(Ottawa) Pékin et Ottawa sont actuellement en pourparlers dans l’optique d’augmenter le nombre de vols entre la Chine et le Canada, à la suite d’accords américains et de la levée des restrictions liées à la COVID-19. Mais les querelles diplomatiques et le rythme progressif des changements dans le secteur de l’aviation pourraient prolonger les turbulences.

« C’est un problème politique ; je ne pense pas que ce soit une solution d’un jour ou que nous aurons le feu vert tout de suite », a déclaré Glynnis Chan, agente de voyages de longue date à Vancouver.

« La question la plus importante est la manière dont nos deux pays peuvent établir de bonnes relations afin de récupérer davantage de vols », a-t-elle ajouté.

Mme Chan affirme que les vols en classe économique vers la Chine coûtent à ses clients trois fois le prix qu’ils payaient en 2019.

L’agente estime que son secteur a besoin de la demande accrue des groupes de touristes pour convaincre les compagnies aériennes d’offrir davantage de vols. Pour l’instant, il y a une ruée pour les quelques vols disponibles de Vancouver vers la Chine, qui coûtaient auparavant un peu plus de 1000 $ pour un billet aller-retour en classe économique et qui coûtent maintenant souvent plus du double.

« En haute saison, le billet d’avion peut grimper jusqu’à 4000 ou 6000 $ ou quelque chose comme ça. C’est tout simplement fou », a-t-elle illustré.

Des règles « très lourdes »

Transports Canada confirme que le nombre hebdomadaire de vols entre les deux pays a considérablement diminué, passant de plus de 100 par semaine à l’été 2019 à seulement 10 par semaine cette saison.

L’accord de transport aérien existant entre le Canada et la Chine autorise chaque pays à effectuer 76 vols de passagers par semaine, à répartir entre leurs compagnies aériennes respectives.

À l’heure actuelle, Air Canada ne déploie toutefois que quatre vols par semaine vers Shanghai, tandis que les compagnies aériennes chinoises effectuent six vols passagers par semaine vers le Canada.

Ce déclin découle des règles strictes de la Chine concernant la COVID-19, qui, jusqu’en janvier, incluaient des limites sur les vols étrangers et des quarantaines et des tests fréquents pour les visiteurs.

Helane Becker, analyste du secteur aérien pour la société d’investissement Cowen, affirme que ces règles « très lourdes » ont obligé les compagnies aériennes mondiales à interrompre leurs vols, à faire des escales dans des pays comme la Corée du Sud, à Hong Kong ou aux Philippines pour remplacer leurs équipages. De cette façon, le personnel pouvait rester dans l’avion sans entrer dans le terminal.

« De nombreuses compagnies aériennes ont décidé de ne pas laisser leurs équipages coincés en Chine pendant 14 jours », a-t-elle expliqué. Aujourd’hui, avec la levée des restrictions, il n’y a toujours pas de vol direct entre la Chine et le Canada.

Mme Becker a ajouté qu’il y avait un retard dans la demande canadienne de vols vers l’Europe, avec un boom des voyages en 2023 survenant un an après que le continent ait levé les restrictions liées à la COVID-19. Elle soupçonne que la réouverture retardée de l’Asie entraînera davantage de vols en 2024.

« La demande sera certainement là, prévoit-elle. Les voyageurs d’affaires en particulier, qui n’ont pas vu leurs clients ni leurs usines depuis trois ans, veulent se remettre au travail. »

Tensions politiques

La tension politique qui divise Pékin et Ottawa depuis quelques mois a aussi pour effet de retarder la reprise des vols à une plus grande fréquence.

En mai, les libéraux ont expulsé un diplomate chinois pour un complot présumé visant à intimider un député conservateur, et le gouvernement Trudeau a été accusé de fermer les yeux sur l’ingérence étrangère.

Le gouvernement chinois rejette ces affirmations, ainsi que les reportages des journalistes canadiens et du responsable de l’éthique des entreprises d’Ottawa sur les allégations de travail forcé au sein de la minorité ouïghoure de Chine.

Ce mois-ci, la Chine a levé l’interdiction imposée par la pandémie sur les voyages de groupe dans de nombreux pays, mais a effectivement interdit à ses touristes de visiter des groupes au Canada.

Les deux pays affirment qu’ils sont en pourparlers pour augmenter le nombre de vols, Ottawa laissant entendre qu’il pourrait rechercher un accord similaire à celui des États-Unis avec la Chine.

« La réouverture du marché du transport aérien Canada-Chine est en cours d’évaluation, et les responsables canadiens sont en discussion avec leurs homologues chinois sur cette question », a écrit la porte-parole de Transports Canada, Sau Sau Liu.

L’ambassade de Chine à Ottawa se dit impatiente de parvenir à la signature d’un accord.

« Nous espérons que la partie canadienne pourra travailler de concert avec la partie chinoise pour faciliter les échanges entre nos deux peuples », a écrit un porte-parole.