(Paris) La capitalisation boursière du numéro un mondial du luxe LVMH a dépassé mardi le seuil des 400 milliards d’euros (578 milliards $), une première pour une entreprise européenne, mais qui ne fait toujours pas le poids face aux géants américains.

Le cap des 400 milliards d’euros (LVMH vaut 430 milliards de dollars) est symbolique, mais constitue un record d’autant plus impressionnant pour une entreprise européenne que le groupe de luxe est la seule société du Vieux Continent à figurer parmi les 20 plus grosses capitalisations mondiales.

La capitalisation d’une entreprise désigne le montant qu’il faudrait débourser pour acheter la totalité des actions existantes.

Sur les 100 premières valorisations, 61 sont américaines, selon un recensement réalisé par le cabinet EY fin décembre 2022. France, Suisse et Royaume-Uni sont représentés par 12 entreprises dans cette liste. Le cabinet ne comptabilise aucune entreprise allemande, le groupe de chimie Linde ayant annoncé en octobre sa volonté de quitter le Dax (principal indice boursier allemand) pour n’être coté qu’aux États-Unis.

Seules 15 entreprises de Chine, pourtant deuxième économie mondiale, intègrent ce classement, un chiffre peu élevé du fait d’un manque de confiance des investisseurs dans les actifs chinois, notamment sujet aux ingérences du pouvoir.

Outre le géant suisse de l’agroalimentaire Nestlé, à qui LVMH a repris la place de la plus grosse capitalisation européenne au cours du deuxième semestre 2022, plusieurs entreprises du secteur de la santé occupent le haut du panier européen : Novo Nordisk, Roche, AstraZeneca, Novartis. Certaines bénéficient encore d’un « effet COVID-19 ».

Dans son étude, EY note que « l’importance de l’Europe dans les Bourses mondiales est en recul depuis des années », soulignant qu’avant la crise financière de 2008, « 46 des 100 entreprises les plus valorisées dans le monde étaient européennes, elles ne sont plus que 15 actuellement ».

Écrasants géants

Les entreprises européennes font pâle figure face aux géants américains Apple (2120 milliards de dollars), Microsoft (1750 milliards), la maison-mère de Google, Alphabet (1190 milliards) ou Amazon (970 milliards).

Un écart de valorisation qui s’explique principalement par la taille des entreprises : LVMH a engrangé 64 milliards d’euros de recettes en 2021, tandis que le chiffre d’affaires d’Apple a approché les 400 milliards de dollars pour son exercice décalé 2021/2022.

La capacité d’attraction de Wall Street, où « tout le spectre d’investisseurs internationaux est accessible », joue aussi un rôle, selon Christopher Dembik, directeur de la recherche macroéconomique de Saxo Bank. « Il y a plus de flux orientés vers le marché américain ».

Un constat pas totalement partagé par Michael Green de Simplify Asset Management qui souligne que « dans l’ensemble, les marchés sont mondiaux aujourd’hui » et que, proportionnellement aux revenus, « les écarts de valorisation entre Europe et États-Unis se sont largement réduits et ont disparu. »

La fréquence et les volumes plus importants des programmes de rachats d’actions aux États-Unis, qui soutiennent les cours de Bourse, sont aussi à prendre en compte pour Michael Hewson, analyste de CMC Markets.

« Roi de la jungle »

« Il y a aussi un phénomène de mimétisme des gérants d’actifs qui ont systématiquement une exposition assez importante au marché américain », le pourcentage d’actifs américains dans un portefeuille « peut aller jusqu’à 30 % à 50 %, y compris chez des gérants européens », assure Christopher Dembik.

Pour lui, le seul secteur européen qui peut prétendre rattraper les capitalisations américaines, c’est le luxe, fort d’une « résilience, peu importe la nature de la crise » et aux hausses boursières « phénoménales ces dix dernières années ».

Depuis 2020, l’action LVMH a été portée par les mesures d’aide à l’économie par les gouvernements et les banques centrales, par la progression de ses ventes malgré l’envolée des prix et, plus récemment, par la réouverture économique de la Chine.

Son prix a atteint 803,20 euros en séance mardi, un record, pour terminer à 797,40 euros. Cela représente une hausse de près de 50 % par rapport à son plus bas niveau de 2022, atteint début juin. Depuis le début de 2023, elle s’est déjà envolée de 17,28 %.

Pour Luca Solca, analyste de Bernstein spécialisé dans le luxe, la progression de LVMH « montre que le luxe est l’un des rares secteurs où l’Europe est leader ». Et « LVMH est de plus en plus le roi de la jungle », ajoute-t-il.