L'épargne des Canadiens s'est rarement aussi mal portée: un Canadien sur trois n'économise pas le moindre sou, selon une enquête publié fin mai par CGA-Canada. L'endettement des ménages est une véritable épidémie: il a atteint un sommet de 1300 milliards de dollars à la fin de 2008, soit 40 000$ par habitant - le double de ce qu'il était en 2000.

Les budgets en phase terminale se répandent: en mars 2009, les cas d'insolvabilité - faillites et propositions de consommateurs - étaient en hausse de 57% par rapport à la même période de 2008. «Les indicateurs de la santé financière des ménages se sont détériorés de façon significative en 2007 et particulièrement en 2008», indique ce rapport.

 

Et vous, comment vous sentez-vous, côté portefeuille? Inconfort? Malaise? Douleur?

Rien n'est perdu. Vous pouvez vous remettre sur pied.

C'est l'objectif du document que vient de publier l'ACEF de l'Est de Montréal, Retrouver la santé financière, dont s'inspire ce dossier.

L'organisme à but non lucratif, qui offre depuis 30 ans conseils et formations sur le budget, l'endettement et la consommation, a condensé son expérience dans un guide de 43 pages.

Les cours sur le budget de l'ACEF de l'Est de Montréal n'ont jamais été aussi populaires. Le nombre de groupes a doublé cette année. Les temps économiques difficiles y sont probablement pour quelque chose: ces personnes veulent en quelque sorte faire de la prévention budgétaire. En d'autres mots, se vacciner contre les problèmes.

Mais si le mal est déjà installé, voici le chemin de la guérison.

AVEZ-VOUS DES SYMPTÔMES?

Quels sont les symptômes d'une piètre santé financière? La conseillère budgétaire Lise Morin en énumère quelques-uns: «Pas d'épargne, factures payées en retard, stress, gestion compliquée, anxiété causée par l'endettement.»

Elle décrit quatre critères de bonne santé - quatre objectifs.

Le premier: le compte de banque doit maintenir un fonds de roulement correspondant à un mois de dépenses fixes - loyer, télécommunications, électricité, mensualités d'emprunts... Le solde ne doit pas descendre sous ce seuil. Ainsi, les imprévus ne menaceront pas le paiement du loyer. «Ta paie va s'asseoir sur ton fonds de roulement», explique la conseillère.

Plus ardu, il faut en outre constituer un fonds d'urgence facilement encaissable, équivalent à trois mois de dépenses. Celui-là servira à amortir les ennuis majeurs - séparation, maladie, perte d'emploi...

En troisième lieu, il faut s'affranchir du crédit variable, qu'on distingue des dettes contractées pour des actifs importants: maison, véhicule, chalet, bateau...

Enfin, on doit réussir à vivre légèrement au-dessous de ses moyens.

AUSCULTEZ-VOUS

La première étape sur la voie de la guérison consiste à tâter votre bilan financier. Ce bilan oppose votre actif à vos dettes.

Votre actif est constitué de vos liquidités, de la valeur de rachat de vos assurances vie, de vos épargnes et de vos placements, enregistrés (REER) ou non. Ajoutez-y la valeur de vos propriétés - maison, chalet, terrains - et des autres biens importants - véhicule, roulotte, bateau, etc.

D'un autre côté, faites la liste de vos dettes: soldes de cartes et de marges de crédit, emprunts, prêt auto, hypothèque, etc.

Le total des biens (actif) moins le total des dettes (passif) vous donne votre avoir net. Sauf durant les premières années sur le marché du travail, ce bilan devrait normalement être positif.

Cet exercice devrait être répété une fois l'an à date fixe, recommande Hélène Bronsard, vice-présidente de Raymond Chabot gestion privée et planificatrice agréée. «Il permet de vérifier si on a progressé ou pas. Il faut que le bilan se soit amélioré davantage que le taux de l'inflation», avise-t-elle.

Le bilan permet aussi de constater où sont concentrés les actifs et les dettes. Il peut s'améliorer autant par l'accroissement des actifs que par la diminution des dettes.

Une radiographie des dépenses

La seconde auscultation se fait sur le coeur du problème: la situation budgétaire. Il n'y a (malheureusement) qu'une façon d'y parvenir: dresser la liste des revenus et des dépenses du ménage. Il sera peut-être nécessaire de suivre les dépenses à la trace pendant quelques semaines et de les inscrire dans une grille budgétaire. Certains outils faciliteront le travail, comme le logiciel BudgetExpress ou le guide Finances personnelles de Protégez-vous.

LE DIAGNOSTIC

Si vos revenus excèdent vos dépenses, vos finances se portent bien. S'ils équilibrent tout juste les dépenses, c'est l'équivalent d'un surmenage, qui vous rend vulnérable au premier microbe économique venu.

Un léger déficit montre déjà une carence qu'il faudra corriger si vous ne voulez pas plonger plus avant dans l'anémie. Si le déficit est important, un remède plus drastique s'imposera.

