Réal Bouclin n’a pas seulement besoin d’argent pour conserver des morceaux de Groupe Sélection. L’homme d’affaires est aussi personnellement talonné par un partenaire qui lui réclame 18 millions de dollars et menace de saisir sa luxueuse résidence de Laval.

Le créancier à bout de patience, Financement Projets Québec inc. (FPQ), appartient à une société du Luxembourg contrôlée par deux hommes d’affaires d’origine française, Luc et Franck Resslen. L’entreprise a commencé ses prêts au magnat déchu des résidences privées pour aînés (RPA) dès 2019, à travers l’une de ses nombreuses entreprises, Financement Réal Bouclin inc.

FPQ lui a accordé quatre prêts totalisant 54,5 millions, à des taux d’intérêt de 7 % à 10,5 %, en prenant des garanties sur la demeure de l’homme d’affaires, dans le quartier cossu de Laval-sur-le-Lac.

Selon les documents fonciers qu’a consultés La Presse, l’entreprise lui a accordé en décembre un nouveau prêt de 6 millions. Bouclin tentait alors de retarder la liquidation de Sélection, sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), et de trouver des partenaires pour garder le contrôle de certains morceaux de son empire immobilier.

Maison en garantie

Pour garantir ces dettes, l’homme d’affaires a accordé à FPQ des cautions personnelles en offrant en garantie sa demeure de Laval. Évaluée à près de 5,5 millions par la Ville, elle appartient à la Fiducie Réal Bouclin.

Contrairement à l’usage, les prêteurs ont d’abord omis de faire enregistrer ces garanties au registre foncier, pendant quatre ans. Puis, en mai dernier, l’entreprise des Resslen a finalement fait enregistrer un droit hypothécaire, avant de publier un préavis de vente sous contrôle de la justice moins d’un mois plus tard.

La dette de 18 millions qui fait l’objet de ce recours visant la résidence de Bouclin pourrait n’être que la pointe de l’iceberg.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Réal Bouclin

Selon des sources qui connaissent bien le dossier mais qui n’ont pas l’autorisation d’en parler publiquement, l’homme d’affaires aurait discrètement accumulé d’importantes dettes auprès de plus d’un prêteur.

Dans des documents déposés en Cour supérieure, le contrôleur de Sélection, PwC, identifie FPQ comme un « partenaire », sans toutefois mentionner dans quelle résidence l’entreprise détient des parts.

Ni Luc ni Franck Resslen n’a répondu aux questions de La Presse, envoyées par courriel et par les réseaux sociaux. La Banque Royale, qui conseille Bouclin dans le cadre des procédures en vertu de la LACC, n’a pas rappelé non plus. Dans une déclaration, Groupe Sélection a voulu minimiser la situation.

« Dans les circonstances, il était attendu que certains créanciers déçus tentent des procédures de ce type, souligne l’entreprise. M. Bouclin ne fera aucun commentaire sur le sujet à ce moment-ci. Cela dit, cette situation n’affecte en rien les efforts importants actuellement déployés par l’organisation afin de s’allier à de nouveaux partenaires financiers. »

Étape cruciale

À l’abri de ses créanciers depuis le 14 novembre dernier, Sélection se trouve dans une étape déterminante du processus d’enchères visant à vendre des actifs afin de redresser ses finances et de rembourser ses banquiers.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le projet Espace Montmorency à Laval, en février 2022

La dernière transaction s’est concrétisée le 12 mai dernier. Le Fonds de solidarité FTQ a alors mis la main sur la participation de 25 % que détient le promoteur immobilier et gestionnaire de RPA dans Espace Montmorency, à Laval. Ce complexe multiusage comprend des commerces, des tours résidentielles et un stationnement souterrain. Montoni et Montez sont les autres partenaires dans ce projet.

On devrait bientôt avoir une idée de l’identité des acheteurs. Selon les échéanciers qui figurent dans les documents déposés auprès de la Cour supérieure du Québec, le contrôleur PwC devrait déterminer, ce vendredi, quelles offres seront été retenues.

D’après les documents judiciaires, l’objectif est de boucler les transactions d’ici le 31 juillet. Le contrôleur a envoyé près de 540 invitations au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde pour attirer des acquéreurs potentiels.

Les actifs offerts aux enchères sont regroupés en deux portefeuilles. Le premier concerne les 25 RPA détenues avec Revera. Le second comprend des actifs, comme le projet District des Brasseurs (ex-brasserie Molson), qui n’avaient pas encore fait l’objet d’ententes de gré à gré.

Bouclin et ses banquiers ne se sont jamais entendus sur la façon de redresser Sélection. À maintes reprises au cours des derniers mois, les avocats de l’homme d’affaires ont prétendu que le processus actuel était en fait une liquidation déguisée de l’entreprise. Ils plaidaient en faveur d’une mise aux enchères en deux étapes.

Selon eux, une telle solution aurait laissé plus de temps à l’homme d’affaires et à ses conseillers pour trouver des partenaires dans l’espoir de racheter des actifs.

La Cour supérieure a tranché en faveur du plan des créanciers en soulignant que la précarité financière de Sélection fait en sorte que des transactions doivent se conclure rapidement.

Groupe Sélection en bref

(Avant de se placer sous la protection de la LACC)

  • 48 résidences pour aînés au Québec
  • 7 tours de logements locatifs en activité ou en construction
  • 15 projets en développement
  • 3000 employés
  • 14 000 unités d’habitation
En savoir plus
  • 1989
    Année de fondation de Groupe Sélection
    Source : Groupe Sélection