La décision de Teck Resources d’annuler un vote de ses actionnaires sur son plan de scission pourrait être considérée comme une victoire pour la suisse Glencore dans sa campagne pour acquérir la société minière établie à Vancouver.

Mais Teck reste formelle : l’offre du géant des matières premières reste inintéressante à ses yeux, et son chef de la direction, Jonathan Price, a ajouté mercredi que la société pourrait être plus réceptive à d’autres prétendants.

« Nous avons des activités haut de gamme. Et en matière de fusions et acquisitions, nous croyons fermement que la concurrence pour les actifs génère de la valeur », a affirmé M. Price lors d’une conférence téléphonique avec des analystes.

Teck a annoncé, quelques heures à peine avant son assemblée annuelle mercredi, qu’elle ne procéderait pas au vote sur son projet qui la verrait scinder ses activités métallurgiques et celles du charbon sidérurgique en deux sociétés distinctes.

Cette décision suggère que la société ne pensait pas obtenir l’approbation des deux tiers des actionnaires requise pour sa proposition qui aurait pour effet de créer deux entités : Teck Metals et Elk Valley Resources (EVR).

Glencore, qui a refusé de commenter l’affaire mercredi, avait exhorté les actionnaires de Teck à rejeter le plan de leur société. La suisse a toujours affirmé qu’elle ne pourrait pas donner suite à sa proposition si le plan de scission des activités de Teck était mis en œuvre, puisque cela rendrait l’opération beaucoup plus complexe.

L’analyste Cole Smead, de Smead Capital Management, a souligné qu’il était clair qu’à ce stade, Glencore avait le dessus.

« Je pense que tout le monde aurait dû s’y attendre. Franchement, Glencore en sait plus sur les marchés des matières premières que quiconque, à mon avis », a observé M. Smead lors d’une entrevue.

« Si vous jouez et que ce genre de personne se retrouve de l’autre côté de la table, vous devriez probablement aller jouer à un autre jeu. »

Teck souhaite développer sa production de cuivre et de zinc pour répondre à la demande mondiale croissante de ces métaux, tous deux utilisés dans la production de véhicules électriques et considérés comme des ressources clés pour la transition énergétique à venir.

En séparant ses actifs de charbon sidérurgique de ses activités dans les métaux, la société espérait attirer des investisseurs férus d’occasions pour le cuivre et le zinc, mais qui ne souhaitent pas investir dans le charbon pour des raisons de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

D’autres prétendants ?

Le chef de la direction de Teck, Jonathan Price, a fait valoir que ses actionnaires avaient clairement manifesté un intérêt pour l’idée d’une séparation, mais que cette dernière devrait favoriser une « approche plus simple et plus directe ».

Il a cependant refusé de dire si Teck avait été approchée par d’autres acheteurs potentiels.

« Je ne vais pas spéculer en détail là-dessus, a déclaré Price. Mais il suffit de dire que le processus que nous avons traversé au cours des deux derniers mois, qui a bien sûr été très public, a suscité un intérêt significatif pour les deux entreprises, EVR et Teck Metals. Et il est très clair que la valeur de ces entreprises est bien reconnue. »

M. Price a suggéré que d’autres acheteurs pourraient se manifester une fois que Teck aura séparé ses actifs de charbon de ses activités métallurgiques.

Nous nous attendons à ce qu’il y ait beaucoup plus d’intérêt pour les entreprises sur une base autonome. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous continuons de croire que la séparation est la bonne voie à suivre ici.

Jonathan Price, chef de la direction de Teck

Mais M. Smead croit que Glencore finira par triompher, principalement parce que d’autres soumissionnaires potentiels pourraient ne s’intéresser qu’à la composante des métaux de Teck.

« Vous êtes de retour à cette énigme : que va-t-il arriver aux actifs de charbon ? Et Glencore fournit cette “ sortie ”, ils disent “ non, nous voulons les actifs de charbon ” », a souligné M. Smead.

« Glencore veut être impliqué dans ces entreprises — Teck ne le veut pas. Et c’est la distinction, c’est pourquoi je pense que la famille va perdre le contrôle. Parce qu’ils ne veulent pas se retrouver dans l’entreprise qu’ils ont bâtie, ils veulent seulement se retrouver dans une de ses parties. »

Teck est contrôlée par la famille Keevil, qui détient les actions de catégorie A de la société avec la société japonaise Sumitomo.

Norman Keevil, président émérite de Teck, a estimé, plus tôt ce mois-ci, que l’offre de Glencore est la mauvaise proposition, au mauvais moment. Il a cependant ajouté qu’il était prêt à discuter d’autres transactions possibles une fois que la société aura achevé son propre plan de scission.

Un sentiment de nationalisme économique

L’offre non sollicitée visant la plus grande société minière diversifiée du Canada par un géant international a suscité des sentiments de nationalisme économique.

Le premier ministre britanno-colombien, David Eby, la Mining Association of B. C., ainsi que la chambre de commerce du Grand Vancouver ont exprimé leur inquiétude quant au potentiel de pertes d’emplois et ont mis en doute le bilan de Glencore au chapitre des facteurs ESG.

Dans une lettre à la chambre de commerce du Grand Vancouver datée du 24 avril, trois ministres du cabinet fédéral ont assuré qu’Ottawa surveillait la situation « de très près ».

« Nous avons besoin d’entreprises comme Teck ici, au Canada », peut-on lire dans la lettre signée par la vice-première ministre, Chrystia Freeland, le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, et le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson.

Reste à savoir si Ottawa irait jusqu’à bloquer une éventuelle acquisition de Teck par Glencore. Certains observateurs ont souligné que la présentation de l’offre de Glencore pour l’entreprise canadienne survenait en même temps que le gouvernement s’est engagé à mettre en place une stratégie nationale sur les minéraux critiques, dans le cadre de son plan climatique global.