Ils se rejoindront à la retraite au début de l'été.

Huguette, âgée de 65 ans, est retraitée depuis cinq ans. Son conjoint Jean-Pierre prendra la sienne en juillet, à son 63e anniversaire.

«Nous réalisons que nos revenus seront à la baisse», s'inquiète cependant Huguette.

Elle touche une rente de retraite de 950$ par mois. Avec les rentes publiques, elle reçoit un revenu de 24 150$ par année.

Jean-Pierre touchera de petites rentes de retraite disparates totalisant 2385$ par année. Il a épargné 110 000$ en REER et il a accumulé environ 150 000$ dans le régime de retraite à cotisation déterminée de son employeur. L'assureur vie du régime lui a soumis le dilemme suivant: veut-il utiliser ces 150 000$ pour acheter une rente viagère ou préfère-t-il les transférer dans un compte de retraite immobilisé (CRI), qui sera éventuellement converti en Fonds de revenu viager?

Match comparatif

Le couple croyait devoir prendre cette décision avant la retraite de Jean-Pierre, d'où un sentiment d'urgence. Guylaine Dufresne, directrice, planification financière à la Banque Laurentienne, les a rassurés. «Je leur ai expliqué que rien ne pressait puisque la décision d'acheter une rente pouvait se prendre à n'importe quel moment», relate la planificatrice.

L'assureur vie mandaté par l'employeur de Jean-Pierre lui propose une rente à vie de 882$ par mois. Pas d'inquiétude à l'égard de sa longévité, donc. À son décès, la rente serait réversible à sa conjointe à 60% de sa valeur. Huguette toucherait alors 529$ jusqu'à son propre décès.

L'autre avantage de la rente est la stabilité des revenus. «On n'a donc pas à se demander si les taux d'intérêts sur nos placements seront assez élevés pour donner les revenus escomptés», souligne Guylaine Dufresne.

Mais cette stabilité est assortie d'une grande rigidité. Une fois arrêté, ce choix est irréversible. En outre, la rente n'est pas indexée au coût de la vie. À mesure que les années passent, ces mêmes 882$ achètent de moins en moins de biens et services.

Le compte de retraite immobilisé offre pour sa part une plus grande souplesse. Le retraité retire le montant approprié au moment propice, dans la mesure où il respecte les règles de retraits minimaux et maximaux. Toutefois, le rendement des placements choisis pourrait être décevant, obligeant le rentier à trop gruger son capital afin de soutenir son coût de vie.

Comment savoir quelle formule est la plus rentable? En comparant les actifs du ménage à la fin de leurs jours, selon les deux scénarios de retraite.

Le couple ne pense pas vivre jusqu'à 90 ans. Mais au cas où l'un d'entre eux connaîtrait tout de même cette malencontreuse longévité, la planificatrice prend la précaution de supposer leur dernier souffle à 90 ans. Elle applique un taux d'inflation de 2,5% aux dépenses du couple, établies à 39 000$ par année tant que le prêt auto d'Huguette n'est pas acquitté, et à 36 000$ ensuite. Notons qu'à partir du 65e anniversaire de Jean-Pierre, les rentes publiques du couple et la rente de retraite d'Huguette combleront presque ces besoins, de telle sorte que leurs épargnes de retraite seront peu sollicitées. La planificatrice fixe enfin un rendement conservateur de 4% pour les placements.

À la fin du match, en 2037, c'est une quasi égalité. Avec le scénario du CRI, les actifs totaux du couple sont supérieurs d'à peine 6000$ sur ceux du scénario de la rente viagère.

Corollaire: plus Jean-Pierre meurt jeune, moins la rente viagère est rentable. Car le CRI présente cet autre avantage de pouvoir être intégralement transféré sans impact fiscal au conjoint survivant en cas de décès. Au décès du second conjoint, les actifs, une fois l'impôt acquitté, sont versés aux héritiers.

Dans le cas de la rente viagère, la rente diminue si Jean-Pierre décède le premier, puis disparaît totalement au second décès, sans égard au capital qui a été cédé. Pour minimiser cet inconvénient, la rente viagère est habituellement assortie d'une garantie - dans notre cas de dix ans. Si Jean-Pierre et Huguette décédaient avant que ces 120 mois soient écoulées, leurs héritiers toucheraient la valeur des rentes qui resteraient à percevoir jusqu'à la fin de cette période.

En résumé, rien ne presse. «Ils peuvent attendre de voir comment ils s'adaptent financièrement à leur nouvelle situation de retraités», suggère Guylaine Dufresne.

Et rien n'empêche non plus Jean-Pierre de combiner le meilleur des deux mondes en versant une partie du capital du régime dans un CRI et en achetant une rente viagère avec le reste. «Étant donné que nul ne peut prédire l'avenir, conclut la planificatrice, c'est souvent un choix judicieux.»