Au moment où elle se serre la ceinture pour commercialiser son procédé qui ambitionne de recycler le plastique à usage unique, Loop Industries se constitue une « réserve de trois ans » en vendant, cinq fois le prix payé, un terrain acheté à Bécancour il y a moins de deux ans.

« Ce n’était pas ce que j’avais en tête, mais il y a eu beaucoup d’intérêt l’été dernier à cause de la filière [québécoise] des batteries », affirme Daniel Solomita, fondateur et chef de la direction de la jeune pousse québécoise. « La valeur des terrains a pris 500 %. C’était une transaction assez facile à faire. Cela nous donne trois ans de capital pour attendre que les marchés reprennent des forces. »

En acceptant de quitter le parc industriel de Bécancour, l’endroit privilégié pour le développement de la filière des batteries, l’entreprise fondée en 2014 obtiendra 30,5 millions.

Les derniers mois de 2022 ont été occupés pour l’entreprise. Elle a conclu deux opérations foncières, réglé une action collective aux États-Unis pour 3,1 millions US, révisé ses ambitions à l’égard de son projet d’usine commerciale au Québec et réduit la cadence de son usine pilote de Terrebonne. Ces informations figurent dans son rapport du troisième trimestre récemment déposé auprès des autorités boursières américaines.

Désormais, les ressources financières seront consacrées à son partenariat avec le géant sud-coréen SK Global Chemical (SKGC), qui détient 10 % de Loop. Les travaux de la première usine émanant de l’alliance entre les deux sociétés, qui doit voir le jour à Ulsan, en Corée du Sud, doivent débuter vers le mois de septembre, selon M. Solomita.

« SK amène 80 % du capital pour les usines, dit-il. L’argent que Loop doit injecter dans ces projets est moindre. Ce qu’on veut, c’est de pouvoir construire des usines commerciales sans lever de capital quand les marchés sont plus faibles. »

Au 30 novembre dernier, l’entreprise, qui ne dégage toujours pas de profits nets, disposait de liquidités de 21,5 millions US. La vente de son terrain à Bécancour lui procure donc un peu de flexibilité financière.

Plus tard au Québec

Loop avait mis la main sur un terrain de 1,8 million de mètres carrés (20 millions de pieds carrés) à Bécancour pour 5,9 millions en mai 2021. L’emplacement appartenait à IFFCO, coopérative qui avait abandonné un projet d’usine d’engrais (urée). Environ la moitié de l’endroit avait été vendu pour 12 millions l’automne dernier. La transaction pour l’autre moitié devrait être finalisée le 24 février prochain. On ignore encore qui est l’acquéreur.

Lisez l’article « De premiers revenus grâce à la vente d’un terrain »

La transaction soulève des doutes quant à la possibilité de voir Loop se lancer dans la construction d’une usine commerciale au Québec. Son grand patron y songe encore, mais il faudra attendre quelques années avant d’en reparler.

PHOTO YVES TREMBLAY, ARCHIVES LES YEUX DU CIEL

En quelques mois seulement, Loop Industries a vendu son terrain dans le parc industriel de Bécancour.

« Il faut attendre que le climat économique soit meilleur et que le gouvernement fédéral soit un peu plus sérieux avec sa volonté d’éliminer la pollution plastique vers 2030 », affirme M. Solomita.

Par ailleurs, afin de réduire ses dépenses, Loop a ralenti la cadence des activités de son usine pilote à Terrebonne ; celle-ci fonctionne à 30  % de sa capacité. On recense désormais une soixantaine d’employés sur le site, soit une trentaine de moins qu’auparavant. La décision a été prise parce que le partenariat avec SKGC va bon train, dit le président de Loop.

Encore hantée par son passé

Fondée en 2014, Loop dit avoir conçu un procédé chimique lui permettant de recycler les déchets de plastique PET – comme les bouteilles et les emballages de plastique. Cette technologie créerait des sous-produits si purs qu’ils pourraient être réutilisés dans l’emballage alimentaire. Le stade de la commercialisation n’a pas encore été atteint.

Loop s’était retrouvée sous les projecteurs en 2020 à la suite du rapport d’un vendeur à découvert.

La publication du rapport avait secoué Loop en Bourse. Sur le NASDAQ, l’action avait perdu plus de 35 % de sa valeur à la suite de la diffusion du rapport, en octobre 2020. Cela avait entraîné le dépôt de demandes d’actions collectives au Canada et aux États-Unis. Pour tourner la page sur un litige au sud de la frontière, l’entreprise a accepté de régler à l’amiable pour une somme de 3,1 millions US. L’accord ne constitue pas l’« admission » d’une faute, souligne le rapport trimestriel.

« Se défendre pendant des années aux États-Unis aurait coûté pas mal plus cher, affirme M. Solomita. C’était une décision facile à prendre. »

Au Québec, la Cour supérieure avait refusé d’entendre une demande d’action collective qui avait été déposée contre Loop.

Avec André Dubuc, La Presse

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    Nombre d’usines de production de plastique recyclé que Loop doit construire avec SKGC en Asie d’ici 2030
    loop industries
    2,57 $ US
    Cours de clôture de l’action au NASDAQ, lundi. Le titre a perdu 72  % depuis un an.
    NASDAQ