Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Rochon, de Giverny Capital.

Q: À votre avis, quel est l'événement le plus significatif de la semaine en Bourse?

Ce qui m'a frappé, ce sont les statistiques sur la balance commerciale (la différence entre les exportations et les importations). D'une part, le Canada a affiché un premier déficit en plus de 30 ans, ce qui est un peu inquiétant pour notre économie dont la croissance dépend beaucoup des exportations. Et d'autre part, le déficit des États-Unis était en forte baisse, ce qui est un bon signe car c'était un de leurs problèmes majeurs. Ce sont de gros changements de tendance par rapport aux cinq dernières années.

Q: Que surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Notre critère numéro 1, c'est la qualité du bilan. Et c'est encore plus vrai ces temps-ci, car il y a des entreprises dont les profits baissent, d'autres qui deviennent déficitaires. Si elles n'ont pas un beau bilan, elles ne passeront pas à travers la récession.

Q: Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je regarderais les banques aux États-Unis. Leurs titres sont extraordinairement déprimés. Certaines vont disparaître, mais celles qui vont s'en sortir vont ramasser tout le marché.

Par exemple, des actions de Wells Fargo constituent un excellent placement. C'est une banque solide, dont le titre est très bon marché. Dans le prochain cycle, elle dégagera environ 4$US de bénéfices par action et son titre se situe autour de 17$. Il peut facilement quadrupler.

Par contre, il est un peu tôt pour regarder du côté des banques canadiennes. Certains de leurs éléments d'actifs, de leurs prêts à risque, n'ont pas encore été dépréciés. Il y a un décalage par rapport aux États-Unis. Et au Canada, la correction du prix des maisons ne fait que commencer.

Par ailleurs, j'achèterais certainement du Walt Disney. C'est une des meilleures entreprises au monde et on peut l'acheter au tiers de sa valeur intrinsèque ces jours-ci.

Q: Quel placement évitez-vous à tout prix?

Si j'avais une chose à éviter, ce serait les titres aurifères et l'or en tant que tel. Il y a un engouement pour ça. Mais la mode risque de passer.

Et j'éviterais aussi comme la peste les obligations: les bons du Trésor de toutes les échéances, surtout celles de plus de cinq ans. Les gens ne le réalisent pas, mais les obligations donnent une garantie d'appauvrissement, en considérant l'inflation et l'impôt. Je trouve ça ridicule.

Moi, j'ai une approche assez différente. Je me dis qu'en ce moment, les investisseurs ont le choix entre les obligations qui rapportent 2% ou les actions qui vont faire au moins 15% par année, d'ici cinq ans. C'est le temps d'être à 100% en actions.

Q: Que lisez-vous en ce moment?

Je suis en train de relire L'Investisseurs intelligent, de Benjamin Graham.

C'est fascinant de voir à quel point ce qu'il a écrit en 1949 est encore vrai aujourd'hui. Le comportement des investisseurs reste le même. Dans les périodes d'euphorie, les gens achètent des actions à n'importe prix, dont ils sont prêts à se débarrasser à n'importe prix durant les périodes de crise.

On pense que la crise actuelle, c'est du jamais vu. Ben non! La nature humaine ne change pas. En lisant un livre qui a été écrit il y a 60 ans, ça aide à voir plus clair.

Q: Comment entrevoyez-vous l'avenir sur les marchés?

Il ne faut pas avoir peur des mots: c'est l'occasion d'une génération pour investir en Bourse. Il y en a eu une belle en 1974. Une autre dans les années 40. À chaque fois que les investisseurs ont eu le courage d'acheter, alors que l'évaluation des actions étaient tombée aux niveaux actuels, ils ont une eu occasion d'enrichissement extraordinaire.