(Montréal) Une famille noire de Montréal affirme avoir été victime de profilage racial lorsqu’elle a été expulsée d’un vol d’Air Canada à destination de la Floride après avoir déclaré au personnel que ses bagages n’avaient pas été chargés dans la soute.

Des membres de la famille Wright ont raconté mardi en conférence de presse leur version de leur mésaventure du 28 juillet à l’aéroport international Montréal-Trudeau.

Keith Wright a déclaré que sa fille avait fait part de ses inquiétudes à un agent de bord quant au fait que les sacs de la famille étaient toujours visibles sur le tarmac détrempé par la pluie. Leur vol de 19 h 30 avait été retardé en raison du mauvais temps et le pilote avait annoncé que certains bagages seraient laissés sur place, car l’avion excédait sa limite de poids.

Après que la famille Wright se fut exprimée, l’avion est retourné à la porte d’embarquement et le personnel a annoncé qu’il trouverait une solution.

M. Wright, âgé de 55 ans, a déclaré qu’un passager blanc qui s’était plaint du retard et avait demandé à partir avait été invité à débarquer avec son jeune fils. Mais à sa surprise, lui et sa fille ont également été invités à quitter l’avion sans qu’on leur ait dit pourquoi.

Sa fille, Jodi Smith-Wright, 31 ans, a insisté sur le fait que ni elle ni son père n’avaient élevé la voix ou été impolis.

« Je ne pouvais pas croire que poser une question puisse conduire à ce qui nous est arrivé et je crois que c’était [du profilage racial] parce que d’autres personnes se sont montrées vraiment préoccupées par leurs affaires lorsqu’elles ont entendu ma plainte. Personne d’autre n’a été invité à descendre de l’avion », a-t-elle témoigné.

Son père a déclaré que le fait d’être escorté depuis l’arrière de l’appareil avait créé un profond embarras. « [J’ai été] complètement, profondément blessé en tant qu’être humain que cela m’arrive », a-t-il relaté.

Sept autres membres de la famille – âgés de 5 à 60 ans – ont également été expulsés du vol. M. Wright a déclaré qu’une autre famille noire avait également été invitée à quitter l’avion, mais avait finalement été autorisée à rester lorsqu’elle avait déclaré qu’elle ne voyageait pas avec les Wright.

Mme Wright a déclaré qu’après que sa famille eut quitté l’avion, elle a été accueillie par six agents, dont des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada et la police de Montréal.

« Je ne pouvais pas croire ce qui se passait, simplement pour avoir demandé le service qu’Air Canada prétend fournir », a-t-elle laissé tomber.

La famille de neuf personnes a dû se démener pour trouver un autre vol après qu’un responsable d’Air Canada lui a annoncé qu’il leur serait interdit de voler avec le transporteur pendant 24 heures.

Les Wright ont finalement passé une nuit blanche à conduire trois véhicules personnels jusqu’à Syracuse, dans l’État de New York, pour prendre un vol de dernière minute le matin, arrivant vingt minutes à peine avant le départ de leur croisière, qui elle-même a coûté près de 12 000 $.

Avant de prendre un vol retour avec Air Canada, après la croisière, M. Wright a dû parler à un agent de la compagnie aérienne. « Ils me demandaient si j’allais me taire, et j’ai dû répondre que j’allais me conformer, comme si j’avais commis une sorte de crime majeur », a-t-il raconté.

La famille a annoncé mardi son intention de déposer des plaintes pour profilage racial auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, assistée du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), établi à Montréal.

Dans un communiqué transmis par courriel, Air Canada a confirmé qu’un groupe de passagers avait été débarqué à la suite d’un « incident à bord de l’avion ».

Christophe Hennebelle, vice-président aux communications d’entreprise, a déclaré que la compagnie aérienne ne discuterait pas des raisons qui ont conduit à cette décision, ajoutant que le transporteur traitait directement avec les clients.

« Ces mesures ont été prises uniquement pour la sécurité et le bien-être de nos autres clients et de l’équipage, a écrit M. Hennebelle. Si une plainte à ce sujet était déposée auprès des autorités compétentes, nous en profiterons à ce moment-là pour expliquer notre décision. »

Fo Niemi, directeur exécutif du CRARR, a déclaré que chaque membre de la famille pouvait réclamer jusqu’à 10 000 $ et que l’enquête de la commission ferait la lumière sur les prétendus problèmes de sécurité.

« Nous espérons que cet incident obligera non seulement Air Canada, mais aussi l’industrie du transport aérien, à élaborer une politique claire contre le profilage racial dans le transport aérien commercial », a déclaré M. Niemi.