L’entreprise montréalaise TFI alimente la spéculation et fait bondir l’action d’un concurrent américain au NASDAQ.

L’entreprise de camionnage autrefois appelée TransForce a révélé en fin de journée lundi avoir acheté environ un million d’actions d’ArcBest, une entreprise de l’Arkansas qui génère plus de 50 % de son chiffre d’affaires avec le transport de lots brisés.

Il n’en fallait pas plus pour exciter les investisseurs. L’action d’ArcBest a gagné 17 % mardi au NASDAQ.

La participation de 4 % détenue par TFI a discrètement été insérée dans une note de bas de page détaillant la performance financière de fin d’exercice présentée lundi.

Si certains investisseurs parient qu’il s’agit d’un geste précurseur à une acquisition prochaine d’ArcBest par TFI, d’autres voient possiblement une indication voulant que l’entreprise américaine soit sous-évaluée.

Questionné par les analystes entourant la divulgation de cet investissement, le grand patron de TFI, Alain Bédard, a répondu en conférence téléphonique « beaucoup aimer » ArcBest.

« Nous aimerions éventuellement avoir des discussions très positives avec l’équipe de direction parce qu’en étant nous-même une entreprise syndiquée comme eux, il y a certaines choses sur lesquelles nous pourrions travailler ensemble et améliorer », a-t-il précisé.

Pourquoi révéler cet investissement cette semaine ? Alain Bédard a simplement dit que c’était la « bonne chose à faire ».

Alain Bédard dit entretenir des pourparlers avec d’autres entreprises du secteur au sujet, par exemple, d’actifs immobiliers détenus. « Nous avons un gros portefeuille immobilier dont une grande partie est inutilisée », a-t-il dit.

Alain Bédard n’a pas indiqué si la participation dans ArcBest allait être bonifiée ou pas et aucun détail n’a été fourni sur la structure qu’une entente de coopération pourrait impliquer. L’investissement serait destiné à favoriser les discussions avec ArcBest sur les possibilités de gains d’efficacité entre les deux entreprises.

Des experts soupçonnent toutefois d’autres scénarios.

« Je pense depuis un moment qu’une transaction entre ArcBest et TFI aurait beaucoup de sens sur le plan stratégique », commente Jack Atkins, analyste au sein de la firme de services financiers Stephens.

« Je sais que TFI aime acquérir des actifs sous-évalués et ArcBest est grandement sous-évaluée par rapport à d’autres entreprises comparables. »

Un acquéreur doit être prêt à payer une généreuse prime pour espérer acheter ArcBest, selon Jack Atkins. Il ne croit pas que la direction d’ArcBest souhaite vendre, à moins que TFI offre un prix difficile à refuser. Et il doute que TFI ait le désir d’offrir un prix trop élevé pour être refusé.

Il estime qu’une offre à 150 $ US par action valorisant ArcBest à 3,6 milliards US serait juste (l’action d’ArcBest vaut aujourd’hui environ 100 $ US). Si le marché boursier est efficient, l’action d’ArcBest se négociera à 150 $ US dans un an, selon lui, lorsque le contexte économique sera meilleur et que le nouveau contrat de travail avec les Teamsters sera signé.

Jack Atkins dit par ailleurs ne pas comprendre pourquoi le marché refuse encore de reconnaître la pleine valeur d’ArcBest compte tenu de son bilan, de la qualité du service et de sa rentabilité « malgré une main-d’œuvre syndiquée ».

Son collègue Jason Seidl, de la firme Cowen, croit de son côté que TFI voudra probablement attendre qu’ArcBest s’entende avec les Teamsters avant de s’engager dans un projet d’acquisition.

L’entente actuelle avec les Teamsters vient à échéance en juin et Jack Atkins ne croit pas que cette organisation syndicale serait en faveur d’une transaction avec TFI en raison du potentiel de pertes d’emplois découlant de l’intégration des activités des deux entreprises.

Il ne fait toutefois aucun doute dans son esprit qu’une transaction serait très bénéfique pour les actionnaires de TFI.

C’est même une « opportunité unique » aux yeux de l’analyste Benoit Poirier, chez Valeurs mobilières Desjardins. « Ce serait un jumelage parfait pour TFI et une excellente occasion de création de valeur. » Il calcule qu’une telle transaction pourrait créer jusqu’à 40 $/action de valeur pour les actionnaires de TFI.

Son camarade Fadi Chamoun, de la BMO, soupçonne pour sa part qu’ArcBest est sur la courte liste de TFI depuis longtemps et note que la divulgation de l’investissement dans ArcBest survient alors que TFI achève l’intégration de UPS Freight et après la journée pour les investisseurs de novembre dernier au cours de laquelle la direction a souligné avoir la capacité de déployer jusqu’à 5 milliards de dollars.

La combinaison de ces deux entreprises de camionnage serait cependant complexe à réaliser, selon Fadi Chamoun. « Une coopération plus stratégique dans certains marchés pourrait peut-être rapprocher les deux parties dans une première étape vers une combinaison éventuelle plus élargie. »

Est-ce qu’il y aura transaction ? Le temps le dira, mais ultimement, Jack Atkins le croit peu probable, car trop d’astres doivent s’aligner pour que ça fonctionne.

L’action de TFI a clôturé la séance de mardi en hausse de 7 %, à 167,05 $, à la Bourse de Toronto.