Examen au microscope

Confirmons le diagnostic par un examen détaillé. Lise Morin suggère à cet effet la révision et la remise en question de certains aspects de votre hygiène de vie - c'est-à-dire de vos dépenses. «Je n'utilise peut-être pas tous mes nombreux services de télécommunications», donne-t-elle en exemple.

L'habitation, l'alimentation et le transport monopolisent les trois quarts des dépenses d'un ménage. Ce sont ces postes qui devraient d'abord être placés sous le microscope. Quelques exemples de questions suggérés par l'ACEF: les dépenses de meubles, de décoration et de rénovation frôlent-elles la compulsion? Le transport pèse-t-il d'un poids excessif sur le budget? Est-ce que je planifie les repas de la semaine?

Les dépenses variables, celles qui ne sont pas liées à des obligations de paiement, sont en théorie plus faciles à restreindre que les dépenses fixes. Mais parce qu'elles correspondent au mode de vie personnel, leur compression est particulièrement douloureuse. Dans leur cas, la question fondamentale est donc celle-ci: mes habitudes de consommation m'apportent-elles une satisfaction proportionnelle à l'argent qui y est investi?

Même auto-examen attentif pour les dettes, dont plusieurs sont liées aux habitudes d'achat. Est-ce que j'abuse des paiements étalés? Ai-je recours au crédit pour les dépenses imprévues? «Il faut prendre le temps de décortiquer combien je dois, à qui, le taux d'intérêt, combien la dette me coûte», conseille Lise Morin. «Quand quelqu'un a besoin de payer son crédit avec du crédit, les voyants rouges devraient s'allumer et éclairer toute la pièce.»

LE TRAITEMENT

Il y a deux cures: la progressive et la désespérée. La première s'étend sur un maximum de deux ans.

Son objectif consistera à rembourser en priorité les dettes de crédit variable portant les plus hauts taux d'intérêt.

Si nécessaire, vous pouvez consolider vos dettes avec un nouveau prêt négocié avec votre institution financière. Vous pouvez également en transférer une partie dans un autre instrument de crédit moins coûteux. Chose certaine, fuyez les redresseurs de crédit et autres compagnies de finance aux dents acérées.

Deux questions sont essentielles, selon l'ACEF de l'Est: à combien s'élèvent vos dettes les plus coûteuses? Combien devriez-vous verser chaque mois pour vous en libérer en deux ans?

Cette mensualité, il faudra réussir à la caser dans votre budget. Vous devrez donc établir un budget transitoire. Pour chaque poste de dépense, évaluez combien vous pouvez économiser chaque mois, de façon réaliste. Le guide Retrouver la santé financière contient des grilles à cet effet, mais vous pouvez travailler avec n'importe quel outil budgétaire.

«Je cherche à me ramener à la case départ avec une seule carte de crédit à zéro, définit Mme Morin. Ce peut être une période difficile, mais si je la vois comme une période de transition de 12 ou 18 mois, ça peut m'aider à passer au travers.»

Si vous ne prévoyez pas pouvoir liquider vos dettes de crédit variable en deux ans ou moins, il faut poser un diagnostic plus sévère: vous êtes surendetté.

Le remède de cheval

Une consultation auprès d'un spécialiste s'impose alors: prenez rendez-vous avec un conseiller budgétaire dans une association de consommateurs.

La solution sera peut-être douloureuse - ni plus ni moins qu'une ablation.

Trois opérations sont possibles. Au Québec, le dépôt volontaire, dont les conditions sont décrétées par un tribunal, étale le remboursement des dettes sur trois ans, à taux fixe, au moyen d'une ponction automatique sur le salaire. Pour plus d'information: ministère de la Justice du Québec, www.justice.gouv.qc.ca.

La proposition de consommateur est plus courante. En vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, vous pouvez vous entendre avec vos créanciers pour réduire la dette, en allonger le remboursement jusqu'à cinq ans ou faire un mélange des deux. Approuvée par des inspecteurs et administrée par un syndic, cette mesure vous permet de conserver votre actif.

Sinon, reste la faillite, qui vous libère de la plupart de vos dettes et vous permet de repartir du bon pied, mais au prix d'une partie de votre actif et d'un dossier de crédit durablement entaché.

Bureau du surintendant des faillites du Canada: www.osb-bsf.ic.gc.ca

La cure holistique

Pour vous simplifier la vie et vous éviter une pénible remise en question budgétaire, il existe une façon simple de réduire les dépenses et d'économiser. Elle consiste à retirer automatiquement de votre compte, dès versement des salaires, une proportion fixe du revenu net - 10%, par exemple. Cette somme, tout aussi automatiquement, est appliquée au remboursement accéléré des dettes prioritaires. Une fois qu'elles sont acquittées, la même discipline sert à constituer les fonds de roulement et d'urgence, puis les épargnes. «On ne voit pas cet argent passer et on vit avec son revenu disponible», décrit Lise Morin.

Et peu à peu, on se reconstruit une santé.