue chercher sa fille, on lui a tendu une facture de 170$, incluant des frais de 130$ pour la consultation.

Face à la surprise de la mère, la réceptionniste a brandi un avis de «non-participation» qu'elle avait fait signer à la jeune patiente avant la consultation. «Nous sommes maintenant non participants. Nous ne pouvons réclamer le paiement de nos honoraires à la RAMQ. Vous devez donc payer directement le coût des services assurés que nous vous fournirons», mentionne l'avis.

La jeune fille a signé sans comprendre. Lasse de s'obstiner avec la réceptionniste, Paloma a payé la facture qui ne sera pas remboursée par son assureur privé. Mais la dame considère que les médecins privés devraient dévoiler leurs prix, au lieu de faire signer un avis plus ou moins clair. Et les frais devraient être précisés au téléphone, au moment de la prise de rendez-vous, car après avoir patienté des mois pour voir le médecin (même au privé, l'attente est parfois longue), le patient n'a pas envie de tourner les talons à cause du prix.

Côté public, il y a aussi de la confusion. Les médecins qui participent à la RAMQ ne peuvent pas facturer pour des consultations. Par contre, ils peuvent exiger des frais pour des actes qui ne sont pas couverts par la RAMQ.

Par exemple, le médecin peut facturer pour une échographie ou un examen par résonance magnétique à l'extérieur de l'hôpital, pour un agent anesthésique ou un médicament (ex: azote liquide pour le traitement des verrues), pour une visite faite dans le seul but d'obtenir le renouvellement d'une ordonnance, pour des services purement esthétiques, pour un rendez-vous manqué ou pour remplir des formulaires de remboursement d'assurance.

Il peut aussi demander des frais pour une consultation téléphonique. C'est ainsi que DocTel donne accès à un médecin au téléphone pour 38$, comme nous l'avons révélé cette semaine après avoir été informé de ce nouveau service par une lectrice de cette chronique.

Les médecins sont libres d'exiger les prix qu'ils jugent raisonnables. Par exemple, les ophtalmologistes ont pris l'habitude de faire payer de 10 à 20$ pour des gouttes qui permettent de dilater les pupilles lors de leur examen. «Je crois que c'est extrêmement cher pour deux gouttes de ce produit. Je soupçonne que ces spécialistes ont trouvé un moyen détourné d'augmenter leurs revenus», dit Ronald.

Mais ce n'est rien: certains exigent 200$ pour des gouttes ophtalmiques qui en coûtent 15$. Insensé, juge le Collège des médecins.

Par contre, les médecins participants à la RAMQ n'ont pas le droit de demander des frais pour ouvrir ou gérer un dossier, explique le porte-parole de la RAMQ, Marc Lortie.

La Régie mène présentement 11 enquêtes sur des médecins ou des cliniques qui auraient facturé des frais illégaux aux patients, notamment pour des bilans de santé ou des forfaits. Trois coopératives de santé sont visées (La Prairie, Gatineau et Pointe du lac) ainsi que Plexo, MedSync, Medisys, Globale santé Express, Physimed, Rockland MD, Clinique chirurgicale de Laval et le Dr Pierre Mailloux (radié pour deux ans). «Si les gens ont des raisons de croire qu'on leur demande des frais qu'ils ne devraient pas payer, ils peuvent toujours nous écrire», dit M. Lortie. La Régie rembourse le patient et se compense auprès du médecin ou de la clinique. L'an dernier, la Régie a accepté 2181 demandes de remboursement totalisant 829 607$, plus du double de l'année précédente.