Possiblement pris dans un traquenard avant d’être assassiné lundi, Francesco Del Balso était un homme ciblé de toutes parts. Non seulement des membres du crime organisé avaient offert une forte somme pour sa tête, mais aussi les autorités s’apprêtaient à déposer contre lui des accusations qui auraient pu le ramener derrière les barreaux, a appris La Presse.

Tôt le matin du 23 mai dernier, un groupe de policiers rattachés à l’Escouade nationale sur la répression du crime organisé (ENRCO) a fait irruption dans une résidence du domaine du Boise, à Laval. La résidence appartenait à Francesco Del Balso, 53 ans, ancien haut dirigeant de la mafia montréalaise, devenu par la suite davantage associé aux Hells Angels.

Lorsque les policiers sont débarqués chez lui, Del Balso était déjà soupçonné depuis plusieurs semaines d’avoir commandé la tentative de meurtre contre Leonardo Rizzuto, fils de l’ancien parrain Vito Rizzuto, survenue le 15 mars dernier près d’un salon funéraire lavallois. Il était aussi soupçonné de s’être associé aux Hells Angels dans certains projets criminels liés au prêt et au jeu illégaux.

Les agents ont commencé à fouiller la résidence de fond en comble. Arrivé dans la salle de bains de l’étage supérieur, l’un d’eux a remarqué une petite trousse de premiers soins triangulaire rouge. À l’intérieur, il a découvert un pistolet CZ 75 Compact de conception tchèque, trois chargeurs à haute capacité et une boîte de munitions.

Un rapport de saisie présenté à un juge et consulté par La Presse au palais de justice de Laval indique clairement que des accusations devaient être portées prochainement à la suite de la découverte de cette quincaillerie.

« Les items saisis sont de possession illégale au Canada. Ils sont détenus pour mettre en preuve sur une accusation future et pour destruction », précise le document, daté du 30 mai.

Vu ses lourds antécédents judiciaires liés à ses années de lieutenant de la mafia, Francesco Del Balso risquait de sérieuses conséquences en cas de culpabilité.

Les procureurs de la Couronne n’ont toutefois pas eu le temps de porter les accusations dans ce dossier. Car d’autres personnes étaient aussi aux trousses de Francesco Del Balso.

Barbelés, gilet pare-balles, pellicules dans les fenêtres

Lundi, alors qu’il se trouvait seul près du Monster Gym de Dollard-des-Ormeaux, le quinquagénaire a été la cible d’une volée de projectiles d’arme à feu. Il a été atteint mortellement. Le ou les tireurs auraient été à plusieurs mètres de distance lorsqu’ils l’ont abattu.

Ce meurtre n’est pas une surprise aux yeux des autorités et du monde interlope. Del Balso était isolé depuis quelques semaines, et un contrat de plusieurs milliers de dollars aurait été mis sur sa tête.

Il portait régulièrement un gilet pare-balles et aurait même fait installer des barbelés et une pellicule anti-balles dans les fenêtres de sa résidence, selon nos informations. Il avait aussi emprunté récemment 400 000 $ à des prêteurs privés actifs sur le Plateau Mont-Royal, une somme qui lui donnait une certaine marge de manœuvre financière à court terme, selon un document notarié consulté par La Presse.

Le criminel de carrière était notamment dans la ligne de mire du clan des Siciliens, toujours considéré par la police, encore pour le moment du moins, comme le plus fort de la mafia montréalaise. Comme la police, certains membres du clan soupçonnaient Francesco Del Balso d’avoir commandé la tentative de meurtre sur Leonardo Rizzuto. Del Balso avait été arrêté à l’aéroport avec un billet simple vers l’Italie peu après l’attaque contre Rizzuto. On l’avait ensuite relâché après lui avoir confisqué son passeport.

Peu après, dans la foulée d’une série d’incendies criminels liés au crime organisé, deux véhicules avaient été brûlés dans l’entrée d’une résidence située tout près de celle de Francesco Del Balso.

Un gym fréquenté par des motards

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Un employé du Monster Gym nettoie la scène au lendemain du meurtre.

Une hypothèse qui sera sûrement examinée par la police : on aurait tendu un piège à Del Balso en le convoquant au centre d’entraînement où il a été tué. L’endroit serait fréquenté par des membres d’un club-école des Hells Angels, les Rolling Aces, selon des sources policières et criminelles.

Selon des sources bien au fait des tractations du milieu interlope qui se sont confiées à La Presse, Francesco Del Balso pourrait avoir été sacrifié par les Hells Angels pour acheter la paix avec le clan sicilien de la mafia montréalaise.

Le caïd s’était beaucoup rapproché du groupe de motards criminels ces dernières années. Il aurait d’ailleurs rencontré Martin Robert, un membre important de l’antenne montréalaise des Hells, peu avant sa mort. À la fin de l’année 2021, il avait vendu son condo de Sainte-Julie à une parente par alliance du motard, selon le Registre foncier.

Un travail qui le gardait sur la route

Alors qu’il était au cœur de nombreuses intrigues et multipliait les rencontres avec des personnages influents du monde criminel, les déplacements en ville de Francesco Del Balso s’étaient compliqués l’automne dernier. Selon des documents judiciaires déposés à la cour, la Société de l’assurance automobile du Québec avait entrepris les démarches pour lui retirer son permis. Del Balso, qui roulait au volant de véhicules de marques Mercedes, Lexus et Porsche ces dernières années, avait accumulé plus que le maximum de points d’inaptitude.

Le vétéran du crime organisé avait toutefois trouvé un argument pour justifier sa présence continue sur les routes. Il avait convaincu le tribunal de le laisser conduire du lundi au samedi, de 5 h à 22 h, dans le cadre de son travail de directeur des ventes pour la société Dix Étoiles Plus, un commerce en gros de fruits et légumes.

« M. Francesco Del Balso travaille au sein de notre entreprise depuis 2016 à titre de directeur des ventes. Il doit utiliser un véhicule automobile pour représenter l’entreprise pour une centaine de clients commerciaux (restaurants, kiosques, hôpitaux, etc.) », avait expliqué au juge la présidente de l’entreprise, Athenas Samaras, dans une lettre déposée au palais de justice de Laval le 24 octobre dernier.

Afin de convaincre le magistrat, ses avocats avaient insisté sur le fait que ce travail d’honnête représentant en fruits et légumes était « son principal travail dont il tire sa subsistance ».