Les temps sont plus durs dans la filière électrique après la pluie d’annonces des dernières années. Un peu partout dans le monde, des projets sont reportés ou contraints à une pause forcée. Nemaska Lithium, entreprise phare de l’écosystème québécois, ne jouera pas dans ce film, assure son copropriétaire.

« Nos discussions avec les constructeurs demeurent positives, affirme Sarah Maryssael, directrice générale pour le Canada et cheffe de la stratégie mondiale d’Arcadium Lithium, en entrevue avec La Presse. Rien ne nous indique, dans nos échanges, qu’il n’y a plus d’intérêt [envers nous]. »

Ce nouveau géant mondial – dont la valeur boursière oscille aux alentours de 7 milliards US – a officiellement vu le jour le 4 janvier dernier dans la foulée de l’officialisation du regroupement entre Livent et Allkem. Le Québec est concerné par ce mariage. La première entreprise détenait 50 % de Nemaska Lithium – l’autre moitié appartient à l’État québécois –, tandis que la seconde est derrière un projet de mine de lithium de 380 millions situé à une centaine de kilomètres à l’est de la Baie-James et de la communauté crie d’Eastmain.

Mme Maryssael, une ancienne cadre de Tesla parfaitement bilingue et établie à Montréal depuis environ 18 mois, se retrouve impliquée dans ces deux projets dans un contexte de ralentissement économique combiné à une dégringolade des prix du lithium après les sommets atteints à l’automne 2022.

Des projets annoncés en grande pompe sont désormais confrontés à des coups de frein. Aux États-Unis, Ford a notamment annoncé le report d’une usine de batteries avec un partenaire sud-coréen. General Motors (GM) et Honda ont mis fin à leur projet de construction d’un véhicule électrique à prix abordable.

« Je pense qu’il y a une confusion entre ce qui se passe aujourd’hui à court terme et la vision à long terme, affirme Mme Maryssael. Il y a un surplus dans la chaîne d’approvisionnement en Chine. Nous sommes un producteur orienté sur le long terme. Il n’y a rien qui nous limiterait dans l’avancement de ce projet [Nemaska Lithium]. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Sarah Maryssael est directrice générale pour le Canada et cheffe de la stratégie mondiale d’Arcadium Lithium.

Un premier client a été annoncé en mai dernier : Ford, qui construira des cathodes à Bécancour. D’autres clients potentiels font la file, assure Mme Maryssael, sans aller jusqu’à citer des noms.

« On a toujours beaucoup d’intérêt et on demeure sûrs qu’on en trouvera d’autres plus que le projet avancera, dit-elle. Les fabricants d’origine ont tendance à sécuriser leur approvisionnement de minéraux critiques auprès de producteurs réputés. »

Beaucoup d’argent

Nemaska Lithium ambitionne de transformer du lithium extrait de la mine de Whabouchi, à environ 300 kilomètres de la baie James, pour ensuite produire de l’hydroxyde de lithium – essentiel dans la fabrication des batteries lithium-ion pour véhicules électriques – dans le parc industriel de Bécancour. Le coût du projet de ces deux volets est estimé à environ 2 milliards (1,6 milliard US). La construction de l’usine a débuté. Le démarrage est prévu en 2026.

Jusqu’à présent, Québec s’est engagé à injecter jusqu’à 425 millions dans la deuxième mouture de l'entreprise, qui s’était placée à l’abri de ses créanciers à la fin de 2019, faisant perdre des dizaines de millions de dollars aux contribuables.

En annonçant leur regroupement, Livent et Allkem indiquaient avoir accès à des liquidités de 1,4 milliard US dans le but de financer leurs ambitions. Ce projet fait partie d’un groupe aux reins solides, souligne Mme Maryssael.

« Nous sommes aussi intégrés de la mine jusqu’à la raffinerie, affirme-t-elle. Cela fait en sorte que nous pouvons subir des changements de cycles. Et ce n’est pas la première fois qu’on le vit. »

Du côté de la Baie-James, Arcadium vient d’obtenir l’autorisation du Comité d’études des impacts environnementaux (COMEX) pour son projet de mine de lithium. Ce projet comprendrait notamment une fosse à ciel ouvert, un concentrateur de minerai et des aires de stockage. Il faudra construire une usine de transformation, mais Mme Maryssael n’a pas voulu dire si cela se fera au Québec ou ailleurs.

Chose certaine, elle aimerait voir les gouvernements soutenir financièrement les producteurs et raffineurs de la même manière qu’ils ont appuyé les usines de cathodes, d’anodes et de cellules de batteries.

« Pour continuer à développer et investir au Québec, nous devons bénéficier d’aides similaires. On ne demande pas plus d’argent, seulement d’être traités de la même manière. Il faut doubler, voire tripler la capacité [de raffinage] dans les années à venir si l’on veut alimenter cette chaîne locale au Québec. »

Arcadium Lithium en bref 

Création : 2024

Créneaux : Carbonate de lithium, hydroxyde de lithium, spodumène, produits spécialisés de lithium

Effectif : Plus de 2600 personnes dans le monde

Projets : 13

Présence géographique : Canada, États-Unis, Argentine, Australie, Chine et Japon

En savoir plus
  • 83 000 $ US
    Prix de la tonne d’hydroxyde de lithium en novembre 2022
    Source : BENCHMARK MINERALS
    15 000 $ US
    Valeur actuelle de la tonne d’hydroxyde de lithium
    Source : BENCHMARK MINERALS